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Le mur est tombé !

Par Edgar @edgarpoe
Réédition : j'ai écrit ce billet en novembre 2007, mais pour les 20 ans ça peut supporter un nouveau passage.  J'ajoute avoir été frappé samedi soir d'entendre sur Transeuropéennes pas mal d'allemands de l'ex-RDA regretter l'avant-mur.

9 novembre 1989, un jeudi, fin d'aprés-midi. Je suis assis au milieu d'une grosse centaine de mes congénères, dans l'amphi Chapsal. Nous sommes à Sciences-Po, rue Saint Guillaume, en train d'écouter Alfred Grosser.
Tous les jeudi, même heure, il commente l'actualité avec un recul et une culture qui font que - alors que ce cours est facultatif, commun à toutes les années, et ne fait pas l'objet de contrôles - l'amphi est toujours plein.

Une demi-heure environ après le début, alors que le professeur s'exprime avec sa voix un peu moqueuse, Alain Lancelot, directeur de l'institut, entre dans l'amphi, au premier rang, un papier à la main. Il interrompt  Grosser en s'écriant, "Alfred, ça vient d'être annoncé, le mur est tombé".

Après un blanc de quelques secondes, les premiers applaudissements fusent, quelques-uns se lèvent (pas moi), ont la larme à l'oeil (moi), l'enthousiasme est unanime. Pour obtenir une telle manifestation de joie en 1981, il aurait fallu que Mitterrand et Giscard fussent élus simultanément. Lancelot ressort, et tous les visages se concentrent sur Alfred Grosser, imperturbable, qui s'est arrêté de parler pour nous regarder.

Pas ému, en apparence, le professeur  allemand, réfugié en France à 8 ans, en 1933, qui a consacré sa vie aux relations franco-allemandes, reprend la parole. "Je suis content de votre réaction", enchaîne-t-il, "mais je ne suis pas sûr qu'elle soit partagée". Il poursuit par un exposé des réticences probables de la France face à la réunification, citant Mauriac et son "j'aime tellement l'Allemagne que je préfère qu'il y en ait deux".  Après notre enthousiasme spontané, le professeur reprenait son analyse impeccable et éclairée.

*

Dix huit années après ce moment de joie collective , l'Europe ne nous propose plus qu'interdits et  ratiocinations, et je n'ai pas peur de dire que nous ferions mieux d'en rester là.

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