Ils sont imparfaits, mais cela ne les empêche pas de se reconnaître instantanément et de céder à cette attraction ; c’est ensuite que ça devient plus compliqué, parce que comprendre ses désirs, accepter les différences de l’autre, c’est tout un chemin à parcourir pour être enfin réuni à l’autre. Tous deux habitent dans le quartier de Kreuzberg, mais le mur entre eux est symbolisé par une promenade entre leurs deux rues le long de l’ancien no man’s land de part et d’autre du mur, transformé en jardin après la réunification.
Comme le titre l’indique aussi (en français cette fois), le style ne va pas précisément être celui d’un roman à l’eau de rose mais le ton est plutôt celui d’un analyste et d’un mathématicien. Nos héros sont un peu comme deux rats de laboratoire dont on étudie les réactions physiologiques et sociales au cours du mois qui suit la rencontre. Au début, ça m’a agacée. Parce que le temps de la rencontre (un instant d’éternité, certes) est démesurément étiré, chaque geste précisé, chaque émoi disséqué. Ensuite, l’intrigue (ténue, forcément) est interrompue malicieusement par différents chapitres « documentaires » sur des sujets aussi divers que les questions les plus souvent posées sur les études de Senta, les conditions requises pour la réussite d’un « quickie » (rapport sexuel impromptu) ou l’histoire de Kreuzberg.
Mais finalement, malgré l’apparente distanciation de la narratrice, on se laisse conquérir par son humour et par le caractère burlesque de cette histoire d’amour, mise en péril par la fougue même des ébats des amants, culminant dans une scène improbable au restaurant qui mélange déclaration d’amour et scène de rupture… L’analyse des petits malentendus entre Thomas et Senta quitte bien vite le domaine de la pure science humaine pour devenir une comédie du désir et du hasard, d’autant plus jubilatoire qu’elle est cruelle.
Drôle, actuelle et émouvante, mine de rien, voilà une très bonne lecture !