Mur-murs

Publié le 10 novembre 2009 par Tudry

 Ce monde n'aime rien tant que s'auto-célébrer.

La célébration fait partie intégrante du culte qu'il se rend à lui-même !

Il érige des murs, il abat des murs, et c'est toujours dans un flot continu de célébrations.

Le fait que son essence même à lui soit celle d'un mur ne l'effleure pas, ou plutôt, si, il ne le sait que trop bien, alors les célébrations doivent masquer l'essence, surtout qu'elle n'affleure nul part.

Tout mur à deux côtés, deux rôles. Ceci est une lapalissade, une autre forme de mur. Le mur uni ceux qui se trouvent dans son enceinte et les sépare de ceux du « dehors », ceux des « ténèbres extérieures ». Par inversion il uni également ceux qui se trouvent à l'extérieur. C'est le mur qui délimite l'autre, ou plus précisément le « statut » de l'autre, qui en fait un autre, oui mais sans visage, un autre privé d'altérité en quelque sorte, c'est-à-dire un « ennemi ».Emmanuel Levinas aurait dit en 1989 que la chute du mur de Berlin marquait « l'avènement d'un monde sans promesses », comme quoi on peut avoir une capacité d'analyse d'une grande finesse et s'aveugler totalement sur le fond des choses.

Les « promesses » du socialisme furent, mais sur un autre mode, comme celle du modèle capitaliste impérial, de l'ordre de la stricte matérialité, tout juste si « l'exigence de justice sociale » put être glissée comme succédanée de morale et de spirituel.

Au jour archi-lumineux des grandes célébrations, ce monde a toujours besoin de jouer un contrepoint, une petite et discrète mélodie contestataire au-dessus de la basse continue du grand consensus. Ainsi certains rebelles zappointés peuvent-ils aller chercher avec complaisance et à tout prix des exemples de cette « östalgie » qui les fait frémirent de contentement. Il me paraît pourtant impossible qu'il puisse leur échapper à tous, qu'ils révèlent, bien qu'avec une très falote loupiote, les deux faces, soit disant incompatibles, du même mur matérialiste, les deux options de la même « religion du bonheur », de ce que Milosz, parlant du socialisme, appelait la « nouvelle foi ». Celle-ci n'est pourtant ni nouvelle ni limitée à un quelconque régime politique, elle est la marque de ce monde, elle le le virus auto-immune de l'humanité unie-divisée, unie de sa division même.

Elle s'élève en un mur compact et opaque à l'intérieur de chaque coeur. Il masque le visage de « l'autre », il garde dans son ombre le « prochain » pour nous contraindre à jeter notre regard vers un lointain, un horizon insurpassable, un avenir radieux ... ou bien encore l'autre sans visage il le fait tiers, gardien d'un point de passage, d'un toujours infranchissable check-point spirituel.

Mais cette foi-de-toujours elle sait bien orner et décorer son mur, elle offre à ses fidèles festivus-festivus de nombreuse réjouissances, un culte apotropaïque ... et comme « il y a de nombreuses demeures dans la maison de mon Père », elle singe la divine mansuétude en se montrant suffisamment large avec les micro-hérésies, avec les nostalgiques d'une forme évanouie de son culte ...