Le projet de loi "Grenelle 2" portant "Engagement national pour l'environnement" a pour objet de décliner en mesures concrètes les engagements du Grenelle de l'environnement. De manière générale, ce projet de loi a pour vocation d'encourager le développement des énergies renouvelables qui doivent, on s'en souvient, représenter 23% de notre consommation d'énergie en 2020.
Pourtant, ce texte comporte aussi des dispositions qui sont le résultat de compromis entre partisans et adversaires de ces énergies : éolien, solaire, biomasse, géothermie principalement. Ainsi en va-t-il du classement des éoliennes au titre de la police des installations classées.
Au-delà, le texte contient aussi une disposition qui pourrait se révéler être une véritable arme de guerre contre les énergies vertes.
Pour preuve, je vous recommande la lecture d'un article publié aujourd'hui dans GreenUnivers par mon confrère Hervé Cassara. Vous vous souvenez des "zones sans OGM" ? Vous aurez peut être droit aux "zones sans ENR". La différence tient cependant à ce que les premières n'étaient que des voeux alors que les secondes auraient une valeur juridique certaine.
Explication. L'article 4 du projet de loi ajoute un nouvel article L.111-6-1 au code de l'urbanisme qui prévoit tout d'abord qu'une autrorisation d'urbanisme ne pourra s'opposer à l'installation d'équipements de production d'énergies renouvelables, tels des panneaux solaires. Concrètement, un maire ne pourra s'opposer par principe à ces équipements.
Comme tout principe, celui-ci va recevoir des exceptions. Problème, les exceptions peuvent parfois effacer le principe lui-même.
Première exception : ce principe n'est pas applicable lorsque les installations d'énergies renouvelables seront située dans certaines zones protégéées à raison de leur intérêt architectural ou paysager ou naturel (parc national). Cette première exception n'apparaît pas annuler l'objet même du principe précité.
Deuxième exception : ce principe n'est pas non plus applicable "dans des périmètres délimités, après avis de l’architecte des Bâtiments de France, par délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, motivée par la protection du patrimoine bâti ou non bâti, des paysages ou des perspectives monumentales et urbaines. L’avis de l’architecte des Bâtiments de France est réputé favorable s’il n’est pas rendu par écrit dans un délai de deux mois après la transmission du projet de périmètre par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme. Le projet de délibération est mis à la disposition du public en vue de recueillir ses observations pendant une durée d’un mois avant la réunion du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public"
En clair, les communes pourront, aprés avis de l'architecte des bâtiments de France, créer des "périmètres délimités" qui auront précisément pour objet de modérer considérablement le développement des énergies renouvelables qui font déjà l'objet d'un empilement trés important de chartes, schémas et plans en tous genres, comme si elles présentaient une menace qui justifie à ce point que l'on s'en préoccupe.
La décision de création de ces "périmètres délimités" sera assez aisée à prendre, tant l'exigence de motivation définie par le législateur est faible. Il suffira ainsi de se prévaloir de motifs tirés de "la protection du patrimoine bâti ou non bâti, des paysages ou des perspectives monumentales et urbaines" pour créer un tel périmètre. A n'en pas douter les collectifs et opposants au développement des énergies renouvelables ne mettront pas longtemps avant de se saisir d'une telle procédure.
Espérons que les députés auront la sagesse de supprimer ces dispositions de l'article 4. Les instruments existants du droit de l'urbanisme sont tout à fait suffisants pour concilier le développement des énergies renouvelables avec un aménagement et un respect des territoires cohérents.