Il est là, et comme à chaque fois, sa voix nous enveloppe d’un voile chaud, ce timbre quasi quotidien, tant il est présent dans les publicités ou les reportages animaliers. Il nous présente son personnage, Marc, se chauffe la voix sur quelques tirades, prend possession de la scène, et c’est peu dire. Il s’encre en nous de façon indescriptible, et nous tient en haleine du premier regard jusqu'à la dernière ovation. Sa séduction naturelle habille son visage d’un lifting permanent. La scène, agrémentée de pelouse et de bosquets, est un personnage à part entière, lieu d’une symphonie pastorale rythmée par les joutes verbales et les affrontements entre deux hommes pour une même femme.
Pierre Arditi est de ces comédiens qu’il faut avoir vu sur scène pour l’apprécier dans sa véritable dimension. Ne comptez pas sur une retransmission théâtrale en direct pour en saisir les finesses d’interprétation et de jeu. Ici, on ne badine pas avec l’amour, on le respire. On ne simule pas une rupture, on la vit. François Berléand joue Félix, l’ami d’enfance, gauche, cynique et manipulateur, Sylvie Testud, la compagne de Marc, est Hélène, une jeune femme à l’amour certes décennal, mais provisoire et adolescent. Elle aime un peu, beaucoup, passionnément, plus du tout. Félix est l’ami de toujours, victime de l’attrait de la jeunesse. Va-t-il réussir à sauver l’amitié ? Hélène est le soleil de leurs vies d’hommes, mais est aussi le cœur de leurs mensonges et rivalités, va-t-elle réussir à le quitter, et à devenir une passagère de l’amour et de la nuit ?
Certains silences habillent aussi bien les acteurs que leurs dialogues savoureux, et profondément humains. Les retours vers le futur et les avancées dans le passé rythment et allègent la mise en scène, et permettent aux acteurs de se rejoindre pour soliloquer.
Quoi de plus savoureux que de les voir tous trois se donner la réplique, perdus dans les couloirs du temps. Le trio, l’homme la femme et l’amant, éternel terrain d’études et d’inspiration, la rupture, tendance urbaine et pendant indispensable à la rencontre, l’amitié, alliée de toute une vie ou sentiment provisoire ? Tout se joue sur un gazon, non maudit, lors d’une charmante et longue nuit d’été.
Sentiments provisoires au Théâtre Edouard VII
Auteur : Gérald Aubert
Metteur en scène : Bernard Murat
Avec Pierre Arditi, François Berléand, Sylvie Testud