Autrement, 2009 - 80 pages - 12€
traduit de l'anglais par Micha Venaille
Paola est une longue nouvelle, qui date de 1932, et qui nous raconte l'histoire de la famille Godavary à l'heure des funérailles de Noble, l'oncle du narrateur, Gervase. Celui-ci a plus de cinquante ans, il vit à Londres et, depuis trente ans, n'a plus jamais remis les pieds dans sa région natale en Ecosse, fuyant ses racines et plus particulièrement sa famille, une bande de dégénérés rustres et sauvages, incapables de franchise et de passion. Gervase lui-même n'est pas un type brillant, il le reconnaît. Son arrivée à la Grange, la demeure du défunt, ne se passe pas sans un certain souffle d'ennui et de lassitude. Son cousin Austen est agacé, il attend la venue de Rachel, sa maîtresse mariée à un autre cousin, en même temps qu'il trépigne d'en finir avec toute cette histoire. Il est le fils aîné, l'héritier en titre, du moins doit-il composer avec l'épouse en secondes noces de son père, une lady italienne qui n'était autre qu'une paysanne, selon le narrateur, et qui a donné naissance à une fille, Paola. Cette dernière apparaît à Gervase comme une flamme dans la nuit, elle est hautaine, directe, pleine de haine envers les Godavary. Un instant, l'homme se reconnaît en elle. Mais la jeune femme dérange, elle est trop explosive, trop spontanée. Son dédain horripile, comme celui de snober volontairement Michael, le frère de Gervase, qui est raide dingue d'elle. En totale admiration, mais muet, transi, crispé. Bref, un rien perturbe le bon ordre de la maisonnée, nous sommes sur le fil du rasoir et l'ouverture du testament, pense-t-on, sera le point d'orgue de l'intrigue. Que nenni. La suite révélera que cette histoire courte n'est en fait qu'un semblant de cocote minute prête à exploser, et ce de façon inattendue et un brin déconcertante.
Connaissant de nom, simplement, Vita Sackville-West, je la découvre donc à travers ce texte, à travers cette histoire de famille constipée qui fonce droit vers un véritable carnage, et c'est un style impeccable et un ton mordant qui se dévoile. J'ai naturellement aimé.
Le paysage de la vallée écossaise, si admirablement dépeinte, et pas forcément en des termes lyriques, participe également au charme de cette histoire... laquelle est peut-être un peu noire lorsque arrive la dernière page.
Belle tentation.