Et alors, au final ? M est-il enfin le film capable de me réconcilier avec le metteur en scène coréen ? J’aurais aimé répondre oui. Vraiment. Mais en toute sincérité, M serait plutôt le film qui enfonce le clou… Cette fois je ne peux même pas dire « Et pourtant cela ne commençait pas mal », car au contraire le film m’a perdu d’entrée. Si vous me demandiez de vous résumer l’intrigue des 45 premières minutes du film, j’ai bien peur que j’en serais incapable.
Tout juste puis-je vous dire qu’il y est question d’un écrivain à succès qui a rendez-vous avec un éditeur pour parler de sa prochaine œuvre qu’il semble n’avoir pas encore commencé. Il y est également question d’une jeune femme qui suit cette écrivain, mais celui-ci ne semble pouvoir la voir, physiquement. C’est bien confus. Est-elle vivante, est-elle morte ? Est-il bon ou mauvais ? Ce mec à la canne, c’est qui ? Et ce bar, le « Lupin », au fond d’une ruelle étrange, d’où sort-il ??!
Les amateurs de Lee Myeong Se arguent que l’homme est un cinéaste de l’image, qui aime
Le problème chez Lee Myeong-Se, c’est que non seulement son intérêt pour l’aspect graphique de son film sonne creux, mais en plus cela ne semble être qu’une énième répétition de ce qu’il nous a déjà montré dans la partie antérieure de son œuvre. Certes le réalisateur a plus de moyens et bénéficie d’une technologie plus avancée, mais fondamentalement, M n’innove presque pas pour ce qui est de son style. Et pour un cinéaste porté la dessus, le bât blesse.
Du coup on repère en chaque « trouvaille » visuelle quelque chose de l’un de ses précédents films. L’irruption du noir et blanc. Le montage d’une séquence sous la forme d’une succession de photographies. L’accélération d’un personnage au sein d’un plan. La liste serait trop longue à énumérer…
Pourtant M présente deux séquences, du moins deux moments, au cours desquels Lee Myeong Se parvient à faire avancer son intrigue et à développer ses personnages. Deux moments, pas plus. Deux moments pendant lesquels M ressemble enfin à un long-métrage, et non à une tentative expérimentale ressassant des obsessions esthétiques déjà vues. Ces séquences se suivent quasiment : celle du mariage (qui pourtant commence par une accélération et un passage au noir et blanc !), puis le flash back sur la jeunesse des personnages.
L’intrigue du film, et tout ce qui suit ces séquences, s’articule d’ailleurs autour de ces deux moments clés. Mais tout autour ne règne que l’obscurité. L’obscurité visuelle dont se félicite le cinéaste pour l’esthétique de son film, et l’obscurité d’un scénario prévisible qui a le mauvais goût de se répéter sans cesse et d’utiliser cette vieille combine du rêve pour solutionner ce qui est difficile à expliquer. Les acteurs sont beaux, mais le simple fait de formuler une telle phrase montre à quel point il y a peu de choses positives à dire sur le film.
Le réalisateur était présent en fin de projection pour répondre aux questions, ce qui lui permit de parler de son intérêt pour l’art plastique et son importance dans son œuvre. J’ai préféré ne pas poser de questions, ayant peur d’être incapable de trouver une formulation dans laquelle ne transparaitrait pas mon aversion pour son film. Mais je suis de ceux qui pensent que chaque film enrichit une culture cinématographique, même ceux qui nous déplaisent, donc je suis tout de même heureux d'avoir vu M, et les autres films du cinéaste (mais ne me demandez pas de les revoir !).
Très différent du long-métrage précédent, il fut tout de même intéressant de voir à la suite un film où l’art plastique est au cœur de l’œuvre, dans le portrait de Jin-Kyung, artiste d’une petite ville du Gangwon-do ayant perdu son atelier dans un incendie et cherchant à se reconstruire socialement et artistiquement après cette tragédie.
L’intérêt de ce petit documentaire réside essentiellement en deux points. Le premier, c’est le décor qu’il plante : un village reculé de Corée du Sud, et la difficulté d’y vivre de son art lorsque telle est notre vocation. Le documentaire de Kim Jee-Hyun fait trembler la vision idéaliste du « métier » d’artiste, cette liberté folle qu’on y associe, vivre de ce qu’on aime en toute tranquillité. Ici point de tranquillité mais dettes, troubles de la santé et difficulté à vendre son art, voilà le lot quotidien.
A ce fond social s’ajoute un portrait d’artiste souvent savoureux, Jin-Kyung ayant la particularité, pour une artiste que l’on voit tout de même plus souvent galérer que connaître le succès, de se montrer étonnamment capricieuse et imbue de sa personne. S’étonnant ainsi de sa difficulté à vendre ses toiles, ou leur associant des prix assez exorbitants lorsqu’elle fait son expo dans son petit village reculé (5000 dollars la toile, vraiment ?).
C’est cette personnalité curieuse, et son cadre social, qui offrent à The Mountain in the Front ce visage plaisant bien qu’assez mineur. Quoiqu’après M, n’importe quel film m’aurait sans doute semblé plaisant…