Dan Fante est vraiment un personnage à part. D’abord, il est le fils de John. John Fante, quasi inconnu avant que Bukowski n’en fasse son idole, et devenu après sa mort un auteur culte, un vrai (Bandini, Demande à la poussière). Alors quand on veut marcher dans les pas d’un père célèbre, le costume est souvent difficile à porter. Et puis il y a une vie chaotique, les petits boulots à la pelle et surtout l’alcool, qui vient tout détruire. Le premier roman autobiographique de Dan Fante, au titre magnifique (Les anges n’ont rien dans les poches) m’avait emballé lors de sa sortie en France il y a près de 15 ans. Ses deux autres romans, (En crachant du haut des buildings et La tête hors de l’eau) publiés en 1999 et 2001 étaient beaucoup moins convaincants.
Depuis, silence radio, jusqu’à ce qu’une nouvelle maison d’édition spécialisée dans la littérature underground américaine décide de publier cette année deux titres de cet inclassable auteur qui, de son propre aveu, n’a jamais vendu plus de six 6000 exemplaires dans son propre pays mais qui connaît aujourd’hui une reconnaissance internationale en étant publié dans 13 pays et en 11 langues.
Après un recueil de nouvelles au début de l’année, 13e Note publie ces derniers jours plus de 80 poèmes rédigés entre 2003 et 2006. Au moment de la rédaction de ces poèmes Fante est sur la voie de la rédemption. Il ne boit plus, s’est marié, vit paisiblement en Arizona et, à plus de 60 ans, il vient d’avoir son premier enfant. La tonalité générale n’est pourtant pas à l’optimisme béat. L’ombre de Kerouac plane sur ces poèmes, parfois géniaux, parfois sans grand intérêt mais qui le plus souvent font mouche. Dan Fante parvient à définir sa poésie de façon limpide :
« […] me découper la bidoche et en recouvrir de morceaux saignants la page afin que le premier venu, sous réserve d’être suffisamment ouvert pour connecter son esprit avec le mien, puisse voir l’intérieur de mon cœur ».Si vous aimez Bukowski, Selby ou Kerouac, allez-y les yeux fermés. Pour les autres, si vous avez 15 euros à miser sur un vieux cheval revenu de tout, tentez votre chance avec ces Bons baisers de la grosse barmaid, les tocards se transforment parfois en divine surprise.
Bons baisers de la grosse barmaid, de Dan Fante, 13e Note Éditions, 2009. 15 euros.
L’info en plus : la très jeune maison d’édition 13e Note qui publie ce recueil est apparue pour la première fois en librairie en avril 2009 et elle ne compte pour l’instant que sept titres au catalogue. Sur ces sept titres, j’ai lu les deux ouvrages de Dan Fante, un très bon recueil de nouvelles autobiographiques sur le monde des junkies et des cures de désintox de l’anglais Tony O’Neil (Notre Dame du vide) et un autre recueil de nouvelles de Barry Gifford, l’auteur de Sailor et Lula, qui m’a beaucoup moins emballé (American Falls). Quoi qu’il en soit, il est toujours important de soutenir de telles maisons d’éditions qui se lancent avec passion pour faire connaître au public français des auteurs souvent délaissés par les grands éditeurs. Pour en savoir plus, vous pouvez toujours jeter un coup d’œil au site de 13e note : http://dev13enote.khepri-systems.com/