Virilité tchèque

Publié le 07 novembre 2009 par Theatrum Belli @TheatrumBelli

Depuis que le service obligatoire a été supprimé, il y a quatre ans, une fascination pour la chose militaire a émergé parmi la gent masculine. Revue de détail.

Placer une charge d'explosifs ou éliminer un assaillant à mains nues. Partir en Jeep pour la Normandie, sur les plages du Débarquement, sur les lieux mêmes des combats historiques. Revêtir la cuirasse médiévale le temps d'un tournoi ou encore, muni d'un détecteur de métaux, arpenter un terrain dans l'espoir secret de dénicher une bague authentique de SS. La fascination pour le monde militaire se décline, en République tchèque, sous des formes très variées.


LES BLOCKHAUS

Ces forteresses en béton ont poussé comme des champignons le long de la frontière germano-tchèque dans la seconde moitié des années 1930. Mangées par la végétation, tombées dans l'oubli, certaines connaissent désormais une nouvelle vie, en général comme musées. A Ostrava [nord-est], Zdenek Snajdr est un digne et fidèle représentant de ces néo-historiens dont la vie est absorbée par les milliers de tonnes de béton de l'Histoire. Cofondateur du Club historique militaire du 1er bataillon, il engloutit depuis dix ans son argent et son temps libre dans le "bâtiment de fortification lourde MO-S 11", dont la véritable raison d'être était de ralentir l'avancée des colonnes allemandes en 1938. Aidé par les sept membres les plus actifs du club, assisté par une quinzaine d'autres, il poursuit inlassablement sa quête : remettre ce blockhaus dans son état originel.

AIRSOFT

"Ici, les combats sont très réalistes. On tire, on travaille la tactique, le camouflage, on évacue les blessés. Mais l'airsoft n'est absolument pas agressif", commente Lukas Heuler, un amateur de cette activité [qui ressemble au paintball, mais avec des armes plus réalistes et moins puissantes]. L'airsoft - où l'on s'attache à reconstituer des batailles [récentes] - nous vient d'Amérique et du Japon. Des équipes s'affrontent, où chacun a un rôle précis : tireur avancé, sniper, officier de liaison, etc. Souvent constituées en clubs, elles se plongent dans l'histoire militaire, dans les conflits et époques réels. Un vrai combattant explore ainsi les sentiers historiques relatifs à son unité jusque dans les moindres détails. La taille des mailles du filet recouvrant les casques devient un sujet d'étude. Selon Lukas Heuler, "l'airsoft est la réalisation du rêve de tout enfant d'avoir une arme. Toucher une cible, c'est comme marquer un but. Rien de dangereux, pas de plaisir sadique. Cela contribue à évacuer le stress après une journée de travail." Peu de gens savent qu'une véritable armée parallèle s'entraîne en République tchèque. Et elle n'est pas négligeable : l'une de ses dernières manifestations, Big Combat III, a réuni plus de 3.000 participants.

UNITÉS DE RÉSERVE ACTIVE DE L'ARMÉE TCHÈQUE

A l'origine, il y a sans doute une forte nostalgie du service militaire [supprimé en 2005]. "Ça a commencé avec des entraînements basés sur le volontariat. Aujourd'hui, la réserve active offre une bonne occasion aux jeunes hommes d'essayer la vie militaire avant de s'engager dans l'armée professionnelle" : le commandant Frantisek Travnicek justifie ainsi l'existence de ces unités de soldats volontaires. L'entraînement de ses membres dure au minimum trois semaines dans l'année. On y travaille sa condition psychique, le tir, la tactique. Chaque région souhaiterait à terme se constituer une unité de 150 hommes. Le régiment volontaire d'Usti nad Labem [nord-ouest] montre, par sa taille, que cette pratique n'est pas l'affaire de quelques fêlés. Là, les entraînements sur les sites des installations militaires officielles sont réguliers et le groupe publie même son journal, Le Fantassin d'Usti.

COURS DE SURVIE EN TERRITOIRE ENNEMI

"Les pieds joints ! On ne s'appuie pas ! Sans bouger !" hurle avec agressivité un supérieur en armes à un groupe de prisonniers assis en caleçon sur le béton froid, les godasses trempées et pleines de boue. Ils sont convoqués un à un "au bureau", d'où retentissent des bruits de coups violents. Le silence est total dans le groupe. L'incertitude mêlée aux douleurs corporelles, celles-ci bien réelles, atteint le moral des pseudo-prisonniers. La situation très réaliste d'une prise d'otages est une des formations de survie en territoire ennemi proposée par l'armée tchèque. A l'origine, elle était prévue pour des journalistes opérant en zones de conflit, puis elle a été ouverte à tous. Malgré sa rudesse, elle connaît un succès indéniable. L'exemple pour tous les participants aux exercices de survie est à chercher du côté du Japon : le soldat Hiro Onoda, poursuivant seul la guerre [jusqu'en 1974], échappant à l'armée philippine, a survécu pendant trente ans aux dangers cumulés d'un terrain hostile, de la jungle et d'un ennemi qui le traquait sans relâche [il avait refusé de croire à la reddition du Japon, en 1945]. A son retour dans son Japon natal, il fut accueilli en héros. Les médecins n'ont pu que constater son excellente condition aussi bien physique que mentale. Bonus : ses armes étaient en parfait état de fonctionnement !

Source du texte : COURRIER INTERNATIONAL