Magazine Beaux Arts

Europe culturelle: Un génie corrosif au musée

Publié le 26 octobre 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

TOMI UNGERER: "LA FUITE DANS LES IDEES"

94578c8556c51f2d185fa57314495d39.jpg

Ouverture du Centre International de l’Illustration Tomi Ungerer de Strasbourg

Un génie corrosif et tendre, « passionné par ses passions ».

Un "Alsachien" viscéralement humaniste.

Un Européen de coeur et d'esprit même si " l'Europe est une drôle

de femme qui connaît en même temps la puberté et la ménopause"...

f5014252d09a7823e2b9d7931dcf00ae.jpg

Tomi a son musée. « Les musées sont les points et les virgules de l’Histoire »… J’allais dire « a enfin et déjà  son musée »…. « Enfin », parce que ce projet strasbourgeois est une idée déjà très ancienne : « La patience est une forme de paresse ». « Déjà », parce qu’il est rare qu’un artiste ait son propre musée de son vivant : une première en France, dit-on… « Vanité, tout est vanité : c’est absolument nécessaire pour un artiste »… Mais Tomi ne fait rien comme chacun… C’est ce qui fait son charme. En partie, car sa force de séduction ne se résume évidemment pas à cela.

4fbf6312f7a37485ee9bd1b94c1da5d4.jpg

Derrière le dessinateur génial, le « trouveur » d’idées en tous genres, ce pondeurs de « pensées », cet « esprit frappeur », ce provocateur acide, ce grand bricoleur, cet amuseur-amusé, ce passionné de jouets, ce collectionneur « de tout et de rien », ce jouisseur sans tabou (mais avec trompettes), ce voyeur visionnaire, ce faiseur d’images, cet homme-gag, cet insolent de première, se cache (plus ou moins) une âme sensible, un esprit chaleureux, un être fin, spirituel, cultivé, un homme nourri d’idéaux humanistes, une personne portée un sens aigu de la transcendance. Et un personnage hors du commun qui cultive l’amitié comme ce n’est plus guère en vogue…« Il faut donner une destination au destin »

Tomi est aussi, bien sûr, un angoissé, un anxieux qui « allaite lui-même sa propre insécurité », un cerveau pleinement conscient de la fragilité des choses, de la finitude de la vie, de la relativité de cette mise en scène qui s’appelle l’existence. « A la guerre comme la guerre », le récit de son enfance, c’est « A la vie comme à la vie »… « Le désespoir est une raison d’être ». « Sans désespoir, pas d’humour ». « Une vie c’est lorsque la mort prend des vacances » 

bd1fab218177e3bf16c54f6cacfbdbfe.jpg
 

On ne sait pas assez son admiration pour Victor Hugo. Son culte des Droits de l’Homme. Sa haine de la haine. Sa guerre à la guerre, aux causes des guerres. Son refus des racismes, de l’antisémitisme, des fascismes, des totalitarismes, des discriminations, de l’intolérance, des sectarismes, des bellicismes, des intégrismes…et de la connerie, de la bêtise, de ces « monstres » brechtiens qui sont en nous, en chacun de nous. « Hitler est arrivé au pouvoir par les urnes. Il faut le rappeler avant toute élection »(…) »Je ne suis pas raciste, parce que je combats le racisme qui est en moi »

d5e2136a181a4764337b5fad7668eec0.gif

On peut l’affubler de tous les qualificatifs, Tomi : il en a subi des insultes, des procès , des suspicions, des censures, y compris, dans cette Alsace qu’il aime tant mais qui a tant tardé à voir en ce « pornographe douteux », en cet « exilé », en ce « publiciste » aussi à l’aise dans l’érotisme torride que pour les contes pour enfants, l’un des siens, l’un de ses fruits les plus beaux, les plus riches, les plus talentueux. Mais c’est ainsi : « S’il n’y avait pas des imbéciles, le paradis serait désert »…

907870dcbcedfce8ad6e70d9ba1b867f.jpg

Longtemps, Tomi a été plus connu en Suisse, en Allemagne, aux Etats-Unis, au Canada, en Irlande qu’en Alsace. Quant aux Parisiens, heureusement que « l’Ecole des loisirs » a reconnu son génie, sinon, Tomi, le « Boche américain », serait passé bien inaperçu… N’était-il pas un « anti-Français » celui qui disait que « l’Alsace, c’est comme les chiottes, toujours occupée ? ».

Jamais je n’oublierai la tête du patron des « dna » de l’époque (années 70) quand, avec l’ami Jean-Louis English nous lui avions proposé une grande ITW de cet « énergumène »… L’ITW a été publiée…après une dure négociation. Et parce que France 3 Alsace avait pris, avec Bernard Kurt, le même risque que nous : rencontrer le « diable de Tomi ». Et le faire sortir de sa boîte. D’une de ses boîtes. « L’enfer est le paradis pour le diable »

1ea3847f2831cacf6ffd62d2c859ecf8.jpg

Depuis, l’eau a coulé dans l’Ill et dans le Rhin, et Tomi a connu tous les honneurs, ou presque. Hommage soit rendu ici André Bord qui avait compris avant la plupart des responsables locaux et régionaux la richesse de celui qui, à sa manière, œuvre d’une façon concrète et très efficace à la réconciliation et à la coopération franco-allemande.

Que n’a-t-on pas plus aidé Tomi à réussir sa Cultur-Bank , idée originale qui aurait pu servir de modèle à des fondations franco-allemandes et européennes ! Que ne l’a-t-on pas plus écouté dans ses plaidoyers en faveur de l’apprentissage de la langue du voisin, des jumelages de maternelles française et allemandes ! Mais les regrets ne servent à rien… «  Il n’y a qu’un remède au passé : l’avenir ». Et il a réussi tellement de choses, celui qui est aussi « ambassadeur de bonne volonté auprès du Conseil de l’Europe ».

9ea10fea302f3cd20f45ab23122e5fb6.jpg

EUROPE ! Voilà un mot qui le réveille quand il somnole, qui éclaire son regard même quand la fatigue s’abat. Il l’aime sa terre d’Alsace, Tomi. Il l’adore sa terre de France. Mais il se sent surtout pleinement EUROPEEN. Même si « l’Europe est une drôle de femme qui connaît en même temps la puberté et la ménopause »… L’identité, c’est une addition, pas une restriction. C’est un épanouissement, pas une carte tamponnée.

Ce qu’il n’aime pas, Tomi, c’est le nationalisme (micro ou macro), le « chauvisnisme », les racismes, les sectarismes, « l’escargotisme », le replis sur soi. Le nez dans les godasses. Les yeux dans les poches. Les oreilles avec des paupières. Le cœur en berne. Et l’esprit dans ses chaussettes. Mais que voulez-vous ? « L’intelligence complique tout »…

40e727bdcecf8a9fc33164d150f3da3e.jpg

Le 2 novembre son musée sera ouvert au public. Il en est ravi, fier et ému, bien sûr. Mais il est « trop infantile pour retomber en enfance ». Et il restera ce qu’il est : « corrosif pour ne pas rouiller »…

Il est surtout heureux que le musée qui lui est consacré, dans la belle villa Greiner deviendra, grâce au travail de la fée ensorcelante (et très fourmi dans son boulot) Thérèse Willer, un grand Centre international de l’illustration. C’est dans la logique de l’Histoire : Strasbourg, est aussi la ville de Gustave Doré, né en bas de chez moi (il y a une plaque !) « Le dessin, c'est l'avorton des muses » vient de redire Tomi ! « Le dessin, c’est l’ombre de ce que je pense »

Thérèse Willer explique : « Le musée propose un parcours muséographique basé en grande partie sur la présentation d’œuvres sur papier issues des donations successives de l’artiste à sa ville natale depuis 1975.

2e313002ce34d8e71e0f5dd92db3f128.jpg

Il a pour but de montrer son œuvre prolifique connue dans le monde entier, sous tous ses aspects, du livre pour enfants au dessin satirique, en passant par l’affiche, le dessin publicitaire et même les sculptures. Mais au-delà de ce parcours monographique, le musée fera aussi connaître au public d’autres illustrateurs et dessinateurs du XXe siècle et de la scène internationale, qui ont contribué à forger une histoire de l’illustration aujourd’hui encore peu connue.

7dba7b2c8a111d05d962668824e6be51.jpg

C’est pourquoi sont mises en œuvre dans cette optique, une programmation d’expositions temporaires et une politique d’acquisitions, relayées par un Centre de recherches dans ce domaine. »

Allez. Venez le voir, le Musée Tomi Ungerer. Vous y reviendrez. 8 000 dessins ! C’est le meilleur moyen de voir à quel point Tomi a « de la fuite dans les idées ». Mais attention : sa « boîte crânienne est de Pandore »…

Daniel RIOT

LE MUSEE >>>>>

LE SITE  DES MUSEES DE STRASBOURG >>>>>>>>

LE SITE DE TOMI >>>>>>>>>>>

UNE FICHE SUR TOMI >>>>>>


Retour à La Une de Logo Paperblog

Dossiers Paperblog