Toujours à la pointe des événements BD de la Capitale, j'ai assisté à la conférence organisée par le magazine l'Histoire et l'éditeur Dargaud sur Néron en BD : histoire et fiction dans Murena. Cela se passait mercredi 4 novembre de 18h00 à 20h00 dans l'amphithéâtre Descartes de la Sorbonne à quelques jours de la sortie du T.7 de Murena de Philippe Delaby et Jean Dufaux. Voici quelques notes, la bande annonce du nouvel album et le reportage filmé réalisé par Dargaud. Devant un public trop peu nombreux - une cinquantaine de personnes - Olivier Thomas a animé un débat sur Néron en BD avec le dessinateur Philippe Delaby, Claude Aziza, maître de conférences émérite de langue et littérature latines, François Chausson, professeur d'histoire romaine à l'université Paris-I, Pascal Ory, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris-I et Audy Rodriguez, doctorant à l'université Paris-I. Peut-être cette affiche très universitaire a fait peur à une partie des amateurs. Ils ont eu tort. Il ne s'agissait pas d'un cours magistral mais d'une conversation intéressante et vivante sans polémique inutile autour de l'œuvre de Jean Dufaux et Philippe Delaby, élargie à la BD historique en particulier sur l'Antiquité.
L'ouverture d'Olivier Thomas donnait d'ailleurs le ton en s'interrogeant sur le numéro spécial de l'Histoire sur Murena tiré à 40.000 exemplaires : le magazine est-il devenu farfelu ou la bande dessinée est-elle devenue très sérieuse ? Ni l'un ni l'autre évidemment, mais la BD historique a évolué au cours des années comme l'analysent Claude Aziza et Audy Rodriguez. Pour le premier, la BD historique a suivi les programmes scolaires (donc du côté des Gaulois) jusqu'aux années 70 avant de s'en affranchir et de revisiter les mythes de l'Antiquité. Pour le second, on pourrait classer les BD sur l'Antiquité en cinq catégories : Antiquité reconstituée (Astérix, Alix..), dans le monde contemporain (comics américain), façon science-fiction (le Dernier Troyen), imaginaire ou composite (Myrkos).
La série Murena dont 6 tomes sur 12 sont déjà parus et dont un quatrième cycle sur l'incendie de Rome s'ouvre le 13 novembre appartient bien sûr à la BD réaliste reconstituée et post 1970. Philippe Delaby a rappelé la genèse de cette création. Après avoir rencontré Jean Dufaux lors d'une exposition d'originaux, ils discutent ensemble dans un restaurant italien de Bruxelles de leurs envies de BD. Influencés par les péplums et les lectures de leur adolescence ils évoquent la Rome antique et rapidement naît l'envie de raconter l'histoire de Néron, non pas comme un livre d'histoire mais au travers d'un héros fictif, Murena. Pour représenter Néron, Philippe Delaby a utilisé la statuaire mais aussi tenté avec son scénariste à en faire un être sensible, sans doute né dans une mauvaise famille, pas vraiment destiné à devenir empereur. François Chausson trouve le résultat particulièrement crédible et fidèle. Et les universitaires d'ajouter combien la représentation de Néron a été au cours des siècles influencé et sans doute biaisée par l'Eglise catholique, qui a exagéré la pourchasse des premiers chrétiens.
Lors du débat, Philippe Delaby explique pourquoi ils ont choisi des couvertures sous forme de statues. Outre l'idée qu'elles fonctionnent bien, elles se réfèrent aussi au générique du film Spartacus. Pour ce qui concerne les femmes dépeintes dans la série, Philippe Delaby a avoué qu'il avait besoin qu'elles le séduisent. Outre les iconographies existantes, il s'est inspiré de Carole Bouquet pour Agrippine et Sophia Loren pour Poppée. C'était moins évident pour Actée qui d'ailleurs contrairement à la fiction à survécu à Néron. Enfin, le T.7 dont je reparlerai très prochainement évoque l'incendie de Rome qui contrairement à la légende n'est sans doute pas dû à la folie de Néron.
Au total deux heures denses et passionnantes après lesquelles des collectionneurs et marchands n'ont pas pu s'empêcher de faire signer leur album. Le prochain rendez-vous est prévu à Blois durant le festival BD Boum avec le magazine Casemate le 21 novembre à 15h00 au bar du Chapiteau. L'album sera lancé officiellement le 13 novembre au Virgin Mégastore des Champs-Elysées. Enfin une exposition-vente se tiendra du 28 novembre au 16 décembre 2009 à la Galerie des Arts Graphiques (4 rue Dante - 75005 Paris).
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photo Philippe Delaby © Catherine Lambermont - Dargaud
Bande-annonce Murena "La Vie des Feux"
Murena - T.7 : la Vie des Feux - de Philippe Delaby et Jean Dufaux - Dargaud - 13 novembre 2009 - 11,50 €