La grande force de ce bouquin, mis-à-part sa simplicité, c’est le talent de Mark à sélectionner les anecdotes les plus savoureuses de son existence, qu’elles soient drôlissimes ou simplement essentielles à la compréhension de son univers. Ainsi on découvre avec intérêt ses premiers amours adolescents, avec des descriptions qui s’apparentent à des couplets d’hypothétiques morceaux, du genre "She had short hair for a girl, I had long hair for a boy". C’est tout bête mais c’est le genre de remarque qui fourmille dans ce récit, et qui à chaque fois vous arrache un sourire. On apprend ensuite comment il est devenu malgré lui le bad boy du lycée vers 16 ans, comment de batteur il a voulu devenir frontman, et on arrive bien vite dans les sujets délicats, dont la première tentative de suicide de sa sœur avec qui il avait une relation très privilégiée. Et Mark ne tarde pas à nous raconter la scène où il retrouve son père mort de crise cardiaque à 51 ans, ainsi que la non-relation qu’il entretenait avec lui, lui le scientifique de mécanique quantique incompris par ses pairs. Plus tard Mark confie : "I had been angry at him all these years but, now that I saw much of him in myself, it became easy to identify with him".
"Things The Grandchildren Should Know" :
Après cette première épreuve, qui le laisse seul à la maison avec sa mère et sa sœur, Mark se met au parachute, pour se sentir vivant comme il dit. Puis il donne des cours de musique pour des enfants perturbés, se sentant lui-même déjà un peu à coté de la plaque, "I felt like such a lost cause, with nothing going for myself". Et puis à 23 ans il prend la plus grosse décision de sa vie : quitter le foyer familial qui s’écroule pour tenter de réussir dans la musique. Direction la Cité des Anges, by car. Et là une fois de plus c’est magique, pour les fans au moins, quand on découvre comment sont nées les chansons. "Some were about girls I liked. Some were about how lonely I felt. The usual song fodder, I suppose". Tel un parfait arriviste, Mark avait toujours une cassette de démo dans la poche, juste au cas où. Puis il rencontre Carter son futur manager qui arrive à le signer pour deus albums chez Polydor par un extraordinaire coup de bol. La suite on la connait, ce sera A man called E en 1993 et A broken toy shop en 1994 sous la seule lettre E. "Hello cruel world" est son premier succès. Puis plus rien. Passage à vide. Jusqu’à ce qu’il entende Portishead à la radio qui lui inspire le morceau "Novocaïne for the soul". Passage de E en Eels, quelques concerts notamment chez KCRW, un buzz qui monte et les propositions affluent. Ne choisissant pas l’option la plus rémunératrice, Eels choisit d’être le premier artiste Dreamworks. Elliott Smith sera le second. Les scènes où les deux antihéros se rencontrent et passent du temps ensembles sont d’ailleurs grandioses (Elliott était très fan du morceau "Motherfucker", le gouvernement un peu moins). Il est d’ailleurs étrange de comparer les trajectoires de ces deux hommes, très proches l’un de l’autres et pourtant avec deux approches complètement différentes de la carrière, Elliott n’ayant rien fait pour que le succès arrive, et Mark ayant tout donné depuis le début pour réussir.
Plus qu’une simple autobiographie, Things The Grandchildren Should Know est un exemple à suivre. Le message, très simple à dire, moins à faire : tirer le meilleur de tout ce qui peut arriver de mauvais, ne jamais baisser les bras, toujours relever la tête, parce que rien n’est jamais perdu et que, "It only takes a second for your life to change in huge ways". Respect Mister Eels.
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