Il est d'actualité de faire le fameux bilan de mi-mandat de Nicolas Sarkozy
(et pour cause) et beaucoup s’y essaient malgré un recul insuffisant et un
contexte très exceptionnel. A l’exception de quelques irréductibles
aficionados, les appréciations sont pour le moins peu élogieuses voire
franchement négatives, entre ceux qui l’accusent d’avoir mené une odieuse
politique libérale au profit de ses riches copains et ceux qui considèrent que,
malgré ses airs de matadore et ses promesses électorales, la rupture promise à
fait pschhit faute de réel courage politique !
Je n’ai pas l’intention de les détailler, mais je partage un certain nombre
des critiques émises par les uns et par les autres sur son bilan politique et
économique auxquelles je rajouterais un jugement très sévère sur son
comportement et plus généralement sur sa manière de régner
gouverner. J’ai d’ailleurs trouvé très révélatrice cette information comme quoi
il se serait drogué aux ….sondages depuis 2 ans et demi. La fameuse rupture, du
moins telle que je l’avais comprise, devait consister à réformer le pays quitte
à déplaire à un certain nombre de corporations et à prendre le risque de
l’impopularité ! Comment peut-on imaginer de prendre des mesures
courageuses si on est en permanence le nez sur les sondages
d’opinion !
Nonobstant ces remarques, et même s’il est un peu tôt pour se projeter dans
2 ans et demi, j’avoue un certain malaise face à cette trop belle
unanimité.
Non pas que j’ai une quelconque indulgence vis-à-vis de Sarkozy, non, non,
disons le tout crument, le personnage m’insupporte, non ce malaise est lié à 2
raisons essentielles :
La première c’est que, à une exception près, je ne vois pas, parmi ses
farouches opposants, qui aurait fait mieux (ou moins pire) du moins en matière
de réformes !
Entendre son opposition de Gauche lui reprocher de n’avoir pas augmenté le
pouvoir d’achat, fait baisser le chômage ou d’avoir creusé les déficits me
ferait doucement marrer si ce n’était pas si tragique !
Ou en serait-on si on avait appliqué les préconisations de tous ses détracteurs
à commencer par le programme électoral de Ségolène ou plus récemment les
couteuses exigences de distribution à tout va sous prétexte de relancer la
consommation ?
Plus généralement ou en serait-on si on avait laissé faire tous ceux qui n'ont
comme politique que de soutenir tous les mouvements demandeurs de subsides de
l’Etat quel qu’en soit le prix !!!
La seconde tient au fait que le message envoyé à Sarkozy et à ses
successeurs potentiels, n'est pas extrêmement clair.
Nicolas Sarkozy réussi l'exploit de se faire critiquer par la Gauche (c'est
normal), par le Centre (du moins celui qui a la liberté de le faire) et par une
partie de la Droite. Or, tous ces gens ont certes en commun une critique du
comportement du personnage mais ils ont des critiques souvent contradictoires
sur la politique menée depuis 2 ans et demi avec des avis qui oscillent entre
les 2 grandes tendances rapidement énoncées en introduction de ce
billet.
La très grande disparité des critiques laisse craindre que ce soit l’idée
même de rupture avec les politiques passées qui soit remise en cause. En clair
que l’on jette le bébé réformes avec l’eau du bain Sarkozy. Le risque est que
l'éventuel rejet de Sarkozy (pour peu qu'il se confirme) ne soit assimilé à un
refus de tout changement dès qu'il perturbe ou nuit à une catégorie de la
population.
C'est pourtant grâce à la combinaison de sa volonté réformatrice et de son
apparente capacité à les imposer (la fameuse rupture) que Nicolas Sarkozy a été
élu.
On peut lui reconnaître le mérite d'avoir essayé de faire ce qu'il avait dit
qu'il ferait, par contre en ce qui concerne la méthode, la déception est grande
!
En
Avril 2008, alors que Nicolas Sarkozy était au plus bas dans les sondages,
je m'interrogeais déjà sur la manière dont on est "(...) arrivé à cette
situation particulièrement paradoxale avec d’un coté la moitié de la France
mécontente des mesures prises par le gouvernement et de l’autre coté, l’autre
moitié de la France mécontente à cause des mesures qui ne sont pas prises par
le gouvernement."...1 an et demi plus tard on en est toujours là !
Or, des réformes, il en reste beaucoup à engager et presque toutes à
terminer et attention, dans la première catégorie il y a du lourd !!!
La réforme territoriale, les retraites, la Sécurité Sociale (déficit de 30
milliards prévu pour 2010), la remise à plat de la fiscalité française etc
etc
Compte tenu de ce qu'il reste à faire, il me parait important d'être clair
dans la critique que l'on fait de la politique de Sarkozy.
En ce qui me concerne, et je ne suis pas le seul, ce ne sont pas ses intentions
de réforme qui sont remises en cause mais la méthode utilisée.
Dernier exemple en date particulièrement significatif: la suppression de la
taxe professionnelle !
Voilà une taxe qualifiée dès1983 d'impôt imbécile par François Mitterrand.
Certes elle a beaucoup évoluée depuis 25 ans mais elle est encore accusée, à
juste titre, de pénaliser les entreprises française du fait qu'elle s'appuie
sur l'investissement.
Le 5 février 2009, Nicolas Sarkozy nous annonce fièrement que « l'on
supprimera la taxe professionnelle en 2010 parce que (il veut) que l'on garde
des usines en France ».
Jusque là tout va bien, on se dit « ah enfin, en voilà un qui agit, qui ne
se contente pas de se lamenter sur l'imbécilité d'un impôt mais qui a le
courage d'aller jusqu'au bout et de l'éradiquer »
Là ou ça se gâte, comme souvent, c'est que derrière cet effet d'annonce il y a
manifestement précipitation, impréparation, confusion et obstination ! A
tel point, qu'à juste titre, même la majorité présidentielle
se rebelle !
Nicolas Sarkozy a été élu parce que l'on pensait qu'il saurait réformer la
France en surmontant les résistances aux changements. Or, non seulement il n'y
arrive pas faute de concertation avant et de pédagogie après, mais en plus il y
ajoute de légitimes oppositions du fait de projets bâclés, précipités et
imposés de manière autocratique.
Il est bien là le principal reproche que l'on peut lui faire, comme je l'ai déjà écrit il y a 1 an et demi, ce n'est pas de ne pas avoir réussi à augmenter le pouvoir d'achat ou à faire baisser le chômage comme le répète inlassablement la Gauche, mais c'est, faute de méthode, d'avoir cassé l’élan réformateur qu’il incarnait alors que beaucoup reste à faire et pas le plus simple !
Espérons qu’il ne soit pas trop tard pour changer !