Le capitaine Silleroy fait à ses jeunes soldats une conférence sur les conséquences néfastes de l'alcoolisme.
L'alcool tue, c'est un fait. Quand, au café vous buvez un mêlé-cassis, une fine, un kirsch, une absinthe, vous vous suicidez...
Un ouvrier, tout en ne s'enivrant pas, a recours souvent à un verre d'alcool pour se donner du coeur. Le matin, avant le travail, un petit verre ; à midi, l'absinthe ; au déjeuner, de l'eau-de-vie avec le café ; avant le repas du soir, l'apéritif, un, deux ou trois, selon qu'on est seul ou avec des amis... Cet ouvrier, chaque jour, s'introduit dans le sang près de 300 grammes d'alcool, c'est-à-dire, en six ans, 654 kilogrammes ; il n'est donc plus qu'une éponge imbibée d'alcool. Or, cet ouvrier se mariera, il aura des enfants, mais ces enfants seront scrofuleux, rachitiques, tuberculeux. Sur 2.192 cas de tuberculose observés dans un hôpital, 1.229 ont été attribués à l'alcoolisme ; sur neuf français qui meurent il y en a au moins un que tue l'alcoolisme ; sur 100 crimes, il y en a 80 qui sont commis par des alcooliques ; depuis qu'on boit davantage d'alcool, les cas de folie ont augmenté d'un tiers ; on évalue à un milliard trois cent quarante millions la valeur des journées de travail chômées par des alcooliques. Ce qui attend l'alcoolique, c'est l'hôpital, l'asile d'aliénés, la correctionnelle, les assises, le bagne, la mort.
Eh bien ! soldats, si a quarante ans vous voulez être pareils au chêne, et à quatre-vingts des vieillards solides, au jarret ferme, l'estomac bien portant, et qui aux noces de leurs petites-filles mangeront d'un grand appétit ; si vous voulez toute votre vie ignorer l'adresse du médecin et du pharmacien ; si vous voulez être habiles à l'atelier, habiles aux champs, habiles au bureau ; si vous voulez amasser des économies ; si vous voulez avoir une brave femme qui paie régulièrement le boulanger et garde des écus sonnants dans des tiroirs ; si vous voulez avoir de beaux enfants, ne buvez jamais d'alcool. L'alcool est un poison.
Paul ACKER