Homélie 32 T.O.B – L’unique Sacerdoce du Christ

Publié le 07 novembre 2009 par Walterman


Selon les dernières statistiques, l’Eglise catholique compte plus de quatre cent mille prêtres ordonnés à l’œuvre actuellement dans le monde entier. Comment accorder ce nombre en apparence si grand avec ce que dit le Catéchisme de l’Eglise Catholique (n. 1545) qui parle de « l’unique sacerdoce du Christ » ? Y a-t-il un seul prêtre, Jésus Christ, ou y en a-t-il près d’un demi-million ? Durant cette Année Sacerdotale il n’est pas interdit de se poser la question.

A vrai dire, c’est une question-piège. La question n’est pas de savoir s’il y a ou bien un seul vrai prêtre, ou bien plus de quatre cent mille prêtres. La réalité, c’est que les deux affirmations sont vraies. Il est juste de dire qu’il n’y a qu’un seul vrai grand prêtre, Jésus Christ. Mais il est tout aussi juste d’affirmer qu’il y a quatre cent mille prêtres dans l’Eglise catholique. La solution de l’énigme se trouve dans le fait que le sacerdoce de ces quatre cent mille prêtres ne fait pas nombre avec le sacerdoce du Christ, n’est pas indépendant de lui. Les prêtres sont les ministres du Christ, ses représentants. De par leur ordination sacramentelle ils participent d’une manière spéciale de son unique sacerdoce. Le Catéchisme (n. 1545) l’exprime en ces termes :

« l’unique sacerdoce du Christ (…) est rendu présent par le sacerdoce ministériel sans que soit diminuée l’unicité du sacerdoce du Christ : "Aussi le Christ est-Il le seul vrai prêtre, les autres n’étant que ses ministres" (S. Thomas d’A., Hebr. 7, 4). »

Voilà ce que les théologiens veulent dire quand ils affirment que les prêtres ordonnés agissent « in persona Christi », dans la personne du Christ. Quand un prêtre s’acquitte de ses devoirs sacerdotaux, comme, par exemple, la célébration de la Messe ou du Sacrement de Pénitence, c’est le Christ qui agit par eux.

Le passage de la Lettre aux Hébreux que nous venons d’entendre nous aide à comprendre le caractère unique du sacerdoce du Christ. C’est aussi en méditant ce passage que nous pourrons mieux apprécier la profondeur de la sagesse et la puissance de l’amour de Dieu pour nous. La lecture met en lumière trois aspects de l’unique sacerdoce du Christ.

Tout d’abord, elle nous rappelle que Jésus est entré dans l’unique vrai sanctuaire : le trône céleste du Père. Ceci s’est réalisé par son Ascension, quarante jours après sa Résurrection, quand il est monté au ciel, pour s’asseoir à la droite du Père. Il nous est difficile de comprendre la signification de l’Ascension. Une analogie peut nous y aider.

Représentons-nous le sacerdoce comme un pont. Une extrémité de ce pont repose sur la terre, où les pécheurs que nous sommes tous se battent pour retrouver le bonheur perdu et la vie éternelle pour laquelle nous avons été crées. L’autre extrémité de ce pont se trouve au ciel, qui est la présence de Dieu, source intarissable de vie, de bonheur. Ce pont, c’est Jésus qui l’a construit par sa Passion et sa Résurrection. Il a solidement établi une extrémité de ce pont sur la terre en fondant l’Eglise, et la deuxième extrémité au ciel par son Ascension. Sans l’Ascension le pont ne serait pas achevé, ou, en tout cas, impraticable. En d’autres mots, Jésus est réellement présent au ciel, avec son corps ressuscité et glorifié, avec aussi sa Mère, la Bienheureuse Vierge Marie dans la gloire de son Assomption.

Mais il est présent aussi sur terre, grâce aux sacrements de son Eglise, administrés par les prêtres ordonnés dans la puissance du Saint Esprit. Quand nous recevons ces sacrements, chacun de nous se trouve incorporé à  ce pont, pour ainsi dire comme une extension, une bretelle d’accès, pour rayonner cette présence à l’endroit où nous vivons. Voilà ce que veut dire l’expression "sacerdoce commun des fidèles".

Cette vérité de notre foi, nous la proclamons chaque fois que l’Eucharistie est célébrée. Le prêtre, proclamant la Parole de Dieu, représente Dieu qui se révèle par sa Parole. Lors de la présentation des dons (l’offertoire), le prêtre vient du sanctuaire pour recevoir les offrandes du peuple, de même que le Christ est venu du ciel pour prendre notre nature humaine par l’incarnation. Ensuite, le prêtre apporte ces dons, qui représentent notre vie, nos souffrances, notre travail, dans le sanctuaire sur l’autel, où il les offre (in persona Christi) à Dieu en notre nom, tout comme le Christ a emporté notre nature humaine au ciel à l’Ascension, « afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu », comme nous le rappelle la deuxième lecture.

Ainsi, le premier aspect de l’unique sacerdoce du Seigneur est le fait qu’il a établi une extrémité du pont au ciel, ce que lui seul a pu faire, car lui seul est ressuscité de morts et monté au ciel.

Le deuxième aspect mis en lumière par la deuxième lecture de ce dimanche, c’est la manière dont Jésus a construit ce pont du salut. Le passage nous dit que « (Jésus) s'est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice ». Nous avons tellement l’habitude d’entendre cette affirmation qu’elle ne nous étonne plus. Le péché est une révolte contre Dieu. Le péché, c’est toute parole, action ou désir librement choisi en opposition à la loi éternelle (cf. CEC 1859). Le péché revient à tourner le dos à Dieu pour lui faire comprendre que nous voulons trouver notre bonheur sans lui, ce qui est, bien sûr, impossible. Cette rébellion s’est déroulée pour la première fois au Jardin de l’Eden, au moment où nos premiers parents ont commis le péché originel sous l’instigation du démon. De là cette rébellion s’est répandue, comme la grippe H1N1, partout où il y a des hommes. Notre nature humaine s’en est trouvée infectée. Mais Dieu ne nous a pas abandonné à notre maladie. Il nous a envoyé un Sauveur, Jésus Christ.

Jésus est né de la Vierge Marie, Immaculée Conception, pour que la nature humaine de son Fils soit libre de toute infection du péché. Et quand il fut tenté par le démon, au désert, au commencement de son ministère public, et puis durant sa Passion, il est resté fidèle à la volonté du Père. Au lieu de se rebeller contre la Loi divine il l’a acceptée et embrassée, même jusqu’à l’humiliation suprême et la douleur de la crucifixion. En d’autres mots, bien qu’il n’ait jamais péché, il a pris sur lui la culpabilité et le châtiment de tous nos péchés, pour nous permettre de renaître, grâce à cette seconde chance que nous offre la rédemption. Il s’est sacrifié lui-même pour renverser et défaire la rébellion de l’humanité contre Dieu. Vrai Dieu et vrai homme, il a dit "oui" à son Père, en réparant tous les "non" que l’humanité pécheresse a accumulés tout au long de son histoire.

Mais ce sacrifice pour enlever tous nos péchés a eu lieu il y a deux mille ans. Comment pouvons-nous en bénéficier ? Comment pouvons-nous y connecter notre vie aujourd’hui ?

Par l’Eucharistie. La Messe n’est pas uniquement un souvenir, comme une cérémonie commémorative du 11 novembre ; c’est une célébration sacramentelle. Par le prêtre ordonné, agissant "dans la personne du Christ", le Saint Esprit fait de chaque Messe « l’actualisation et l’offrande sacramentelle de son unique sacrifice (celui du Christ), dans la liturgie de l’Église qui est son Corps » (CEC 1362). Au moment où le prêtre prononce les paroles de la consécration : « ceci est mon corps… ceci est mon sang… », c’est Jésus lui-même qui se rend réellement présent sous les apparences du pain et du vin. Par la consécration d’abord du pain, et ensuite du vin, le sacrifice de la Croix est rendu présent, où Jésus a offert son propre corps, duquel a coulé son sang en sacrifice pour nos péchés.

Ainsi, chaque fois que nous participons à la Messe, pour unir attentivement notre cœur et notre esprit aux prières prononcées par le prêtre, nous connectons notre vie au sacrifice rédempteur du Christ. En recevant la Sainte Communion, nous permettons à la puissance du "oui" du Christ d’entrer dans notre âme et de nous purifier de nos tendance égoïste, pécheresse qui consiste à dire "non" à Dieu. A chaque messe nous traversons le pont entre ce monde perdu par le péché et le Royaume des Cieux. Voilà ce que dit le prêtre, juste avant la communion : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde… Heureux les invités au repas du Seigneur ».

Le troisième aspect de l’unique sacerdoce du Christ mis en lumière dans la deuxième lecture de ce dimanche regarde l’avenir. Ce sacerdoce, exercé par les ministres ordonnés ici, sur terre, transfuse sa grâce salutaire dans notre vie pour nous donner accès au sanctuaire éternel et nous permettre de bénéficier de son sacrifice sauveur. Et pourtant, le monde dans lequel nous vivons, est un monde déchu. Notre nature humaine est toujours blessée et remplie de tendances égoïstes, pécheresses. Un jour serons-nous complètement guéris du péché et de toutes ses conséquences ? Y aura-t-il un ciel nouveau et une terre nouvelle, où nous pourrons contempler Dieu face à face, au lieu de le voir sous le voile de la foi ? Oui ! « le Christ … apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l'attendent ».

Nous vivons la phase finale de l’histoire dans laquelle le Royaume du Christ s’étend graduellement et mystérieusement jusqu’aux extrémités de la terre par l’extension de l’Eglise qui doit toujours combattre, souffrir, comme le Seigneur lui-même. Mais au moment fixé par lui, ce combat, cette souffrance prendront fin : le pont de la rédemption aura atteint sa raison d’être, et Dieu notre Père rassemblera tous ses enfants fidèles dans sa demeure céleste, là où tous les désirs seront exaucés au-delà de toute espérance. Voilà ce que nous disons chaque dimanche quand nous proclamons notre foi dans "la résurrection de la chair" et "la vie éternelle".

Vraiment, Jésus Christ, l’unique vrai grand prêtre de toute l’humanité, est venu pour nous sauver par son incarnation rédemptrice, continue de nous purifier et fortifier par le sacerdoce sacramentel de l’Eglise, et viendra de nouveau à la fin des temps pour essuyer toute larme et pour guérir toute blessure. Dans cette Messe, renouvelons notre foi en un Sauveur si grand ; remercions-le pour son unique sacerdoce, et promettons-lui de ne jamais nous écarter de la voie du salut.