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"Vatan Boulay, je n'ai pas eu mon Cotat de Pinard Bourgeois" : quand Francky, le docteur es Sancerre brade ses petits Bordeaux

Par Maigremont

Une invitation à pendre la crémaillère chez Marie et Franck dans leur tout nouvel appartement et c'est l'équipe rapprochée des normands de LPV qui se retrouve cette fois-ci pour :
- la première partie : découvrir à coup sûr les meilleurs crus de Sancerre et Pouilly-Fumé
- la deuxième partie : aider Franck qui a un problème de conscience sur les vins de Bordeaux : il n'en veut plus de ces petits Bordeaux, il en a marre d'être pris pour un jambon et crie au scandale alors que les prix n'ont pas cessé d'augmenter depuis quelques années.

Les vins sont bus à l'aveugle, accompagnés des préparations culinaires de Marie et Franck.

Mise en bouche, pour patienter après les petits derniers et un Pouilly-Fumé 99, "la Demoiselle de Bourgeois" Henri Bourgeois. Joli nez est truffé, accompli, sur des notes crayeuses. Mais la demoiselle paraît un peu fatiguée en bouche et elle semble un peu fripée après quelques années.

Petits canapés à base de produit de la mer... et autres petites choses bien bonnes

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A partir d'ici, les vins sont servis par paire.
Sancerre 2007 Vieilles Vignes "Cuvée Maxime" Vincent et Jean-Yves Delaporte. Bergamote, fenouil et ouvert au nez. Bouche à l'attaque perlante, sur le coing et un fond minéral. Bien +
Sancerre 2006 "les Monts Damnés" Gérard Boulay. L'ensemble est plus en retenu. Malgré cela, on devine des notes de feuilles sèches avec une minéralité sous-jacente. Bien en l'état, dans un registre différent du Delaporte. Moins à son aise que d'habitude (phase de fermeture ?) mais taillé pour durer.
Delaporte est une belle découverte

Sur Hell's Bells de AC/DC, arrivent les vins suivants : petit fond végétal, registre exotique mur et complexe. La bouche est imposante et on joue avec la limite de sur-maturité comme un joueur de tennis joue le long des lignes : mais il ne tombe pas dans la lourdeur, bien au contraire. Un magnifique Sancerre 2007 "Chêne Marchand"  de Vincent Pinard. Face à lui, un vin qui ressemble au "Monts Damnés" de Gérard Boulay que l'on vient de terminer : notes de bananes, assez en retenue toujours avec ce fond minéral. Très belle finale saline. C'est encore un Sancerre 2007 de François Cotat. Il s'agit ici de jeunes vignes de 15 ans situées sur la commune de Chavignol. Dans l'état, c'est bien, mais à attendre bien gentiment

A ce stade, vous l'aurez compris, Franck nous régale avec des vins issus de son terrain de jeu favori : le Sauvignon sous forme de Sancerre. Mais connaissant l'artiste, il ne serait pas idiot d'y retrouver quelques sauvignons de Pouilly-Fumé.

Entrée en fanfare des fois gras fermiers...

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Nous apprenons que Franck est un grand amateur de poivre. Il nous propose quelques beaux spécimens de  cette épice.

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Du coup, Vincent tranche son foie gras en 5 et
testera 5 poivres différents

Et nous apprenons aussi qu'il apprécie la compagnie de petites bêtes rampantes dont ne raffole pas les dames (ni les hommes d'ailleurs)

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Les mygales !! Ici, une mue intacte

Autre match. Exotique sur fond minéral, avec une petite déficience de maturité. Bof pour ce Sancerre 2000 de Henri Bourgeois. Et comme un bourgeois peut en cacher un autre, la rincette tout de suite : là, le nez superbe marqué par l'iode, la coquille d'huitre, très pur, très mûr avec une pointe truffée. La bouche est agréable, avec du gras et de l'allonge, mais manque pour ma part d'un peu de puissance. Bien tout de même ce Sancerre 2003 "Etienne Henri" de Henri Bourgeois, Vieilles Vignes de 50 ans élevées en fûts de chêne.

Le nez du premier est serré, sur l'ananas avec une jolie minéralité et un fumé enjoleur. Bouche à l'attaque saline sur une très grande longueur. Bien +. Et puis il y a ça : un nez avec des analogies de Riesling et ses notes citronnées, mûr, classe évidente. En bouche, c'est mûr, l'acidité est superbe, c'est d'un équilibre magistral avec des touches de poivre blanc. Très bien. Il faut bien terminer les blancs : il s'agissait d'un Sancerre 2007 "Grande Côte" de Pascal Cotat et le petit dernier n'était rien moins que Pure Sang 2007, Pouilly-Fumé du regretté Didier Dagueneau ! A la hauteur de ce qui ce dit sur le domaine.

Puisqu'il faut passer du côté obscur, nous le faisons volontiers ;-). Toujours par paire... Il y avait un premier plat de viande : un oiseau à plumes accompagné d'une purée maison carotte pomme de terre. Pendant ce temps, Pierre entame sa 7 tranches de foie gras...

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Du fruit en paquet de dix, rose fanée, faisant penser à une vendange entière. Toucher de bouche qui peut heurter la sensibilité de certain (on pourrait penser dur), mais j'aime beaucoup cette mâche d'enfer limite poignante sur la griotte et la cerise à l'eau de vie. C'est un Fixin 1er cru "les Hervelets" de Jérôme Galeyrand. J'ai eu l'occasion de goûter de nouveau ce flacon le lendemain (je suis reparti avec, hihi) et bien son contenu était encore meilleur, d'une gourmandise redoutable. En face, l'autre version du pinot noir : crémeux, sur le cassis, de belle facture, soyeux et fin. C'est bien fait, précis et hautement recommandable, mais ce Chambolle-Musigny 2006 d'Amiot-Servelle est à boire... mais pas maintenant.

Franck nous indique que les sols des vins qui suivent sont faits de silex rouges. Belle profondeur, du fruit et un peu d'élevage (fraise et zan), un peu simple mais correcte. Son concurrent est tout autre : fruit intacte, posé sur une fraîcheur mentholée, droit et soyeux. Très beau. Encore deux Sancerres : "la Bourgeoise" 2006 de Henri Bourgeois VS "Belle Dame" 2006 du domaine Vacheron.

Nous changeons de région, sans changer de cépage. 2 Grand crus de Bourgogne, qui ne m'ont pas particulièrement marqués. D'une part un Clos de Vougeot 2000 du domaine Tortochot : dans un registre d'encens, de tabac froid et frappé d'une austérité déconcertante. D'autre part, ce même domaine Tortochot, millésime 2000 également, montrant ses origines avec un côté terrien marqué : humus, sous bois. C'était un Chambertin. ll ne m'a pas plus ému que ça aussi.

Petite interlude à cette dégustation. Vous avez certainement entendu parler de "l'affaire Reignac", ce Bordeaux Supérieur qui a tenu la dragée haute avec le 2001 à bien des (très) Grands Crus de Bordeaux de la même année ? L'affaire s'est déroulée lors du Grand Jury Européen qui compte parmi la liste des dégustateurs, de bien grands critiques et hommes influents. J'avais apporté le 2007, dernier millésime disponible à la vente et tenté d'obtenir quelques avis de nos amis ici réunis. Il s'agit d'un vin d'une grande jeunesse, habillé d'un élevage assez présent, mais pas tapageur, plutôt fondu. La matière est juteuse avec des notes de graphite mais une finale étonnamment courte. Pour 12 € c'est correcte, mais faudra-t-il attendre 8 ans pour qu'il mette la pige aux Mouton-Rothschild ou encore Pétrus ? Et tout simplement sera-t-il au niveau qu'on semble nous faire espérer ?

Le bœuf fait son entrée accompagné d'un autre match. Le premier vin me fait penser à un Pauillac. Il est classieux, fait de rose, encre d'école. Muni d'une jolie acidité, le vin est plein et offre une belle et longue finale sur un élevage soigné. Un très beau St Julien Château Beychevelle 2001. A côté, ça sent aussi le grand vin : il est dense,  pêchu, crémeux à souhait, épicé et un équilibre parfait ! La finale remonte et remonte encore. Excellent et beaucoup de plaisir avec ce St Emilion Grand Cru 2001 du Château Canon la Gaffelière. Une surprise : personne ne l'attendait à ce "Haut" niveau.

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Les deux vins qui suivent sont servis dans la foullée. Une déception relative avec ce Pomerol 2001 du Château la Conseillante : pas au mieux concernant l'équilibre général, avec des tanins relativement durs. Mais en face, La Mission Haut-Brion 2001 (Pessac-Léognan) montre une tout autre facette : nez serré et classe, bouche dotée d'une tension remarquable avec des notes de goudron et de fumée. Excellent.

Canon, la Mission, puis Beychevelle : c'est le tiercé gagnant de cette séquence 2001. Mais c'est juste le mien !

Franck voulant nous fait la surprise de nous faire déguster un cru qu'il affectionne particulièrement : nous ne le savons pas encore, mais Mouton-Rothschild 1999 est débouché au pied levé et versé dans nos verres. Il livre de magnifique effluves de violette et les touches d'élevages comme le cèdre et le café sont assez homogènes. Malgré le peu d'air qu'il a reçu, on sent une matière mûre très jeune, des tanins fins mais ne s'exprime pas d'une façon très complexe. Il semble y en avoir gros sous la pédale.

Dernier rouge et soudain, c'est la claque. J'ai eu envie de passer le reste de cette belle journée à humer le contenu du verre, tellement c'était beau ! Le nez s'exprime avec bonheur et sans retenue  et une complexité sublime sur la rose fanée, des senteurs d'antiquaire comme la térébenthine et le vieux bois, la groseille, la fraise et des notes florales et foxées. La bouche n'est pas en reste : elle est pleine, et apparaît comme posée et d'une fraîcheur insolente. On retrouve également des touches de fumée et de boite à cigare. Le velours qui est en bouche est absolument génial ! Un très très grand vin, qui m'a  séduit par son calme et sa force tranquille.

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Dans mon panthéon des rouges. Un GRAND merci Franck pour cet Ausone 1990, St Emilion Grand Cru.

Viennent ensuite 2 blancs pour les fromages. D'abord un Vougeot 1 er Cru 2004 "le Clos Blanc de Vougeot", Monopole du Domaine de la Vougeraie. Un joli Bourgogne sur des notes de pêche, de miel et de chamallow. On trouve en bouche une matière bien mûre et une acidité citronnée. L'autre vin était une "Grande Cuvée" 2005 de Sancerre du Domaine Comte Lafond (Ladoucette) qui m'a marqué par son déficit de maturité. Bof

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Et puis non tiens, un dernier blanc pour la route. Nous savons tous ce qui est servi. Citron et fond minéral

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évident au nez. Fine et longue acidité sur l'ananas. J'ai noté bien, mais ce que je retiens, c'est le potentiel de ce Silex, Pouily-Fumé 2007 de Dagueneau.

Et quel plaisir de terminer avec ce liquoreux : belle robe dorée, couleur citron. Le temps semble avoir fait son œuvre sur l'intensité des arômes, mais la bouche n'en reste pas moins crémeuse et d'une belle tenue sur un rôti plutôt fin. C'était un Sauternes 1970 du Château le Tour Blanche.

Mes zamis, quelle journée ! Merci Marie, merci Franck, vous êtes zinzin de nous avoir gâtés comme ça ! Votre crémaillère était une grande réussite et avec ça, votre appartement est maintenant béni.

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