Forcément, Bernard Pivot n'allait pas rester les bras ballants, à écouter les propos d'un député qui s'invente des devoirs de réserve à appliquer à Marie N'Diaye, lauréate du Goncourt. Éric Raoult avait en effet été choqué par l'interview accordée aux Inrocks, où la romancière évoquait une France « monstrueuse », avec des Hortefeux et des Besson. Et on la comprend.
Cela n'a jamais existé (heureusement)
M. Pivot tente alors de ramener l'homme à la raison, ne voyant pas très bien où le député UMP (mais peut-être est-ce là qu'il faut chercher l'origine de l'erreur ?) est allé piocher pareille idée : « Il invoque quelque chose qui n'a jamais existé, n'existe pas et, grâce à Dieu, n'existera jamais. Pas plus pour les lauréats du Goncourt que pour ceux du Nobel, auxquels il est arrivé parfois de tenir des propos très engagés », explique-t-il à nos confrères de BibliObs.
Autre petite mise au point, rien dans les statuts juridiques de l'académie Goncourt ne stipule que l'on aurait à « choisir des auteurs n'affichant qu'une neutralité inodore et incolore ». Et si l'auteur profite de sa notoriété autant que d'une « pleine et entière liberté de s'exprimer comme il l'entend », c'est sa responsabilité, ses convictions et son caractère qui s'expriment. Nulle part l'académie ou le prix Goncourt lui-même n'ont maille à partir avec cela.
Le Goncourt n'est pas la voix de la France
D'ailleurs, Bernard Pivot est clair : pas de commentaires sur les propos de Marie N'Diaye. « En tant qu'académicien Goncourt, je dois rester absolument neutre. Si un lauréat tenait des propos tombant sous le coup de la loi, ou contraires aux bonnes mœurs, la situation serait différente, mais je ne crois pas que ce soit le cas. » Et si l'an passé Atiq Rahimi a également profité de son Goncourt pour intervenir dans l'affaire des Afghans contre... Hortefeux, pas question de croire que l'académie recherche des lauréats engagés. Des « femmes puissantes », à la rigueur, en référence au livre primé l'an passé et cette année, justement.
Mais alors quelle réaction possible pour le ministre, que le député a exhorté à répondre ? « Il va sans doute être difficile à Frédéric Mitterrand de traiter par le dédain la question de M. Éric Raoult, qui m'a l'air d'être un député influent. Mais je ne vois pas bien ce qu'il peut dire d'autre que ce que je viens de répondre. »
Rigolade, tragique ou délation ?
Une saine réaction serait alors de prendre « cela à la rigolade plus qu'au tragique ». C'est à ce titre que nous avons monté un groupe sur Facebook pour « Expliquer au député UMP Raoult que l'auteur n'est pas nationalisé ». (notre actualité sur ce sujet)
Une autre serait de se plonger dans le blog de Michel Moine maire et conseilleur PS d'Aubusson (Creuse) : « Alors oui, c'est bien monsieur Raoult qui porte atteinte à la cohésion nationale et l'image de notre pays, quand il s'attaque à la liberté d'expression, quand il s'attaque à l'un des fondements de notre identité nationale. »
Ou encore de se rappeler ainsi qu'un lecteur le faisait remarquer dans nos colonnes que ce même Éric Raoult avait été partisan de la délation rémunérée, offrant jusqu'à 15.000 € pour récompenser quiconque aiderait à retrouver des agresseurs de policiers.
Et des agresseurs de la République, si on les dénonce, combien on perçoit ?