Habitués aux victoires, les Yankees de New York n’avaient plus remporté une Série Mondiale depuis 2000 et pas disputé l’ultime série depuis 2003. Il semblait que la fin de la malédiction du Bambino ait renversé le rapport de forces entre les Red Sox et les Yankees. Mais cette année, les New Yorkais ont repris le dessus. Ils devaient cependant franchir un obstacle : le champion sortant, les Phillies de Philadelphie. Un duel en couleurs entre la franchise la plus victorieuse et celle qui est tentante du titre et aussi celle qui a perdu le plus de matches dans l’histoire de la MLB. Retour sur la Série Mondiale.
En route vers la Série Mondiale.
Je vous avais laissé après le premier tour des séries. Les finales de Ligue ont vu les Yankees dominer les Angels de Los Angeles par 4 victoires à 2. Emmenés par un extraordinaire C.C. Sabathia, les Yankees ont enlevé les deux premières manches à domicile (4-1 et 4-3). A Anaheim, les Angels sont revenus en gagnant le match 3 (5-4) mais Sabathia a une nouvelle fois servi une soupe indigeste aux frappeurs californiens dans le match 4, victoire 10-1. Los Angeles pouvait encore y croire après une nouvelle victoire à l’arraché (7-6). New York retrouvait la Série Mondiale après 6 ans d’absence en gagnant le match 6 (5-2).
Quant aux Phillies, ils retrouvaient les Dodgers de Los Angeles, l’autre équipe de la métropole californienne. Cette affiche était la revanche de la finale de la Ligue Nationale. Philadelphie l’avait facilement emporté. Le résultat a été le même. Cliff Lee était aussi extraordinaire, même un peu plus, que son copain Sabathia. Les Phillies enlèvent le match 1 au Dodger Stadium (8-6) mais les Dodgers égalisent par une petite victoire dans la partie 2 (2-1). A Philadelphie, les champions de la Série Mondiale n’ont pas fait de détail. Lee sert un blanchissage et l’attaque des Phillies a explosé comme il faut avec trois victoires (11-0, 5-4 et 10-4). Pour la première fois depuis 2001, le champion de la Série Mondiale revenait défendre son titre (c’était les Yankees). Quant aux Phillies, ils pouvaient devenir la première franchise de la Ligue Nationale à remporter deux Séries Mondiales consécutives depuis les Reds de Cincinnati en 1975-1976.
La Série.
C.C. Sabathia, Cliff Lee en haut, Ryan Howard et Derek Jeter en bas. Les hommes clés de la Série Mondiale.
Le résultat du match des étoiles avait décidé de l’avantage du terrain. Encore une fois la Ligue Américaine disposait du droit de terminer la série à domicile. De plus, on attendait une série serrée et bien suivie à la télévision. Denver, Tampa Bay, Houston, c’est bien gentil, mais ça ne vaut pas la passion du marché de la Mégalopolis ou de Los Angeles. Les audiences étaient presque garanties. Et même le calendrier tardif n’empêchait pas le déroulement de la Série (seule l’année 2001 a vu la Série Mondiale se dérouler en novembre après le report des matches suite aux attentats du 11/9).
Match 1.28 octobre
Le choc. Deux amis s’affrontent : C.C. Sabathia et Cliff Lee. Les deux lanceurs sont gauchers, ils ont remporté l’un après l’autre le Cy Young dans la Ligue Américaine (2007 et 2008 respectivement) et … avec les Indians de Cleveland (fallait bien quand même !). Ils se sont déjà affrontés en saison régulière : c’était le 16 avril dernier pour le match inaugural du Yankee Stadium. Lee avait remporté la victoire, Sabathia n’avait pas eu de décision car la relève des Yankees avait explosé contre les Indians (défaite 10-2 et le surlendemain le mythique 22-4. Ça fait du bien de se dire des choses comme ça !). Le soir, Sabathia avait invité Lee à souper avec lui.
C.C. Sabathia et Cliff Lee dans l'uniforme des Indians de Cleveland. Ils ont remporté l'un après l'autre dans ce même maillot le Cy Young en 2007 et 2008. S'ils étaient restés cette année, Cleveland aurait certainement pu aller en playoffs.
Et l’honneur vient pour l’invité. Cliff Lee est énorme, comme depuis le début des séries. Il n’accorde qu’un seul point, non mérité, en neuvième manche dans un match complet. Sabathia n’est pas mauvais mais il doit concéder deux circuits à Chase Utley (3ème et 6ème manche). En huitième, les Phillies marquent deux fois contre le releveur Phil Hughes, sur un simple de Raul Ibañez. En neuvième, un simple de Victorino et un double de Ryan Howard ajoutent deux autres points. Les Phillies l’emportent 6-1 et prennent l’avantage du terrain.
Philadelphie : 1 New York : 0
Match 2. 29 octobre
Pour les Yankees c’est déjà un match décisif. Mais ils ont un avantage important : ils ont une meilleure rotation que celle des Phillies. Joe Girardi, le manager des Yankees, avait même choisi de faire tourner à trois partants au lieu de quatre. Sabathia serait ainsi utilisé en cas de septième match et sa facilité de récupération est un de ses atouts.
Pour le moment, A.J. Burnett (autre recrue hivernale à prix d’or) affronte le vétéran Pedro Martinez, un habitué des matches contre les Yankees quand il évoluait pour les Red Sox. Les Philies marquent les premiers : utilisé en frappeur désigné (Dans les matches interligues, la règle qui s’applique est celle de l’équipe qui reçoit donc le DH dans l’Américaine), Matt Stairs frappe un simple d’un point en deuxième manche. Mais c’est là le seul moment de mollesse de Burnett : l’ancien de Toronto et Florida a stoppé les velléités des Phillies. Quant aux Yankees, ils répliquent par leur coup favori, le home run. Le New Yankee Stadium est déjà réputé pour le nombre de balles envoyés dans les estrades : Mark Teixeira en 4ème et Hideki Matsui en 6ème claquent la longue balle en solo pour donner l’avance aux locaux. Appelé en relève au poste de receveur, Jorge Posada frappe un simple en huitième manche qui produit le troisième point des Yankees. La victoire 3-1 permet d’égaliser.
Philadelphie : 1 New York : 1
Match 3. 31 octobre.
C’est Halloween (ici trouille pour Leave). Détenteur du record de victoires en séries avec 16 gains, Andy Pettitte des Yankees doit affronter (même en battant) le MVP de la Série Mondiale 2008 Cole Hamels. Les Phillies commencent bien : Werth frappe un circuit en deuxième manche, puis un but sur balles à Rollins les sentiers occupés donne un deuxième point, un sacrifice fly de Victorino un troisième dans la deuxième manche.
Cole Hamels n’est pas dans sa forme de l’an passée. Est-ce la récente paternité qui le trouble ? En tout cas, il permet aux Yankees de revenir et de passer devant. Alex Rodriguez, enfin dans le coup dans l’après-saison : frappe un circuit de deux points en quatrième (2-3). Pettitte devient même frappeur (il l’était à Houston) pour produire le point égalisateur en cinquième manche (3-3). Dans la même manche, Damon frappe un double qui envoie Pettitte et Jeter au marbre. Hamels dépassé n’a pas fini de lancer et il est remplacé par Happ mais les Yankees mènent 5-3.
New York est en passe de reprendre l’avantage du terrain. Nick Swisher frappe un circuit solo en 6ème (6-3). Jayson Werth répond en fin de ladite manche (4-6) pour son deuxième gros coup de la partie. On se rappelle aussi que les dernières années, les scores étaient bas mais on a là deux grosses équipes au bâton.
Septième manche : Posada frappe un simple qui pousse Damon à marquer (7-4). Matsui claque son circuit (son deuxième de la série) pour le 8-4. En fin de neuvième, Carlos Ruiz le receveur des Phillies frappe son home run mais les New Yorkais ont gagné le match 8-5.
New York : 2 Philadelphie : 1
Match 4. 1er novembre.
Revoilà Sabathia dans la mêlée après 3 jours de repos. Il doit affronter le quatrième lanceur des Phillies Joe Blanton, qui n’aime pas affronter les Yankees.
En première manche, les Yankees marquent deux fois, un double de Chase Utley ramène la marque à 1-2 dans la manche initiale. En quatrième, Pedro Feliz frappe un simple qui permet à Ryan Howard de marquer le point, 2-2.
En cinquième manche, les deux premiers frappeurs des Yankees, Johnny Damon et Derek Jeter frappent des simples d’un point chacun, 4-2 Yankees. En septième, c’est Chase Utley qui claque la longue balle et ramène les Phillies à une longueur (3-4). En huitième, Sabathia a été remplacé, c’est celui qui aurait été le quatrième partant qui se trouve au monticule : Joba Chamberlain. Après deux retraits, il cède contre Feliz qui frappe un circuit solo qui égalise à 4-4.
La neuvième manche fait basculer le match. Au premier but, Damon vole le deuxième, puis le troisième (cas rare). Une situation favorable qui a sans doute changé le cours de la Série Mondiale. En effet, A-Rod frappe un double puis va marquer avec Teixeira sur un coup de Posada. Mariano Rivera n’a besoin que de 8 lancers pour obtenir son 2ème sauvetage de la Série (lui qui a été élu MVP de la Série Mondiale en 1999, le seul releveur à l’avoir été). Les Yankees gagnent le match 4 par 7 à 4.
Double vol de buts par Johnny Damon
New York : 3 Philadelphie : 1
Match 5. 2 novembre.
Pour leur dernier match à domicile, les Phillies n’ont qu’un but, retourner à New York. Mais jamais les Yankees n’ont laissé échapper une avance de 3-1 en Série Mondiale. Mais ils ont déjà laissé échapper une avance similaire, contre les Red Sox en 2004, lors du fameux retour de 0-3 à 4-3 effaçant à jamais la malédiction du Bambino. Le duel oppose Burnett à Cliff Lee, sur qui reposent tous les espoirs.
Ça commence mal pour les Phillies : Rodriguez envoie un double et fait marquer Damon dès la première manche (1-0). Mais dès leur premier passage, les Phillies mènent la vie dure à Burnett. Utley frappe un circuit de trois points (3-1). Trois autres points sont marqués en troisième manche par les Phillies qui chassent Burnett (6-1). New York répond par un seul point en cinquième manche (2-6). En septième, Chase Utley réussit son deuxième circuit de la partie et son cinquième de la Série Mondiale : il égale le record du Yankee Reggie Jackson (Mr October). Ibanez le suit dans la foulée de la même façon, c’est 8 à 2.
Les Yankees reviennent dans les deux dernières manches : trois points en 8ème et un autre en neuvième (malgré un double-jeu sur l’action). La relève des Phillies n’a pas été très solide cette saison mais elle protège la deuxième victoire de Lee dans la Série Mondiale (victoire 8-6).
New York : 3 Philadelphie : 2
Match 6. 4 novembre.
Quelle apothéose pour le New Yankee Stadium. Dès sa première saison, le stade a la chance d’assister à la résurrection de la légende ! Mais il faut terminer le travail et éviter un septième match où Sabathia et Lee en auraient encore décousu même si le premier aurait eu l’avantage de la récupération.
Le match oppose deux lanceurs vétérans : Andy Pettitte chez les Yankees, Pedro Martinez chez les Phillies.
Le ton est donné dès la deuxième manche : extraordinaire dans cette série, Hideki Matsui frappe un circuit de deux points. Ce n’est que le début du show du Japonais. Les Phillies reviennent à 1-2 après un optionnel de Jimmy Rollins en troisième manche. Mais Matsui remet la sauce : cela doit lui rappeler les Japan Series avec les Yomiuri Giants (qui disputent actuellement l’ultime série) et frappe un simple de deux points les buts remplis (4-1).
Hideki Matsui frappe le circuit en deuxième manche. C'est le début du festival qui lui permet de remporter le trophée de MVP de la Série.
Dans la cinquième manche, Teixeira frappe aussi un autre simple d’un point. Le premier but des Yankees finit la saison émoussé. Dans la même manche, Matsui réussit un double bon pour deux points. Avec six points produits, il égale le record dans un match de la Série Mondiale avec Bill Richardson avec les Yankees en 1960. Menés 1-7, les Phillies reviennent un peu avec le premier circuit de Ryan Howard de la Série Mondiale, pour deux points. Mais c’est trop peu : envoyé en fin de huitième manche, Mariano Rivera complète la rencontre. Victoire 7-3 pour New York.
New York Yankees battent Philadelphie Phillies par 4 victoires à 2 (1-6, 3-1, 8-5, 7-4, 6-8, 7-3)
C’est fini, les Yankees ont remporté leur 27ème Série Mondiale, 9 ans après la précédente, soit une éternité pour une franchise qui a gagné une Série Mondiale sur trois disputées depuis son premier titre en 1923 jusqu’à 2000.
Avec une moyenne de 0.615 avec 3 circuits, 8 points produits dont 6 sur le dernier match, Hideki Matsui est le premier Japonais qui remporte le titre de meilleur joueur (MVP) de la Série Mondiale. A 35 ans et en fin de contrat, c’est un autre couronnement pour ce joueur qui revient de longs pépins physiques en 2008 et qui joue désormais Designated Hitter.
Hideki Matsui MVP des Séries Mondiales 2009
Quant aux Phillies de Charlie Manuel, ils ont proposé une belle résistance dans une série qui a été bien plus plaisante que les précédentes. Le manager l’a reconnu, les Yankees étaient meilleurs.
La victoire des Yankees n’est pas une surprise quand on regarde l’effectif mais nombreux étaient les sceptiques en début de saison. Papy Steinbrenner avait sorti son chéquier et 440 millions de $ pour faire venir Sabathia, Burnett et Teixeira. Mais le choix a été juste, surtout qu’il n’accroissait pas la masse salariale autant que cela. En effet, ces joueurs qui ne sont pas encore trentenaires remplaçaient des vétérans aussi bien payés. La jeunesse a primé.
Alex Rodriguez a enfin répondu aux attentes. Mais la présence de Mark Teixeira au troisième rang l’a bien aidé. Les lanceurs adverses devaient être appliqués pour éliminer l’un et l’autre. Énormes eux aussi, les deux premiers dans l’ordre des frappeurs : Johnny Damon, celui qui a réussi un double vol de buts décisif et le capitaine, l’emblématique Derek Jeter. Enfin on citera Jorge Posada qui a frappé quand il faut. Robinson Cano a été plus en retrait, Nick Swisher a fait du Swisher, c’est-à-dire la frappe « tout ou rien ».
Les lanceurs partants des Yankees n’étaient que trois mais ils étaient meilleurs que les quatre de Philadelphie. Cliff Lee a remporté les deux victoires. A Philadelphie, Chase Utley a été énorme mais Ryan Howard n’a pas été à la hauteur de ses prestations dans les tours précédents. Ibanez et Werth ont été utiles à l’attaque mais le personnel de lanceurs des Phillies a beaucoup manqué de solidité, laissant la place aux frappeurs des Yankees.
Chase Utley, le roi des circuits des World Series
Cette saison est enfin terminée. Pour la plupart des Étasuniens, c’est le méchant qui gagne car les Yankees sont relativement peu populaires mais tellement fascinants. Pour ceux qui connaissent le baseball de loin, c’est la franchise de référence.
Pour terminer je signalerai que Le Monde sur son site Internet a régulièrement parlé de la Série Mondiale. C’est la preuve, s’il en est, qu’une équipe peut incarner son sport à un degré très élevé.