Je n'ai pas reçu beaucoup de cartes de vœux et je ne m'en étonne pas. D'abord parce que
j'en envoie très peu moi-même, et ensuite parce qu'après avoir migré sur email puis sur SMS, il me semble naturel que le traditionnel message de début d'année aille au bout de l'insignifiance
pour disparaître complètement. Je recevais pourtant avec plaisir ces cartes dont on devinait souvent l'émetteur avant même d'en lire le texte. Drôle ou traditionnelle, industrielle ou artisanale,
consumériste ou humanitaire, la carte de vœux témoignait bien sûr du style et de la personnalité de celui qui l'envoyait, mais aussi de sa pratique : carte "passe-partout" pour les gros
expéditeurs, plus souvent choisie en fonction de son destinataire pour les émetteurs sélectifs. Et dans les deux cas on pouvait identifier deux tendances souvent contradictoires : l'attention à
l'autre ou l'expression de soi-même. Ainsi pouvait-on recevoir des cartes aussi originales et esthétiques que le calendrier des PTT, mais dont les quelques lignes manuscrites vous faisaient
fondre l'âme dans un tsunami d'affection, ou alors des chefs-d’œuvre d'art brut et néanmoins familial dont même la signature était apposée par Rank Xerox. Mais ne vous méprenez pas sur mes
propos, je ne fais la morale à personne ayant moi-même donné dans tous genres, et il me semble bien normal de composer tant bien que mal entre ego, convention et émotion sincère. Ces quelques
considérations de forme s'appliquent d'ailleurs assez bien aux vœux reçus de vive voix, et l'on retrouve naturellement dans leur expression toute la palette des styles, depuis le maussade : "bon,
ben... bonne année, hein ?" jusqu'au classique et viril : "je te la souhaite longue et vigoureuse" en passant par d'émouvants et inattendus témoignages d'amitiés. Mais pour revenir à mon sujet
épistolaire, j'ai quand même eu le bonheur intense de recevoir parmi les vœux professionnels une carte remarquable par sa luxueuse élégance, dans laquelle un feuillet manuscrit à l'encre bleue et
d'une écriture masculine et pourtant délicate me souhaitait pour l'année 2009 : "gloire, amour et beauté". Elle m'était envoyée par un jeune collaborateur vietnamien d'une entreprise prestataire,
et je me suis empressé de le remercier, par email, pour la pertinence de ces vœux bien difficiles à exaucer sans intervention céleste.