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Malade depuis plusieurs mois, le violoncelliste Mstislav Rostropovitch vient de s'éteindre à l'âge de 80 ans. Lorsqu'un violoncelle se tait, il semble que le monde devient soudain silencieux, que quelque chose a changé imperceptiblement. C'est la musique qui est en deuil, ce soir, de l'un de ses plus prestigieux archets. Rostropovitch possédait un toucher unique, une musicalité qu'il devait à une technique parfaite et à une extraordinaire capacité d'interprétation. Rarement violoncelle n'aura chanté aussi bien, n'aura émis des phrasés aussi subtils et profonds. Heureusement, les disques nombreux enrégistrés par l'artiste nous permettront de ré-entendre quelques-unes de ses plus admirables exécutions de la musique ancienne et contemporaine, car le violoncelliste s'était aventuré dans les partitions les plus variées.
Homme d'engagement et de convictions, ami fidèle de deux compositeurs critiqués par Staline, Prokofiev et Chostakovitch, il accueilla également chez lui en septembre 1970 l'écrivain dissident Alexandre Soljenitsyne et n'hésita pas à défendre sa cause par une lettre ouverte qui lui vaudra sa disgrâce en URSS et le contraindra à l'exil. Déchu de sa nationalité soviétique, il gagna l'Europe avec son épouse, la célèbre soprano Galina Vichnievskaïa, et devint un citoyen du monde occidental, donnant dans toutes les capitales de nombreux concerts. Il ne reviendra dans son pays natal qu'en 1990.
Né à Bakou en mars 1927, Rostropovitch commença très jeune l'étude du piano, puis du violoncelle, avant d'entrer au conservatoire de Moscou, où il suivit les cours de Chostakovitch. Distingué rapidement pour ses dons exceptionnels, il remporta les concours les plus prestigieux et fut même gratifié du Prix Staline en 1951 et 53 et du Prix Lénine en 1964 et 66 comme " Artiste du peuple de l'URSS".
Pour autant, le musicien ne se contentera pas d'être le plus grand violoncelliste de la seconde moitié du XXe siècle, mais s'attachera également à la direction d'orchestre et mettra son talent au service des oeuvres issues du patrimoine russe. Il venait de fêter ses 80 ans au Kremlin, invité par Poutine et entouré de 800 invités. Les temps ayant changé, n'était-il pas considéré aujoud'hui comme l'une des gloires de la Russie ?
On se souviendra de lui à plusieurs titres : comme musicien remarquable mais, tout autant, comme homme de courage qui osa défier la dictature communiste. Il restera dans l'histoire un défenseur des libertés et personne n'oubliera sa silhouette improvisant un concert devant le Mur de Berlin en novembre 1989 dans une atmosphère de liesse et de recueillement. En lui s'unissaient, en une harmonie rare, le musicien de génie et l'homme de coeur. Adieu Slava...