Ca doit être l’influence d’Alix Girod de l’Ain, cette recherche du bot mot et de l’image juste. Je revoyais hier un édito datant de cet été que j’ai utilisé pour le collage Bon à recycler, dans lequel elle raconte les pérégrinations d’une mère de famille qui souhaite remplir son caddie durablement. Il y a chez le Docteur Aga un humour décapant qui s’attaque à tout, fait d’actualité et débats de fond, amours des people et idées toutes faites :
Nos enfants sont devenus d’admirables mini-écocitoyens et, au passage, de prodigieux casse-bonbons, pense la cliente in petto. Les psys disent que c’est la surinformation ambiante qui leur fiche la frousse. (…) Une heure plus tard, en réglant les 194 € de son Caddie bo-bio, la cliente réalise qu’elle a dépensé 30 % de plus que d’habitude. Pourtant, elle a tout de même le sourire… Vous savez pourquoi ? Parce qu’elle s’est acheté, pour elle toute seule, un pot de Nutella qu’elle a décidé de ne même pas planquer derrière les réserves de boulgour équitable.
Ce type de plume me manque dans la presse du développement durable. Il y a bien J’ai testé de Laure Noualhat dans le magazine Terra Eco. Il y a ces blogs où l’on discute consommation durable, publicité et greenwashing. Et puis il y a, en majorité, une communication autour du développement durable qui se fait sur le mode culpabilisation. Peut-être parce que les messages sont trop focalisés sur l’avenir de la planète. A long terme nous sommes tous morts, disait Keynes.
Alors, comment parler du développement durable, comment formuler des messages touchant le public le plus large, la forme étant au moins aussi importante que le fond ? J’ai trouvé une piste du côté d’Umberto Eco. Sa critique est celle de la société du spectacle mais aussi de la société de consommation. Il n’y a pas chez lui de discours écologiste mais une défense du bon sens. Je crois n’avoir jamais lu aussi engagé et drôle que Comment manger une glace :
Comme les parents de ces gloutons ambidextres que j’enviais tant, la société de consommation feint de vous en donner davantage, quand en réalité elle vous donne pour quatre sous ce qui vaut quatre sous. Vous balancez votre bon vieux transistor pour acheter un poste multifonctions, y compris le système autoreverse, mais d’inexplicables faiblesses de sa structure interne feront que cette merveille dernier cri ne durera qu’un an. Quand à votre nouvelle voiture, elle aura beau exhiber des sièges en cuir, deux rétroviseurs latéraux réglables de l’intérieur et un tableau de bord en bois précieux, elle résistera moins bien que la glorieuse Cinquecento qui, lorsqu’elle était en panne, redémarrait avec un coup de pied.
Mais la morale d’alors nous voulait tous spartiates, celle d’aujourd’hui nous veut tous sybarites.
Comment voyager avec un saumon, pp. 173-174
PS – J’ai commencé ce blog il y a 6 mois tout pile et j’ai pris goût à la veille et à l’écriture et à vos commentaires. Merci à ceux qui le suivent, bienvenue à ceux qui arrivent !