Une blonde, les Hilton et moi

Par Pierre-Léon Lalonde
Si vous étiez sur une autre planète ces dernières semaines peut-être ignorez-vous le retour d'une des plus belles plumes de la blogosphère francophone. Les fameuses Chroniques Blondes sont effectivement de retour pour notre plus grand bonheur. On devient vite accroché à la douce ironie qui anime les mots qui s'y retrouvent. C'est toujours d'une telle finesse et d'une telle subtilité qu'on a toujours l'impression d'être un peu plus brillant après avoir lu ces jolis billets. De vrais petits bijoux d'écriture. Ce n'est donc pas une surprise que l'auteure s'est vue offrir de tenir une chronique hebdomadaire dans les pages du Journal de Montréal. Elle nous y dévoile une autre facette de son talent. Elle s'y dévoile sous un nouveau jour. Elle s'y dévoile au grand jour. Et si j'en parle ce matin, ce n'est pas juste parce Geneviève Lefebvre est une amie, j'en parle parce qu'on aurait tort de se priver d'un aussi beau talent.
Son texte de mardi dernier sur les frères Hilton dans toute leur déchéance était d'une justesse à faire rougir tous les Réjean Tremblay de ce monde. Il m'a rappelé ces deux anecdotes.
La première se passe alors que l'ancien Forum accueillait encore les matchs de nos glorieux et où l'on présentait les galas de boxe. Le stand de taxi était attenant au temple sur la rue Lambert Closse et j'y attendais ma prochaine course. Arrive alors une femme qui monte derrière. Elle est accompagnée de Dave Hilton qui vient tout juste de remporter son combat. Il a le visage tuméfié et ses mains sont encore bandées. La femme l'embrasse et le boxeur vient ensuite s'accoter dans la fenêtre du passager pour me dire que j'ai tout intérêt à prendre soin de son épouse. Sa demande ressemble plus à une menace qu'à autre chose. Cette course date d'un sacré bail, mais je me souviens encore que ma passagère n'avait pas desserré les dents jusqu'à Dorval. Je l'avais déposée devant un bloc appartement assez miteux.
J'avais trouvé ça d'une tristesse...
L'autre anecdote se déroule encore une fois dans le centre-ville. Je suis au coin de Peel et Sainte-Catherine quand je vois un couple de l'autre bord de l'intersection. J'arrive à leur hauteur et la fille me demande d'ouvrir ma fenêtre. Par celle-ci, elle me file un trousseau de clés en me demandant de les rendre à mon passager qui a pris place derrière moi, quand il sera arrivé chez lui. Pas de problème, je démarre le taximètre et décolle en destination d'une adresse que j'ai oubliée depuis.
Je n'ai pas si tôt tourné le coin de Metcalfe que mon passager me baragouine quelque chose que je ne saisis pas. Il est en boisson pas à peu près et je n'arrive pas à comprendre ce qu'il me dit. C'est alors qu'il me prend par le collet de la chemise et il m'ordonne d'arrêter le « fucking cab»! C'est là que je l'ai reconnu. Alex Hilton dans toute sa splendeur éthylique qui veut ravoir les clés de son char. Ça ne fait pas de doute que le gars n'est pas capable de chauffer, mais ça en fait encore moins qu'il va me sauter dans la face si je ne lui redonne pas son trousseau.
— Do you know who I am ? Do you want to fight? Me répète-t-il une couple de fois.
Calmement, je lui ai répondu en lui rendant ses clés : Yes et No... Il était sorti du taxi en me donnant bizarrement un pourboire démesuré. Très certainement plus pour frimer et me fermer la gueule que par politesse. Un mot qu'il devait ignorer.
J'avais trouvé ça d'un pathétique...