Job Boards ? Kézako ? Ce sont les sites emploi (dont vous trouverez une liste quasi-exhaustive sur ce portail créé par la Mairie de Paris). Parmi les plus connus : des sites généralistes comme Monster, Cadremploi ou Keljob, des sites spécialisés comme eFinancialJobs ou RecruLex, sans oublier les sites institutionnels tels ceux du Pôle Emploi et de l’APEC.
Les plus chanceux, donc. Et les autres ? Pour un grand nombre de candidats, la boîte de réception de leur messagerie électronique s’alourdira d’un nouveau message, les avisant que leur candidature a bien été reçue, merci pour votre intérêt, et que, sans réponse dans un délai de deux semaines, ça veut dire non, mais bonne chance quand même dans votre recherche. Pour les autres (la majorité ?) c’est silence radio.
Comment expliquer cela ?
Il y aura bien des mauvaises langues pour vous dire que beaucoup d’offres d’emploi sont tout simplement bidon (ou même seulement périmées), et ne servent à leurs auteurs qu’à récolter le plus grand nombre possible de CV : agences de recrutement se constituant une base de candidats, sociétés voulant faire croire à un regain d’activité, ou les Job Boards eux-mêmes. Car ce qui fait vivre un Job Board, c’est notamment d’avoir une base de CV bien garnie à vendre, ou plutôt à louer, à ceux qui y publient des offres, ainsi qu’à ceux qui achètent de l’espace publicitaire. Et je connais des candidats fort surpris d’avoir commencé à recevoir des emails publicitaires sur une adresse qu’ils n’avaient utilisée que sur leur CV confié à un site d’emploi (ils ont peut-être tout simplement oublié de dé-cocher la case « J’autorise les sociétés partenaires à m’envoyer leurs offres » – c’est bizarre, elle est presque toujours cochée par défaut).
Il y a aussi le fait que -surtout dans le contexte actuel- chaque offre d’emploi (même réelle et sérieuse et en cours de validité) va déclencher une avalanche de réponses de candidats, dont l’adéquation au poste proposé ne sera pas l’apanage de la majorité (c’est tellement facile de cliquer pour postuler à un poste dans lequel on se verrait bien, même si on n’a pas tout à fait, enfin pas vraiment, ou même pas du tout le profil…) Au final, il en va du poste à pourvoir et des postulants comme – c’est l’image qui me semble la plus proche – de l’unique ovule et les millions de spermatozoïdes qui jouent du flagelle pour arriver les premiers : beaucoup de candidats, un seul élu.
Du point de vue des recruteurs, beaucoup de déchet (au singulier) dans les centaines (voire les milliers) de candidatures reçues en réponse à chaque offre publiée, et dans lesquelles il va bien falloir faire un premier tri à coup de recherches par mots clés, dans la base de données de tous les CV reçus, avant de se pencher sur les quelques uns qui seront lus d’un peu plus près pour sélectionner les happy few qui auront droit à un coup de fil.
Du point de vue des candidats, un certain nombre de candidatures (une, dix, cent ?) qui resteront pour la plupart sans réponse.
Il y a quelques semaines, j’ai entendu une information qui m’a laissé songeur : l’efficacité des sites emploi serait très basse, c’est-à-dire que seul un faible pourcentage des candidats trouverait un emploi suite à une candidature déposée sur un tel site. Le chiffre donné tournait autour de 3%, ce qui correspond par exemple à 30 embauches suite à 1000 candidatures. Il serait parfois un peu plus élevé, souvent un peu plus bas. Bref, il s’agirait d’une fourchette allant de 1 à 5%.
Pour tenter d’en savoir plus, j’ai utilisé la fonction « Questions/Réponses » du réseau social professionnel LinkedIn (qui se prononce line-k’tine plutôt que line-keu-dine), et j’ai simplement posé la question dans les rubriques Recherche d’emploi et Recrutement. J’ai reçu 18 réponses en 2 jours, plus ou moins précises, et plus ou moins pertinentes. L’une d’elles contenait une information quantitative. Elle émanait d’un cabinet de conseil en recrutement qui avait récemment cherché à mesurer l’efficacité des sites d’emploi utilisés pour ses recherches : certains commençaient à lui coûter cher, et lui fournissaient une grande quantité de CV, sans que la qualité soit toujours au rendez-vous.
La mesure a consisté à comparer le nombre de candidatures « en entrée » et le nombre d’embauches « en sortie », sur une période de 8 mois, pour des postes Marketing. Voici les chiffres (si vous êtes debout, asseyez-vous).
- Candidatures reçues : 15118
- Candidatures pertinentes : 3308 (soit 22%, ou moins d’une sur 4)
- Candidats reçus en entretien par le client : 75 (soit 0,5%, ou un sur 200)
- Candidats embauchés : 16 (soit 0,1%, ou un sur 1000)
Si vous êtes recruteur, cela veut dire qu’il vous faudra en moyenne examiner 200 candidatures avant d’en trouver une qui mérite de présenter son auteur à votre client.
Si vous êtes candidat, cela veut dire que si vous ne correspondez pas exactement au profil recherché, ce n’est même pas la peine de postuler sur un site emploi, à moins de croire, à l’instar de Jean-Claude Dusse (avec un D, comme Dusse), que sur un malentendu, ça peut toujours marcher…
Comme il s’agit d’une étude menée au Royaume-Uni, sur un métier particulier, il n’est pas forcément possible d’en généraliser les résultats à d’autres pays et à d’autres métiers, mais les ordres de grandeur sont vraisemblablement similaires. Je suis preneur de toute information relative au marché français, et à d’autres métiers que le Marketing !
Alors, faut-il brûler les Job Boards ? Peut-être pas, mais si vous êtes recruteur, vous pourriez demander à votre site de prédilection de vous fournir quelques statistiques précises - ou bien mener votre propre étude quantitative, comme ce cabinet anglais qui m’a obligeamment répondu sur LinkedIn. Avant, éventuellement, de renégocier les tarifs. Si vous êtes candidat, comptez davantage sur vos contacts, sur votre réseau, sur la visibilité et la crédibilité que vous saurez construire autour de votre expertise, plutôt que sur les 10 (ou 100) candidatures par jour que vous allez déposer sur votre site favori. Avec la satisfaction du devoir accompli, mais avec un taux de retour de 0,5%. Et une chance de succès de 0,1%.