Magazine

Un site propose que vous dénonciez vos collègues

Publié le 05 novembre 2009 par Baptiste_l06

Hier soir, dans Le Point on pouvait lire « dénoncer les pratiques de ses collègues via un site Internet, en l’occurrence ethicspoint.com, c’est aujourd’hui possible pour les salariés du fabricant de prothèses Benoist Girard, filiale de la société américaine Stryker. Mais, saisi par le CE de la société, le tribunal de grande instance de Caen dira jeudi si la société doit interdire ou non cette pratique ». Voyons cela de plus prêt.

FireShot capture #002 - 'EthicsPoint Hotline and Case Management Solutions' - www_ethicspoint_com

Des relents de 1940? En tout les cas un encouragement à la délation, à ce que tout le monde se méfie de tout le monde, à ce que tout le monde puisse salir n’importe qui par de la diffamation. Ce n’est pas vraiment mon idéal de société. Ce n’est vraisemblablement pas l’idéal de la France non plus, puisque la CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté) « veille au grain » grâce à la loi informatique et libertés de 1978. D’après Luc Peillon seuls les champs autorisés par la CNIL, donc relatifs aux questions financières ou de corruption, sont accessibles sur le site France.

Ce journaliste avait publié le 29 octobre dernier sur Libération, un article intitulé « Un procès contre les corbeaux au travail » traitant de l’abus d’un « dispositif d’alerte professionnel » sur Internet jugé aujourd’hui en référé. Sans parler du cas « moral » ou de l’idéal que l’on souhaite pour la France, ce sujet pose la problématique de la portée de la légalité d’un site de dénonciation: « dans quelles limites peut-on dénoncer, en toute légalité, son collègue via Internet ? ».

Cette question trouvera écho en mi-novembre si l’on en croit toujours le même article: « La décision judiciaire d’aujourd’hui en référé puis le délibéré, mi-novembre, de la Cour de cassation sur le cas Dassault (qui a développé un dispositif similaire) devraient permettre de fixer la jurisprudence sur ce thème, jusque-là peu tranché par les tribunaux ». Nous soulignerons le nom de la société française qui s’est aventurée sur ce terrain: Dassault, dont le patron est l’industriel Serge Dassault lui même qui contrôle entièrement Socpresse (« Son fleuron est le quotidien national Le Figaro »).

Bien qu’en France, nous l’avons vu, certains (délégués syndicaux, CNIL, citoyens, …) veillent à ce qu’il n’y est pas de dérive, la problématique est que les sites sont multilingues, qu’Internet pose des contraintes internationales, comme c’est la cas pour ethicspoint.com, hébergé en Irlande. Ainsi:

« Le « dispositif d’alerte » en question a été légalisé aux États-Unis par la loi Sarbanes-Oxley dans le but de traquer les scandales financiers, au lendemain de la faillite d’Enron ».

Nous nous retrouvons, à ma connaissance, avec pour seule garantie une déclaration d’engagement de la société concernée: Stryker « s’est engagée à respecter les lois du pays pour traiter les données qu’elle reçoit » (propos tenue par l’avocate de Benoist Girard, Me Maryvonne Pouchin-Redmann).

Seulement ce n’est pas la seule problématique légale soulevée. Toujours sur ce site, nous trouvons un champ « autres », qui laisse le délateur dire ce qu’il veut, comme il le veut sans aucun autre cadre que ce mot « autres ». En plus de cela, nous pouvons souligner que bien entendu le site n’envoie strictement rien pour prévenir la personne intéressée sur qui on envoie le rapport.

Autant de problèmes moraux, historiques, légaux et éthiques qui méritent de faire circuler l’information afin de réfléchir sur la question.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Baptiste_l06 552 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte