Qu'on se le dise. Que Nicolas Sarkozy ait été le 9 novembre 1989 avec Juppé à Check Point Charlie, qu'on lui ait donné une pioche pour casser un p'tit bout de mur, qu'il ait ensuite ramené chez lui quelques caillasses en souvenir dans une précieuse mallette, on s'en tape le coquillard sur une bassine en fonte. Qu'il y ait une effervescence médiatique autour de ce non-événement demeure proprement surréaliste. Que cet épiphénomène détourne notre attention des vrais catastrophes engendrées par sa gouvernance est une évidence. Mais que voulez-vous, personne n'y résiste, moi le premier, il nous faut se gausser de ses vrais-fausses tribulations à Berlin…
L'homme qui voulait rentrer dans l'histoire à tout prix, y compris par un vasistas, restera à jamais dans nos mémoires embuées par l'abus de raisin fermenté, comme un extraordinaire bonimenteur. A force de nous faire croire qu'il est l'homme qu'a vu l'homme qu'a vu l'ours, il est régulièrement pris en flagrant délit de mensonges par des observateurs attentifs. Son story-telling quotidien a du plomb dans l'aile et ne passionne plus que les vieilles lectrices de Gala. A l'insu de son plein gré, son phénoménal potentiel comique reste par contre intact et nous réserve encore, d'ici 2012, de bien hilarantes surprises.
Revenons aux faits. Jamais avare de se faire mousser, notre petit Mamamouchi fait mettre en ligne dimanche dernier sur sa page Facebook, ses souvenirs de la chute du mur de Berlin. Il y raconte que, mué par une sorte de géniale intuition, il décide le matin même de l'évènement, de quitter Paris en compagnie du futur maire de Bordeaux pour participer à la joyeuse fête et qu'ils ont tous les deux tâté de la pioche pour abattre le vilain mur.
Or les faits rappellent que personne, même pas les dirigeants est-allemands eux-mêmes, ne pouvait s'attendre ce jour-là à ce bouleversement de l'histoire. C'est en effet, le 9 novembre vers 19h, lors d'une conférence de presse retransmise en direct à la télé, que Günter Schabowski, un membre du bureau politique du parti socialiste est-allemand, se prend les pieds dans le tapis et annonce une nouvelle réglementation des voyages qui n'était pas encore définitivement approuvée par le conseil des ministres. C'est seulement à partir de ce moment-là que plusieurs milliers de Berlinois de l'Est se pressent aux points de passage du mur et exigent de rejoindre Berlin-Ouest.
Qu'importe, notre Nostradamus des temps modernes, éclairé par une divine prémonition, persiste et signe. Ni une ni deux, il était le 9 novembre 1989 au pied du sinistre mur avec sa petite pioche. Et c'est là que ça devient drôle. La machine médiatique s'emballe, conteste cet état de fait tandis qu'en rang serré, les thuriféraires du monarque (Fillon y compris) confirment la chose avant parfois de… se rétracter. Ainsi Juppé avalise dans un premier temps les dires du Chouchou de Carla puis quelques jours plus tard avoue que sa “mémoire est imprécise” et que les faits se sont peut être passés “quelques jours plus tard“. Pour finalement assurer que c'était bien le 9 que nos deux héros ont cassé le rideau de béton. Et pour le bon peuple, la subreptice impression d'assister à un cafouillage au plus haut niveau… et de subir tout ce pataquès pour de la roupie de sansonnet !
Comprenez le 9, c'est historique d'être au pied du mur. Par contre, arriver après la bagarre, le lendemain comme le vulgaire pékin moyen, ça ne casse pas trois pattes à un canard. La légende se construit sur du dur. De l'héroïque. Du rêve. La plus belle femme du monde, la fin de la guerre en Géorgie, l'omni-présidence de l'Europe, l'Union pour la Méditerranée, le messie du G20, la moralisation du capitalisme, la sauvegarde de la planète, les vrais-faux bains de foule, la légende du prince Jean… Autant de leurres agités devant nos yeux fatigués par cette mise en scène perpétuelle du réel…