Débonnaire, J.L. Mélenchon dispense une petite leçon de Web participatif dans un bar branché de la capitale. Son espace “à lui”, son blog qu’il présente et qu’il distingue nettement du parti de gauche. Un espace où “il fait ce qu’il veut”, où tous les convives sont tenus à l’argumentaire sous peine de bannissement. Ce n’est pas le “jet lag” dû à son retour du Panama qui empêchera ce tribun de digresser comme il l’affectionne. Une volée de bois vert au plagiaire E. Besson et son équipe “d’incapables”, quelques mots sur son mandat, les élections régionales en ligne de mire et l’Amérique du Sud, une terre exaltante d’expériences sociales.
Dans le fond, il n’y a que deux manières de lire l’action politique de J.L. Mélenchon. Certains le perçoivent comme un opportuniste qui, à la faveur du débat constitutionnel sur le TCE est passé du statut de paisible sénateur socialiste à la posture du leader de la cause du peuple contre l’oligarchie bruxelloise, et qui plus tard, a réussi son OPA sur le Parti communiste. Dans cette dynamique, il souhaite pousser son avantage jusqu’à reproduire l’opération avec le Nouveau Parti Anticapitaliste. D’autres voient en lui un homme dont les convictions n’ont guère varié, de ses premiers combats universitaires pour le PCI à la fondation de son Parti de Gauche. Les deux se confondent tant J. L. Mélenchon semble être un redoutable stratège politique.
Aujourd’hui, J.L. Mélenchon suit les pas d’O. Lafontaine, ancien taulier de la Social-démocratie allemande, qui avec son mouvement Die Linke a débordé le SPD sur sa gauche et l’a plongé dans une crise sans précédent. Mais l’objectif du député européen du Grand Sud Ouest n’est pas de “moraliser le PS”, ni de le “métamorphoser” mais d’imposer une “refondation de la gauche” dont il prendrait le leadership. Visiblement il n’attend plus rien du parti de centre gauche dont il rappelle les tentations centristes par des alliances avec MODEM. Selon ses proches, il s’est transfiguré depuis la rupture. Il respire un nouvel air, celui de la liberté et de nouveaux idéaux politiques.
Mais après tout peut-on lui en vouloir ? Il a durant des décennies tenté d’influer sur la ligne directrice du PS, de la Nouvelle École Socialiste à la Gauche Socialiste, il a multiplié les tentatives. Aujourd’hui, il n’est plus décidé à regarder en arrière. Son obsession, c’est “talonner le PS” afin de “devenir la formation qui dispute la tête de la gauche”. Malheureusement pour lui, le NPA se fait désirer, les “discussions unitaires” en vue des régionales n’ont pas donné pour l’instant, les résultats escomptés. Pourtant, il s’agit d’un enjeu politique crucial, “les régions doivent devenir un pôle de résistance à la droite”. A titre personnel, il ne s’interdit rien, en particulier la tête de liste aux régionales en Île-de-France, il badine “la région parisienne, ça m’intéresse, après tout j’ai été élu là bas durant 25 ans”. Et dans cette perspective se déclare non cumulard.
Hier soir, J. L. Mélenchon était donc forcément angoissé, “pourtant si on rassemble, on va faire un carton” lançait t-il un brin bravache. La décision interviendra ce week-end lors du conseil national du NPA, avant une réunion avec O. Besancenot qui aura lieu le mercredi 11. Maussade, il maugréé qu’”Il serait bon qu’ils abrègent nos souffrances”. Déterminé et combatif, “si ce n’est pas cette fois-ci nous essayerons, encore…”
L’ancien sénateur de l’Essonne multiplie les voyages en Amérique Latine afin d’aller à la rencontre de ce continent qui n’a pas renoncé à sa part d’utopie. Quand il parle du Président Colombien E. Morales, J. L. Mélenchon se prend à rêver à haute voix, “on lui donnait même pas 5% et au final, il a été élu au 1er tour avec 53% des voix”. De rencontres en rencontres, ce cofondateur de l’Institut Bolivar cultive son ouverture vers le monde et tente de relever les expériences réussies afin d’en tirer les leçons.
Lorsqu’il revient en France, c’est donc naturellement avec une certaine émotion qu’il évoque le thème de l’immigration qui pour lui représente toujours une “déchirure”. Il refuse le débat sur l’identité nationale et réaffirme le droit du sol, « ces discussions doivent s’arrêter à la carte d’identité, si vous en rajoutez, vous ne serez plus en mesure de maitriser les dérives que cela va engendrer. ». Les périodes sombres sont propices à ce type de thématiques, pour J.L. Mélenchon, un seul slogan acceptable “faire France de tout bois !”. Accueillir tout ceux qui le veulent. Aujourd’hui il semble épanoui et sincère lorsqu’il évoque son bonheur d’être à “l’intersection entre les travailleurs et le peuple français, pas celui qui se pose des questions sur son identité mais celui qui l’accomplit dans sa bataille sociale et républicaine.”
J.L. Mélenchon assume son image de grande-gueule, de bateleur des sans voix comme il le dit lors de l’émission web “arrêt sur image“. Il se dit aussi prêt à changer de stratégie si cela s’avère nécessaire, car “La civilisation de l’image n’a pas de mémoire”. Stagner à 6% aux élections ne fait visiblement pas partie de son programme. Il fait remarquer que le mauvais score des Européennes s’inscrivait dans un scrutin à forte abstention. C’est évidemment de ce côté-là que ce briscard de la politique tourne son regard malicieux.
Reversus & Vogelsong – Paris – 6 novembre 2009
Son : Intox2007