Festival Franco-Coréen du Film, sixième jour. La quatrième édition de la manifestation met les petits plats dans les grands, s’ouvrant plus que les autres années à différents pans du cinéma coréen. Cette année, le cinéma d’antan est mis à l’honneur lui aussi, avec une thématique sur la propagande des années 60 et 70, sous le régime plus qu’autoritaire de Park Chung-Hee. Assurément l’occasion de voir quelques curiosités.
La première de ces curiosités s’intitule Six Daughters. Réalisé par un certain Bae Seok-In en 1967, le long-métrage est un road-movie prenant pour protagonistes un couple de sexagénaires originaire de Seoul. Ceux-ci décident de rendre visite à chacune de leurs filles, qui toutes habitent une région différente du pays. En bus, en train ou en avion, ils partent à la découverte de leur pays.
Il est certain que voir Six Daughters en 1968 ou 1969 n’aurait pas fait le même effet qu’en 2009. A l’époque, nul doute que le film aurait laissé un sentiment étrange à celui qui l’aurait vu. Car pendant 1h50, Six Daughters est un large message vantant les mérites de la société coréenne développée par le gouvernement de l’époque. Une ode à la grandeur du pays, à l’efficacité de son industrie et aux valeurs de son système. Un discours et une vision de la société coréenne qui avait de quoi choquer le public occidental de l’époque (pas qu’occidental d’ailleurs).
Mais ce que nous offre cette vision différée, c’est un recul de quatre décennies éclairant sur la réalité, et faisant passer cet instrument de propagande à la gloire de l’irréprochable nation coréenne pour une farce. Il faut le voir, ce vieux couple de Seoul, allant de ville en ville rendre visite à sa famille et au passage explorant toutes les usines que compte le pays, écoutant avec une passion hilarante les discours vantant toutes les qualités de chacune. Et ces statues ! Et ces paysages ! Tout concourt pour faire passer le message d’une Corée du Sud puissante, moderne, grande.
Ces moments de pure propagande sont tellement irrésistibles que lorsque le réalisateur s’attarde un peu trop sur autre chose, les tracas des personnages par exemple, on trouve un peu le temps long. Malgré le trait tout aussi savoureux de gendres semblant tous vénérer leurs beaux-parents qui met le sourire aux lèvres (vous en connaissez beaucoup, en France, des gendres accueillant leur belle-famille à bras si grand ouverts ?).
Car au-delà de l’apologie du système industriel coréen, il s’agit également dans Six Daughters de prôner les valeurs essentielles, et en particulier celles de la famille. Allant de paire avec le discours de propagande, la famille doit être unie et ambitieuse, visant le confort et la richesse comme idéal de vie. Il y a un étrange moment au cours du film où l’on pense que finalement, un certain esprit frondeur se dessine, lorsque les parents rendent visite à leur dernière fille, vivant pauvrement avec son mari pêcheur. Malgré sa triste condition, celle-ci semble avoir la préférence des parents car elle et son mari ont le cœur bon, ce qui est paraît-il essentiel.
Ah bon ? Finalement, faire fructifier l’économie du pays et aspirer au confort ne serait donc pas essentiel ? Rassurez-vous, dans la dernière scène, la fille pauvre et son époux se présentent aux parents avec l’annonce de l’achat d’un bateau qui va les mettre sur la voie de l’opulence, comme le reste de la famille. Les parents ne laissent plus alors transparaître leur goût pour les valeurs du cœur, ils explosent de joie et le père se réjouit de ne plus être accueilli à l’avenir par un alcool coupé d’eau pour économiser de l’argent.
Ah qu’il était bon d’être sud-coréen sous Park Chung-Hee ! Ah qu’il est bon d’être spectateur aujourd’hui pour se régaler de ce Six daughters s’apparentant désormais à une comédie satirique !