Tanzanie : Nouvelle puissance de l’Afrique de l’Est ?

Publié le 10 novembre 2009 par Infoguerre

La Tanzanie (Afrique de l’Est) est un pays, qui depuis son indépendance, s’est appuyé sur l’agriculture, l’industrie minière ou encore le tourisme, afin d’asseoir son modèle économique. Toutefois depuis 2007, a été décelé la présence d’importants gisements d’uranium, notamment dans les régions de Lindi et de Ruvuma dixit Monsieur Ngeleja (ministre de l’énergie) en mars 2009.

Un bilan contrasté

Grâce à ce nouveau potentiel, la Tanzanie a-t-elle les moyens de se hisser au niveau d’un statut de puissance régionale ? La Tanzanie offre des réserves naturelles reconnues à travers le monde. Célèbre pour son industrie touristique, aujourd’hui c’est un nouveau tournant qui s’offre à elle. Profitant d’une position stratégique de tout temps, elle commerce avec les pays limitrophes comme le Kenya, ainsi que les pays du Moyen-Orient et l’Inde. Il est important de revenir sur ces traces afin de comprendre tout l’enjeu de la situation à venir. L’Océan Indien, qui de par sa superficie est le troisième océan de la planète, positionne la Tanzanie au carrefour des « mondes »: c’est ainsi que l’Europe rencontre l’Afrique et l’Asie. Aujourd’hui, le pays se forge une identité propre et une place de leader dans cette région d’Afrique. Cependant, la montée en puissance de la piraterie dans cette partie du globe, devient problématique pour les échanges commerciaux et économiques. Rappelons également, l’attentat de Dar es-Salaam, le 7 août 1998, qui visait l’ambassade américaine, et qui démontre que le pays n’est pas à l’abri du terrorisme qu’Al Qaida développe dans la région. Ces facteurs font craindre une mort lente, douloureuse de son économie et de la politique régionale. Ces indicateurs mettent en exergue le caractère anxiogène de l’Afrique de l’Est, avec toutes les problématiques liées aux ex-colonies et à la montée en puissance d’actes «extrêmes». La Tanzanie est également touchée par les systèmes politiques de ses voisins, comme en 1979, lorsqu’elle décide d’entrer en Ouganda pour prendre part au renversement du pouvoir dictatorial mené par Idi Amin Dada. La Tanzanie adoptera-t-elle une nouvelle stratégie pour éviter une crise politico-ethnique comme ses voisins?

Le socialisme a marqué l’esprit politique du pays, avec Julius Nyerere qui souhaitait établir une société basée sur la solidarité, la justice et l’égalité. Lors de la conférence d’Arusha de 1967, l’ancien président tanzanien expliqua que ce système politique, permettra au pays de prendre un souffle nouveau, tant sur le plan économique que social. Il renforça ainsi les dispositifs éducatifs. Malgré quelques échecs, la Tanzanie s’implique aujourd’hui fortement dans l’accompagnement de ses enfants. Le pays comptait en 1999, près de trois millions d’enfants déscolarisés. En 2006, elle a réduit ce chiffre à 500 000. Cette politique n’aurait pu être menée sans l’aide des différentes organisations internationales, telle que l’UNESCO, qui accompagne le pays dans sa stratégie éducative. Cet investissement devient alors stratégique : miser sur la politique éducative concrétise la volonté d’une économie durable.  

Une terre convoitée par les puissances occidentales et asiatiques

Dans ce contexte de repositionnement, les échanges qui caractérisent cette région sont denses. Depuis des siècles, l’Océan Indien suscite un vif intérêt économique pour les acteurs occidentaux (France, Angleterre, Canada, Australie), asiatiques (Chine, Inde) et orientaux (Moyen-Orient). Riche en ressources naturelles, la Tanzanie est courtisée par de nombreux pays. C’est avec l’aide de ses relations extérieures qu’elle a développé des secteurs clés. L’industrie aurifère est l’un des piliers de son économie : la production s’élève en moyenne à près de 50 tonnes par an (l’Afrique produit près de 600 tonnes d’or par an (le quart de la production mondiale). Ces mines sont exploitées par des multinationales d’extraction canadiennes (Barrick Gold) ou américaines (Newmont Mining). Ces dernières sont en concurrence frontale dans la recherche de nouveaux gisements. L’industrie du tourisme occupe une place tout aussi importante : elle représente près de 17% du PIB du pays. Cependant, avec la crise actuelle, qui frappe nombre de pays africains, cette activité touristique tend à ralentir. Malgré ce frein au développement, les projets d’investissements sont soutenus par le gouvernement, notamment en matière d’énergie et plus particulièrement dans le domaine de l’électricité. Il s’agit de réhabiliter le réseau de distribution pour soutenir les régions comme le Dodoma ou encore Iringa (six régions au total ont été retenues pour la réhabilitation du réseau électrique). Ces projets accompagnent activement la progression du pays. L

La découverte de gisements d’uranium va-t-elle changer la donne ? L’Australie se positionne dans l’extraction d’uranium en produisant 19% de l’uranium mondial en 2008. Via des compagnies, telle que Goldstream Mining NL, elle détient des licences d’exploitation en Tanzanie. Rappelons à ce propos que les sols australiens riches en uranium, contribuent activement au bon fonctionnement des centrales nucléaires chinoises, qui permettent de relancer cette industrie et surtout de répondre aux besoins de la Chine en termes d’énergie. De leur côté, les firmes chinoises détiennent également des parts dans les compagnies australiennes. Or la Chine est l’un des dix plus importants investisseurs en Tanzanie : on note qu’en 2007, les échanges commerciaux entre ces deux pays s’élevaient à 794 millions de dollars. Les compagnies canadiennes présentes dans l’extraction de l’or, investissent également massivement dans l’extraction de l’uranium Tanzanien. Le Canada, acteur incontesté du marché mondial, est aussi ami et voisin des Etats-Unis. La guerre des investissements est lancée. La Tanzanie traite avec les Etats-Unis sur bon nombre de sujets, notamment sur les questions de sécurité régionale. Mais n’oublions pas l’attrait de la Tanzanie pour la Chine, qui la soutient dans ses investissements : la coopération dans le domaine agricole et des communications pour un montant de 21.9 millions de dollars US, est significative des rapports qu’entretiennent les deux nations.

C’est dans un contexte anxiogène qu’évolue la Tanzanie : instabilité économique renforcée par la crise actuelle, piraterie en recrudescence, risque important d’actes terroristes. Malgré cette situation, elle reste  courtisée par de nombreux acteurs. Toutefois, les accords de défense occupent une place importante au niveau régional : c’est ce qui déterminera le choix tanzanien de s’allier avec un autre acteur, dans le cadre d’une coopération économique durable. Alors que l’on constate une forte présence de bases militaires indiennes et françaises (Madagascar, Réunion, Djibouti, et la nouvelle base d’Abou Dhabi) dans la région, les ministres chinois et tanzaniens annoncent en septembre 2009, un rapprochement des liens militaires entre les deux pays. Un partenariat aussi stratégique ne peut laisser indifférent les Etats-Unis qui ont une forte présence militaire dans le Golfe Persique (la Vème flotte basée à Manana au Bahreïm), ou encore à la représentation européenne (alliance militaire franco-indienne).

La Tanzanie est activement soutenue par la Chine qui investit massivement dans cette région et risque de facto une mise sous tutelle de la Chine qui cherche à conserver son avantage africain face à son concurrent indien qui par son histoire a une présence dans ce pays.

Amira-Rim GHOZALI