Magazine Culture

Les belles choses que porte le ciel

Par Lorraine De Chezlo

LES BELLES CHOSES QUE PORTE LE CIELde Dinaw Mengestu
Roman - 280 pages
Editions Albin Michel - août 2007
Editions Livre de Poche - octobre 2009
Prix du roman étranger 2007

Sépha tient une modeste épicerie dans une banlieue de Washington. Immigré éthiopien, il mène une morne existence depuis 17 ans, jalonnée par ses lectures quotidiennes dans l'attente du client, ses retrouvailles régulières avec ses deux amis kenyan et congolais, et ses terribles souvenirs du passé. Avec cynisme ils parlent du continent africain et de sa richesse en coups d'état. Le jour où, sur la place, s'installe Judith, une femme blanche accompagnée de sa jeune fille métisse, un vent nouveau balaie la vie renfermée de Stéphanos.
Dinaw Mengestu a réussi un premier roman d'une grande sensibilité, sûrement en rapport avec certains éléments de sa propre vie d'immigré américain d'origine éthiopienne. On s'attache bien vite au personnage de Sépha, cet épicier discret. Quand il fait la connaissance de Judith et Naomi, la belle et riche femme lu isemble innaccessible, mais la petite Naomi, curieuse, espiègle, peu timide, brise vite la glace et passe de nombreuses heures en compagnie de Sépha, dans sa boutique.

Extrait :
""Tu sais, les enfants ne devraient pas parler comme ça", lui dis-je un jour.
Elle haussa à nouveau les épaules, en baissant les yeux d'une façon qu'elle semblait avoir répétée.
"Je sais, dit-elle. Mais je ne suis pas une enfant.
- Tu es quoi, alors ?
- Je suis une adulte.
- Tu as onze ans.
- Et toi, tu as quel âge ?
- Beaucoup plus.
- Et alors, tu veux prouver quoi ? Que je dois être stupide jusqu'à ce que je sois plus vieille ?
- Exactement. Pourquoi crois-tu que les gens aiment les enfants ?"
Un après-midi, nous avions épuisé tous nos sujets de conversation, il nous fallut en inventer de nouveaux. A l'issue de sa visite, nous avions créé tout un univers alternatif, uniquement peuplé d'animaux. Le monde s'en trouvait bien simplifié. Debout devant la caisse, les coudes à peine posés sur le comptoir, Naomi avait fait ce qu'elle savait le mieux faire. Ordonner.
"Raconte-moi une histoire", dit-elle."

Ils deviendront très vite complices Pour autant, l'histoire ne sombre pas dans le classique roman à l'eau de rose, et la relation unissant Judith à Sépha restera complexe, voire inachevée. Chacun des deux doit vivre avec un passé qui remonte à la surface : Sépha avec les sanglants évènements de la Terreur Rouge qui le poussèrent à l'exil, laissant deriière lui sa famille, et Judith avec le père de Naomi, fantôme qu'elle semble vouloir fuir, regrettant l'absence de père pour sa fille. Entre eux, les barrières sociales plus que raciales, et la vie du quartier en proie à des dégradations ciblées et des rumeurs d'expulsions et de rachat immobilier.
Un roman qui aborde de nombreux thèmes américains actuels, qui soulève la nécessité de prendre le temps de prendre du recul sur sa propre vie, sans forcément sans cesse aller de l'avant dans une Amérique qui ressasse ce leitmotiv, au détriment de son passé. _____________[Merci à Suzanne, de ChezLesFilles !]


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Lorraine De Chezlo 64 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog

Magazines