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The Box

Publié le 07 novembre 2009 par Vance @Great_Wenceslas
The Box

Un film de Richard Kelly (2009) avec James Marsden, Cameron Diaz & Frank Langella

Résumé AllôCiné : Norma et son époux mènent une vie paisible dans une petite ville des Etats-Unis jusqu'au jour où une mystérieuse boîte est déposée devant leur domicile. Quelques jours plus tard, se présente l'énigmatique Arlington Steward qui leur révèle qu'en appuyant sur le bouton rouge de la boîte, ils recevraient 1 000 000 $, mais cela entraînerait la mort d'un inconnu...

Une chronique de Vance

Avec Pandorum, je m’étais enthousiasmé pour le retour à du cinéma de SF pur jus, respectueux du genre (tant littéraire que cinématographique – donc avec ses codes de narration spécifiques et ses références littéraires), assumé et jouissif. En puisant dans des thèmes connus de la science-fiction de quoi alimenter une intrigue dense tout en accordant la part belle à l’action et au suspense, on obtenait une synthèse intéressante rappelant les grandes réussites de ce cinéma.

Avec the Box, on va encore plus loin. Tout au long de ce film presque totalement maîtrisé (seule la fin semble échapper à ce mécanisme d’horlogerie qui paraît régir l’ensemble du script), je passais mon temps à repérer des clins d’œil, des rappels, des parallèles à ce que la SF – et la littérature de l’Imaginaire dans son ensemble – a pu produire de fascinant ces dernières décennies. Mieux : dès la première seconde (et je n’exagère pas !), je me réjouissais du fait que la bande annonce, pour une fois, ne dévoilait pas le déroulement global de l’histoire. Car le trailer, plutôt bien foutu, donnait à penser qu’on se trouverait en présence d’une sorte de thriller haletant construit sur une course-poursuite entre de gentils innocents traqués pour une raison qui leur échappe et de méchants comploteurs cyniques et calculateurs. Montage habile. Car ce qui transpirait de cette publicité n’était que la face émergée de l’iceberg kellyen.

The Box, c’est plus, beaucoup plus.

C’est d’un cynisme éprouvant, un peu suffisant, mais tellement adroit ! La preuve : il m’est très difficile d’évoquer les tenants de l’histoire, tant elle interpelle, flattant en permanence les sentiments les plus nobles comme nos instincts les plus vils, jouant sur l’empathie avec dextérité pour mieux nous plonger dans les affres d’une alternative digne du Choix de Sophie – mais avec des répercussions sur toute l’Humanité. Je parlais de la première seconde : le film commence en effet par un panneau déroulant (pas de générique), une sorte de note de service de la NSA relative à un individu nommé Arlington Steward. On nous donne de nombreuses informations que je ne peux même pas vous révéler. Puis on passe à la « vie paisible » de ce couple modèle : elle (Cameron Diaz, pas vraiment convaincante mais dont on peut saluer les efforts), enseignante, claudique à cause d’un vieil accident et tente de faire comprendre à ses élèves les implications tortueuses des relations entre les personnages de Huis Clos, de Sartre – quand je vous disais que c’était d’un autre niveau ! Lui (Marsden, plutôt à son aise), technicien spécialiste des caméras pour la NASA,  roule en Corvette mais sans véritablement frimer, postule pour un poste d’astronaute et prépare un cadeau de Noël à sa femme qu’il chérit. Ils ont un enfant et vivent au-dessus de leurs moyens en Virginie, non loin du centre de Langley d’où on contrôle la mission Viking (envoi de sondes sur Mars). Nous sommes dans les années 1970. Les décors et costumes sont respectés avec une minutie affolante (tant, d’ailleurs, qu’ils en viendraient presque à occulter l’interprétation des comédiens) : on ne peut pas ne pas être admiratif devant la reconstitution de ces intérieurs avec ces papiers peints psychédéliques, cet électroménager aux couleurs criardes et aux formes douces (pensez à Cosmos 1999), ces chemises au col « pelle à tarte » et ces coupes féminines à la Farrah Fawcett – qui auraient tendance à enlaidir Cameron Diaz, d’ailleurs.

La mise en scène est à l’avenant : pointilleuse, ciselée mais sans esbroufe, avec des champs-contrechamps classiques mis en exergues par quelques travellings avants de toute beauté. Kelly a mûri depuis son très malin Donnie Darko, c’est incontestable (du coup, je regrette ne pas avoir pu voir Southland Tales). Il a adapté avec beaucoup d’ambition une nouvelle de Richard « the Omega Man » Matheson, en en conservant l’esprit et cette faculté permanente de mettre des personnages quelconques dans des situations exceptionnelles qui leur ouvrent des perspectives aussi effroyables qu’inimaginables (rappelez-vous la somptueuse fin de l’Homme qui rétrécit, ouverte sur l’infini et les interrogations métaphysiques). Par moments, lorsque le rythme commence à s’accélérer (car la mise en place est volontairement longue, presque lancinante, afin de bien adhérer aux préoccupations de cette famille modèle), on a l’impression de suivre un (bon) épisode d’une série du genre Au-delà du réel ou Twilight Zone : on se dit que cela va aller très vite, on devine les implications liées au choix (Norma et Arthur traversent soudain une mauvaise passe financière : vont-ils appuyer sur le bouton et cueillir le million de dollars, sachant qu’ils tueront un inconnu ?). Quelques fragments d’enquête plus loin, on bascule dans le surréel, les sous-intrigues se multiplient, on dispose de beaucoup d’informations fragmentaires mais qui se recoupent presque toutes avec bonheur. Ca va loin, très loin.

The Box

Le métrage dispose en outre d’un atout de poids : Frank Langella, qui nous campe un Steward intriguant, tour à tour démoniaque et sensible, magnifiquement servi par la voix inimitable de Feodor Atkine (ce gars-là transcende tout ce qu’il double, à commencer par Hugh Laurie dans Dr House).

Et c’est alors que ça coince. Oh, rien qu’un peu. Disons que je me suis senti agacé. Agacé parce que, pendant les ¾ du film, c’était vraiment très bon. Comment pourrait-il en être autrement d’un film qui cite ouvertement (et le placarde) une des lois d’Arthur C. Clarke (le père de 2001, l’Odyssée de l’Espace et des satellites géostationnaires) ?

Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie.

Arthur est un homme qui cherche à aller vers les étoiles. Il lit de la SF (la baby-sitter de son fils s’en étonne d’ailleurs, tombant que quelques pulps qu’il bouquine) et construit dans sa cave un véritable diorama sur la conquête de Mars. Il est comme nous. Il dispose donc de cette ouverture d’esprit fondée sur l’expérience de l’Imaginaire et, du coup, sa manière d’appréhender l’inconnu diffère de celle des héros classiques : au lieu d’être pétrifié d’horreur, il s’ébaubit, au lieu de paniquer, il analyse et recherche les points faibles de « l’ennemi ». Là encore, c’est remarquablement fait.

Mais il y a ce truc qui me gêne, comme il m’a gêné dans Contact (dont on peut trouver quelques parallèles troublants dans le traitement), ces considérations sur le divin. J’ai bien cru que le facteur religieux viendrait empêtrer le discours dans des arguties gluantes et pompeuses. D’autant qu’un dialogue crucial entre Norma et Arlington fait cruellement tache (car, contrairement à tout le reste du film, il ne parvient pas à créer un pont avec d’autres éléments de la narration : on n’y croit tout simplement pas).

Heureusement, la fin, bien qu’un peu rapide, balaie les craintes d’une happy end vaine. On pourra s’offusquer de certaines prises de position (notamment sur le rôle des femmes) mais au moins c’est parfaitement cohérent avec les directions avancées (en quittant la salle, j’entendais des commentaires du genre : « On est tous foutus ! »). Ca reste cynique, malin et diablement efficace.

Du grand art. Du bon cinéma. Vive la SF !

Ma note : 4,25/5


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