Sir Andrew Motion fut Poet Laureate de l'Angleterre durant de nombreuses années, et ne manqua pas de se plaindre que cette charge impactait son inspiration et son oeuvre poétique. Il semblerait qu'il soit parvenu à trouver de quoi écrire ailleurs. Tout simplement chez d'autres auteurs. Un historien militaire, Ben Shephard, a accusé le poète de « vol sans scrupule avec effraction », comme l'un de ses textes ressemble plus qu'étrangement à un autre texte.
Le poème original a été publié samedi dernier dans The Guardian, mais l'historien pointe du doigt : « Il n'a pas le droit de prétendre à une quelconque propriété juridique ou morale de ces textes. Il n'y a rien d'original dans tout cela. » De fait, c'est dans une oeuvre, The World at War, écrite par Ben et portant sur la psychiatrie militaire, qu'Andrew aurait piochée sans vergogne.
Andrew n'a pas même cherché à contester : selon lui, ce piochage n'est autre qu'une tradition littéraire noble, qu'il nomme « found poetry », et qui remonterait à Shakespeare. De fait, il aurait été la voix de plusieurs sources, et orchestré leur chant par son texte.
L'historien, on s'en doute, n'entend pas cette chansonnette de la même oreille. Des 152 lignes du texte de Motion, seules 16 ne sont pas tirées du texte A War of Nerves. Et s'il existe un mot pour désigner cette attitude, il commence bien par "p" mais ce n'est pas de la poésie. Le Guardian n'a en effet pas payé pour les recherches effectuées par l'historien : les retrouver ainsi paresseusement pillées même par un personnage public comme Andrew a de quoi faire froid dans le dos.
De fait, Ben a compulsé plusieurs textes datant de la guerre, écrits par des médecins en 1917 ou antérieurs encore. Et lui avait averti le lecteur que le bénéfice de ce travail pouvait lui revenir, mais que les textes eux-mêmes n'étaient pas de son fait. Alors quid de cette prétendue tradition littéraire ? Elle existerait, assure Motion. On reprenait des bouts de textes çà et là et on recomposait l'ensemble pour créer un nouveau texte. En outre, la somme versée par le Guardian a été reversée à une association humanitaire.
Le Times, qui révèle l'affaire conclut assez subtilement, évoquant un malentendu littéraire : « L'historien a examiné un poème comme une oeuvre historique et le poète a lu un livre d'histoire comme s'il s'agissait d'un poème. »
Les similitudes apparaîtront aux amateurs :
From A War of Nerves by Ben Shephard (2000):
“War from behind the lines is a dizzying jumble. Revolving chairs, stuffy offices, dry as dust reports . . .”
“marching men with grimy faces and shining eyes . . .”
“bloody clothes and leggings lying outside the door of a field hospital . . .”
“I have been in the front line so long, seen many things . . .”
From An Equal Voice by Andrew Motion (2009):
“War from behind the lines is a dizzy jumble. Revolving chairs, stuffy offices, dry as dust reports . . .”
“marching men with sweat-stained faces and shining eyes . . .”
“bloody clothes and leggings outside the canvas door of a field hospital . . .”
“I have been away too long and seen too many things . . .”