Mon édition 10/18 date de 1963, la première de couverture est la reproduction d'un collage original
de Prévert. Je l'ai prise en photo et n'arrive pas à la diffuser...
Quatrième de couverture de 1963 :
"Le plus poignant des romans d'amour contemporain" a dit Raymond Queneau. Mais aussi une fête du langage; Entre ces deux pôles s'inscrit ce livre ambigu, narquois et angoissant, où, par le
jeu même de la plus insidieuse fantaisie, se découvre une secrète et douloureuse gravité.
Quatrième de couverture du 10/18 ci-dessus :
C'est un conte de l'époque du jazz et de la science-fiction, à la fois comique et poignant, heureux et tragique, merveilleux et fantastique, féerique et déchirant.
Dans cette oeuvre d'une modernité insolente, l'une des plus célèbres du XXe siècle et livre-culte depuis plus de trente ans, Duke Ellington croise le dessin animé, Sartre devient une marionnette burlesque, la mort prend la forme d'un nénuphar, le cauchemar va jusqu'au bout du désespoir.
Mais seules deux choses demeurent éternelles et triomphantes : le bonheur ineffable de l'amour absolu et la musique des Noirs américains.
Mon avis :
Le roman commence ainsi : "[...] Colin repose le peigne et, s'armant du coupe-ongles, tailla en biseau les coins de ses paupières mates, pour donner du mystère à son regard. [...]" ; nous sommes plongés d'emblée dans l'univers fantaisiste et insolite de Boris Vian.
L'histoire repose sur plusieurs personnages au caractère et personnalité très différents dont ils sont tous les héros. Je vais passer sur les détails des rencontres des uns et des autres, sur leurs circonstances et leurs conséquences et plutôt me concentrer sur les personnages, et ma petite critique. Pour savoir, lisez le roman.
Chick, meilleur ami de Colin est invité à déjeuner par celui-ci. Chick est un passionné de philosophie et notamment de Jean-Sol Partre. Il assiste à toutes ses conférences sans rien y comprendre et achète avec compulsivité tous ses écrits en se ruinant, sa petite amie est Alice.
Colin est amoureux : du Jazz, de l'amour et de Chloé qui est le grand amour de sa vie. Il hait profondément le travail et la violence.
Chloé est le symbole de la féminité : belle, attirante, douche et fragile. Elle se marie avec Colin et prend froid au cours de la cérémonie. Le médecin est formel : un nénuphar ronge le poumon droit de Chloé. Le remède préconisé est de l'entourer de fleurs. Colin va également se ruiner pour soigner son amour, allant jusqu'à travailler, le tout en vain... Il ne parvient pas à la guérir de ce nénuphar dévorant de poumon. Chloé est condamnée.
Parmi leur entourage, se trouve Alise. Amoureuse de Chick et grande sentimental, elle est pleine de compassion pour son amie malade.
Un autre personnage atypique est Nicolas, le cuisinier de Colin et l'oncle d'Alise. C'est un ami fidèle de Colin et l'amant d'Isis, différente des autres car bourgeoise. Elle n'a pas de soucis d'argent.
Et enfin, la souris... la petite souris qui habite chez Colin qui tente de rendre la maison de Colin plus lumineuse, comme au début de l'histoire, comme avant la maladie de Chloé, comme l'effondrement de la fortune de Colin, comme avant que cette maison ne rétrécisse et ne s'obscurcisse au fil de l'histoire, de la maladie, de la ruine...
J'avais lu L'écume des jours adolescente comme beaucoup d'entre nous. Je l'ai relu pour le Club et ai éprouvé le même plaisir. Ma compréhension a toutefois évolué (âge, étude aidant) mais mon avis ne change pas : il reste pour moi l'un plus beaux romans d'amour avec "Belle du seigneur" que j'ai pu lire.
Le charme de ce roman est dû à l'extraordinaire et exceptionnelle habileté de Vian à nous faire entrer naturellement, sans étonnement dans un monde qui nous enchante, nous amuse et nous bouleverse à la fois. L'Ecume des jours conjugue la pureté des sentiments, la féerie du langage, l'insolence de l'amour. Vian est un inventeur de mots et de situations cocasses, il est capable également de saisir la gravité de l'amour et de la mort en neutralisant l'amertume de sa réflexion sur le destin par l'espièglerie du langage et le merveilleux des situations. Il nous plonge dans un monde absurde cruel comme la société contemporaine et pourtant tendre comme l'âme des adolescents.
A noter le clin d'oeil à Sartre, dont Vian était l'ami.
J'ai travaillé cette chronique longtemps, cherchant les allégories et les symboles, cherchant à argumenter, fouinant dans la vie de Vian, le surréalisme et tutti quanti. Ce matin, je me suis dit pourquoi faire compliqué , je ne suis pas une littéraire, aimer lire ne suffit-il pas ? Et effectivement exprimer mon ressenti est déjà pas mal.
Ne passez pas à côté de ce roman magnifique et qui mérite largement de faire parti de nos classiques littéraires. Lisez, laissez vous aller et savourez.
Roman relu dans le cadre du Blogclub