L'invisible

Publié le 08 novembre 2009 par Lorraine De Chezlo
de Pascal Janovjak
Roman - 300 pages
Editions Buchet-Chastel - août 2009
Dans la riche et proprette contrée du Luxembourg, il est un homme, comme tant d'autres, qui perd sa vie à courir après l'argent, à vivre seul sans relations amicales, fraternelles, familiales. Avocat d'affaires sans ambition, il vit sans conviction, évitant ses collègues pendant les pauses, regrettant de faire ce métier qu'il n'aime pas. Un jour, alors qu'il prend sa douche, son corps se dématérialise soudainement : il devient invisible. Mais il est toujours vivant. Plus vivant que jamais même. Il se faufile, observe ses contemporains, voyage librement, assouvit même ses désirs sensuels. Cette expérience le libère de ses peurs, lui donnant des pouvoirs inhabituels, lui permettant de nombreuses folies. Insaisissable, il se retrouve en Sardaigne, puis traverse la Méditerranée...
Ce roman est une véritable belle surprise, un livre magistral, très riche. D'abord et très vite, il y a le style de Janovjak, une plume espiègle, poétique, séduisante.
Extrait :"Mes sens étaient constamment en alerte, plus affûtés peut-être, comme pour compenser mon manque d'opacité. Jamais je n'avais prêté tant d'attention aux parfums, que je pouvais dorénavant respirer à même les nuques. Il y en avait qui m'enivraient comme des alcools trop forts, d'autres qui excitaient mon désir, des chauds, des mielleux, des écoeurants, des alchimies complexes, subtilement mêlées à la peau, d'autres posés comme à la truelle. Des femmes qui sentent l'animal, d'autres qui ne sentent rien, les pires. Un soir je fus surpris par l'odeur de ma propre sueur, aigre, répugnante. Mon corps était bien là, je pouvais le toucher. Il fallait juste que j'y pense, parfois, que je n'oublie pas de me laver, de me brosser les dents, de me curer les oreilles, en faisant confiance à mon toucher. C'était peu cher payé pour les plaisirs qui m'attendaient."
Ensuite il y a cette histoire loufoque. Devenir invisible. Mais l'auteur a étudié les conséquences possibles, et dans ce cas, il y a seulement la lumière qui traverse ce corps, mais son corps n'a pas disparu, son métabolisme ne s'est pas tu : il transpire, il digère, il se salit et se couvre de poussière, se dessine sous la pluie, il est consistant, peut provoquer des chocs, renverser les objets, se trahir par les bruits provoqués. Alors notre héros, invisibilité pour invisibilité, veut passer le plus possible inaperçu, ne jamais être détecté pour pouvoir être entièrement libre. Il faut faire attention à se déplacer exclusivement nu, sans clé ni aucun accessoire, éviter de sortir sous la pluie, s'empêcher de lâcher des paroles qui feraient sursauter l'entourage.... Monsieur s'accorde quelques bons moments, se délace sur la côte sarde. Et puis un jour, un homme sur la plage retient son attention. Et il le suivra très loin.C'est aussi un livre qui marque par sa poésie, son côté fabuleux (de fable) et la mise en cause d'une société qui rend des hommes transparents, sur lesquels le regard des autres ne fait que glisser. Et là, pour le coup, la véritable invisibilité l'a rendu tout puissant.... mais seul, bien évidemment. Pascal Janovjak a tenu le pari jusqu'au bout et la fin n'est pas ratée. Pour un premier roman, c'est plus que prometteur !

"Oppose l'humour et la dinguerie sensuelle au poids du monde" - Jlk sur Paperblog