On parle beaucoup du grand emprunt qui doit permettre de lancer des investissements pour le futur. Chaque Ministre ou Secrétaire d’Etat essaie d’imposer un projet qui sera porteur de croissance pour notre pays. Pour autant, il ne faudrait pas oublier que l’investissement dans les entreprises porteuses de développement et d’innovations sera le plus à même de générer la croissance de demain. Aux Etats-Unis, des mesures fiscales simples ont permis un réel développement des business angels. En période de crise et de déficits publics record l’idée est de permettre aux acteurs privés qui ont encore de l’argent (contrairement à l’acteur public) d’investir dans l’avenir de l’économie !
La question de la création d’entreprises à potentiel (les fameuses gazelles) est passée de mode dans le discours des décideurs publics. Le succès incontesté de l’auto-entrepreneur conduit à éluder le problème de la faiblesse de la création d’entreprises en France par rapport à nos concurrents. L’auto-entrepreneur a certes permis de répondre à un véritable besoin de plus de souplesse dans l’exercice d’une activité indépendante mais n’a en rien permis de résoudre le problème de la création d’entreprises à potentiel de croissance. Le chiffre de la croissance de la création d’entreprises affiche un niveau record, ainsi en septembre 2009, l’Insee annonce une augmentation de 47,2 % de la création d’entreprises sur un an. Ces chiffres peuvent paraître étonnants en période de crise !
Mais si l’on se concentre sur la création d’entreprises sous forme de société (SA, SAS, SARL) on observe un recul de 11% sur un an, ce qui est en phase avec la période de crise que nous traversons. Ce sont pourtant ces entreprises qui se développent et créent des emplois. Aussi, n’hésitons pas à le dire, le problème de la création d’entreprise et de la dynamique entrepreneuriale n’est pas résolu en France ! Loin s’en faut ! La crise et le succès de l’auto-entrepreneur ne doivent pas nous conduire à faire l’économie d’une réflexion sur l’incapacité chronique de la France à créer des entreprises de croissance.
On s’interroge souvent sur le succès des Etats-Unis dans ce domaine et de la Silicon Valley en particulier, au-delà de la capacité innover, une des clés est la capacité à financer l’économie par des acteurs privés (voir précédent papier ). Ce succès est en partie attribué aux Business Angels, phénomène qui commence à émerger en France, mais de façon encore assez timide, les montants moyens investis par les business angels français étant bien inférieurs à ceux de leurs homologues américains.
Pourquoi ? Une partie de la réponse se trouve sans doute dans un type d’entreprise bénéficiant d’un régime fiscal particulier, les subchapter S, mis en place aux Etats-Unis en même temps que la SBA en 1958. Les Subchapter S sont des sociétésqui limitent le risque des actionnaires à leur apport, mais sont dotées de la transparence fiscale comme les sociétés de personnes en France ; ceci leur permet de transférer leurs pertes d’exploitation sur leurs actionnaires et ceux-ci en récupèrent environ la moitié au travers des réductions d’impôt sur le revenu. Ce dispositif extrêmement simple permet de faire supporter par l’Etat environ la moitié du risque financier pris par le Business Angel.
En 30 ans, les Subchapter S sont devenues le véhicule essentiel de création d’entreprises (plus de 95%) car elles permettent de transférer les pertes courantes dans la phase de création, aux actionnaires qui peuvent déduire ces pertes de leurs revenus et faire participer l’Etat à ces pertes via la réduction de leur impôt sur le revenu. Dès que l’entreprise devient profitable, elle change son statut fiscal ce qui lui permet alors de grossir en accumulant ses bénéfices (après paiement de l’impôt sur les sociétés). Les chiffres du Trésor américain montrent que les rentrées d’impôts des Subchapter S sont de 3 à 4 fois supérieures aux déductions d’impôt qu’elles engendrent.
En France, de nombreux dispositifs ont été mis en place pour favoriser la création d’entreprise, pourtant un problème reste aujourd’hui non résolu c’est celui de l’investissement privé dans la création et le développement des entreprises.
Le dispositif de loi ISF-TEPA ne permet pas aux investisseurs privés de prendre des risques pour investir dans des projets ambitieux. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, les business angels interviennent sur des projets nécessitant des investissements entre 100 000 et 2 millions d’euros (voir “Aider les PME : modes, réalités et perspectives”). Alors que le dispositif de loi ISF-TEPA ne permet qu’une déduction d’impôt égale à 75% de l’investissement et est limité à 50 000 euros pour le capital investi en direct.
Il est donc certainement nécessaire d’investir dans des grands projets d’infrastructures, mais il est essentiel de rendre possible l’investissement privé dans la création d’entreprises par des mesures fiscales simples permettant un réel développement des business angels. Il s’agit de permettre aux acteurs privés qui ont encore de l’argent d’investir dans l’avenir de l’économie plutôt que de faire le choix d’accentuer les déficits publics.