Là ou Besson passe, le débat sur la nation trépasse
"Eric Besson, ministre de l'immigration, a une étrange conception du débat sur l'identité nationale. Tel un moniteur de colonie de vacances organisant un jeu de piste pour préadolescents, il en fixe le cadre, le lieu, l'heure, les invités et le menu du plateau-repas qui leur sera servi-s'ils sont sages. il a fallu un communiqué du ministère pour apprendre que le débat avait été ouvert par les préfectures le 2 novembre et qu'il se clôturerait le 31 janvier. Nicolas Sarkozy et Eric Besson en tireront les conséquences lors d'un colloque organisé le 4 février, soit quelques semaines avant les prochaines élections régionales. Mais ce n'est qu'un hasard du calendrier. Imaginer un quelconque calcul politique serait pure malveillance. D'ici là, les préfets ont pour mission d'organiser une sorte de plan Orsec de la pensée. Les 96 départements, les 342 arrondissements de france métropolitaine et des DOM-TOM devront accueillir des représentants des "forces vives" du pays. Certaines personnalités ont eu la surprise de voir leur nom apparaître sur le site internet du ministère sans même avoir été consultées. S'agit-il d'un débat ou d'une réquisition générale?
Pourtant, s'il est une question qui mériterait une confrontation publique digne de ce nom, c'est bien la nation-son ancrage historique, sa base sociale, son évolution sociologique, sa réalité contemporaine. On pourrait alors remarquer que, par une ruse de l'histoire, les défenseurs auto-proclamés de " l'identité nationale" sont ceux- là mêmes qui vitupèrent le modèle social à la française, qui prennent la laïcité avec des pincettes, qui laissent les groupes industriels fuir la France, qui détériorent les services publics et qui critiquent volontiers certains principes essentiels de la République.
Encore faudrait-il pouvoir discuter de ces questions en toute liberté, sans tabou, sans faux-semblant et sans risque de se retrouver pris au piège d'une pitoyable opération préélectorale. Dans le carcan bureaucratique fixé par Eric Besson, quadrillé comme un plan d'occupation des sols politiques, c'est quasiment mission impossible." -Jack Dion- Marianne n°655- page 8- rubrique:coups de projecteur