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4ème licence 3G: Free, il investit, il a tout compris

Publié le 09 novembre 2009 par Cédric Soares

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Le rideau est tombé le 29 Octobre 2009 après plusieurs mois de suspens, Iliad, la maison mère de Free est finalement le seul candidat en lice pour l’attribution de la 4ème licence 3G. Les prétendants au plus fort de la bataille étaient nombreux: Bolloré Telecom, Numericable, Virgin Mobile, Kertel, Orascom; mais tous ont jeté l’éponge tour à tour.

Rappel des faits:

Depuis 2000, mû par la Commission Européenne qui souhaite développer la concurrence et encourager la dérégulation, le ministère des finances et le régulateur français souhaitent attribuer une 4ème licence 3G.
En 2007, un premier appel offre sur un lot équivalent à ceux des trois opérateurs Orange, SFR, Bouygues Telecom (15 MHz / 629 millions d’euros) est lancé. Le dossier de Ilad, déjà seul à répondre à l’époque, est débouté faute de garanties financières.

Début 2009, Matignon, faisant suite à une recommandation de l’ARCEP, lance un nouvel appel d’offre. A la différence du premier, les lots sont au nombre de trois, portant sur des bandes de fréquences de 5 MHz vendus à 240 millions d’euros chacun. L’un d’eux sera réservé à un nouvel entrant.

Pourquoi alors que les conditions financières de l’appel sont favorables, et que le marché français est l’un des plus rentables d’Europe (source Wireless Federation), la grande majorité des candidats s’est désistée ?

D’abord à cause des conditions mêmes de celui-ci: le futur opérateur se verra dans l’obligation de couvrir 25% du territoire en voix et data sous 2 ans puis 80% sous 8 ans. Le niveau de qualité de ses prestations devra également garantir un taux minimum de 90% de réussite à la première tentative d’appel. Ces obligations induisent d’une part un investissement conséquent afin de déployer un réseau adéquat (Iliad a provisionné 1 milliard d’euros afin d’y parvenir), d’autres part, de se confronter à l’opinion publique qui se veut de plus en plus réticente aux antennes relai et qui risque d’inciter le régulateur à durcir sa position.

D’après Bercy (via Lepoint.fr) le nouvel entrant pourrait être rentable à condition d’atteindre 12% de parts de marché à sa sixième année d’exploitation.



Cet objectif, de par la structure même du marché, paraît difficilement atteignable: en date du septembre 2009, d’après l’ARCEP le taux de pénétration de la téléphonie mobile est de 93% alors que l’ensemble des MVNO représente moins de 6% du marché. De plus, les typologies de populations non équipées sont soit peu génératrices d’ARPU ou soit leur accès risque d’être fortement réglementé (seniors, enfants…).

On peut ajouter à cela la stratégie des trois grands opérateurs, qui, en incitant, contre subvention du terminal, à souscrire à des offres de 2 ans, génère une rétention passive du parc d’abonnés. Toujours selon l’ARCEP 27% des utilisateurs sont clients chez le même opérateur depuis plus de 5 ans et 27% entre 2 et 5 ans. Dans ce cadre, le coût d’acquisition d’un nouvel abonné ne peut que se révéler élevé.

Enfin la présence de fonds d’investissement au capital de certains candidats n’a pas dû être étranger à l’abandon de l’appel d’offres (Cinven-Altice-Carlyle pour Numericable et Fortelus pour Kertel), de par le manque de ROI court terme de l’opération.

Quels sont alors les atouts de Ilad ?

En premier lieu, son actionnariat: Xavier Niel vice président de son conseil d’administration et directeur délégué à la stratégie détient 66% à titre personnel (source: Les Echos), ce qui permet au groupe d’être indépendant dans ses choix stratégiques.

Ensuite, sa stratégie d’innovation: Le modem Freebox et la set-up box Freebox HD qui ont été l’un des fer de lance lors de la conquête de marché de l’accès Internet résidentiel et ont permis la révolution du triple play, ont été développés en interne. Cette force de R&D serait d’une aide précieuse dans le cadre d’un possible déploiement de réseau. Xavier Niel a d’ores et déjà annoncé que le groupe Iliad développait la futur Freeboox V6. Dans l’hypothèse où celle-ci viendrait à embarquer des femtocell, le coup de déploiement du réseau pourrait être largement optimisé.

Le dernier, mais pas des moindre atouts d’Iliad réside dans son parc de 4,42 millions d’abonnés. La conversion d’une partie de celui-ci permettrait d’atténuer largement le coup d’acquisition de clients mobile, si d’aventure Iliad remporte l’appel d’offres.

A quels défis Iliad devra t’il faire face ?

La concurrence n’a pas dit son dernier mot: Orange, SFR et Bouygues Telecom se sont déjà pourvus en recours devant le conseil d’état et de la Commission Européens afin de dénoncer le prix de la 4ème licence et son mode d’attribution. Le groupe Iliad devra également composer avec les trois opérateurs afin de leur louer leurs infrastructures en phase de déploiement de son propre réseau.

Le modèle de pure player atteint ses limites: à l'heure où l’offre triple play Free est arrivée sur un marché ADSL atomisé, l’offre mobile quant à elle devra affronter les trois opérateurs historiques qui trustent 95% du marché en s’appuyant sur un réseau physique de plusieurs milliers de points de vente. Dès lors, l’atteinte des prévisions de rentabilité estimées par Bercy paraît difficilement réalisable par le seul biais du canal historique de la vente en ligne.

La qualité de service va devenir un élément clé à maîtriser: les attentes clients sont beaucoup plus fortes concernant le terminal mobile que le modem Internet et celui-ci est un véritable moteur d’achat. Iliad va devoir gérer un portefeuille et in fine une flotte de terminaux hétéroclites conçus par de nombreux fabricants, là où il avait jusqu’à présent un parc uniforme de box. Alors que la connexion ADSL est un service rattaché au foyer, le mobile lui est directement lié à la personne. Il en résulte que la tolérance vis à vis du service client, de la qualité de réponse et du taux d’indisponibilité du service sera beaucoup moins importante.

En tout état de cause l’ARCEP devrait prendre sa décision d’ici la fin de l’année pour un lancement commercial possible en 2011. D’après vous, quel mobile aura « Rodolphe » d’ici là ?


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