Sans "D.I.C. point de Lisandro ?
Ce début de saison 2009/20010 en Ligue 1 est une agréable surprise. On retrouve sur nos vertes prairies un football de nouveau offensif, des équipes conquérantes en Ligue des Champions, de vrais signes de renouveau. Sauf que le vingt neuf octobre, l’Assemblée Nationale supprime le droit à l’image, un avantage exclusif et propre aux sportifs professionnels.
Le droit à l’image collective (DIC), voici le thème à la mode. Cette loi, votée en 2005, concerne les très gros salaires qui représentent 1444 sportifs en France : six cent cinquante sept footballeurs, six cent vingt cinq rugbymen, cent quarante deux basketteurs et vingt handballeurs. C’est une loi qui autorise les clubs à payer une partie du salaire des joueurs en droit d’images, cette partie rémunérée n’étant pas soumise au régime de la sécurité sociale. Elle permet aux clubs de pouvoir s’aligner sur de gros salaires pratiqués par les clubs à l’étranger tout en économisant une partie des charges sociales. Pour éviter les abus, la loi fixe le seuil à 30% de droit à l’image sur le revenu brut des sportifs concernés.
En cette période de crise, l’Etat s’attaque aux niches fiscales. C’est le député des Côtes d’Armor, Marc Le Fur, qui lance les hostilités. Avec son collègue député UMP Yves Bur, ils déposent un amendement à l’Assemblée Nationale afin de mettre un terme à ce privilège, afin que les sportifs redeviennent des contribuables au même titre que n’importe quel autre salarié. Selon un calcul de l’État, le manque à gagner de la saison écoulée serait de trente millions d’euros. Sans surprise, la loi fut votée à une écrasante majorité : 91 voix pour, dont celle de Roseline Bachelot, ministre des Sports et de la Santé, 21 voix contre, notamment celles de J.F.Lamour et de David Douillet (comme par hasard deux anciens sportifs de haut niveau).
Les réactions ne se sont pas fait attendre dans le monde sportif et politique, les plus virulents étant les acteurs et dirigeants du football français.
Jean Pierre Louvel, président de l’Union des Clubs Professionnels de Football (UCPF) : «C’est scandaleux. La France va contre les intérêts du sport professionnel. Ça concerne le football, mais aussi le rugby, le handball et le basket-ball. Le sport est lâché par le président Nicolas Sarkozy, par le gouvernement et même par la ministre Roseline Bachelot, contre l’avis de son secrétaire d’Etat»
Le président de la Ligue de Football, Frédéric Thiriez ne ménage pas le gouvernement : « on dit que c’est pour faire des économies, mais le DIC a rapporté deux fois plus à l’Etat qu’il ne lui a coûté, car avec l’augmentation des salaires des sportifs, leurs impôts augmentent. Si on supprime le DIC – je vous donne rendez-vous l’année prochaine – il y aura une baisse des recettes fiscales. Le football professionnel paie 600 millions d’euros par an d’impôts et de charges sociales.»
Rama Yade, secrétaire d’État aux Sports, juge cette proposition d’amendement « dangereuse pour la compétitivité du football français. Le DIC est l’un des rares dispositifs qui permet au sport français de résister à la concurrence farouche des autres pays européens. »
Alain Smadja, président de la Ligue de Handball affirme que sans le DIC, Montpellier n’aurais jamais pu rapatrier le champion du monde et olympique Nikola Karabatic.
Les anti-foot (même chez certains passionnés également) trouvent un terrain propice à leur revendication : ne pas s’offusquer qu’un joueur gagnant autant d’argent soit pénalisé par cette loi. Qu’ils soient redevables comme n’importe quel salarié. Mais surtout d’avoir un football compétitif au niveau européen est le cadet de leurs soucis. Mais je pense que le débat n’est pas de plaindre ces sportifs qui gagnent des sommes astronomiques mais plutôt que cette loi permette de garder les très bons joueurs de L1 mais aussi de pouvoir recruter des stars internationales.
L’ Espagne n’est pas en reste. Le gouvernement a décidé de modifier la « loi Beckham » qui taxe les hauts revenus à hauteur de 24% au lieu des 43% payés par les contribuables espagnols. Ce qui touche bien evidemment de nombreuses stars du ballon rond comme les nouveaux galactiques Kakà ou Ronaldo. La ligue espagnole a également réagi de manière très virulente avec une menace de grève pour la dixième journée de Liga.
Des conséquences si désastreuses ?
Les déclarations des diverses familles concernées sont alarmantes et très pessimistes quand à leur futur.
Ainsi pour le président de la Ligue Nationale de Rugby Pierre-Yves Revol : «Il y a une menace et un péril pour le Top 14 que nous voulons pérenniser. Cette décision peut condamner certains de nos clubs les plus fragiles. Elle va coûter selon leur masse salariale entre 500.000 et 800.000 euros par saison non budgétée, soit environ 5% du budget des clubs».
Pour Max Guazzini, président du Stade Français le coup est rude. Il estime à huit cent mille euros de préjudice : « Je ne sais pas comment je vais trouver ces 800 000 euros…. Personne ne va me les donner. C’est honteux de faire ça. C’est un coup de couteau. Cela montre bien qu’en matière sportive, la France est un pays du Tiers-Monde ».
Jean Michel Aulas, comme à son habitude, s’est fendu d’une grande tirade : « cet aménagement nous a permis de faire venir un joueur du calibre de Lisandro. De plus si cette loi est votée, des joueurs tels que Clerc, Govou, en pleine discussion de renouvellement, ne verront pas leur contrat prolongé ». Le DIC représente cette année la somme de cinq à six millions d’euros dans le budget de l’Olympique Lyonnais. Ce qui, toujours selon son président, obligerait le club à se séparer de deux joueurs la saison prochaine.
L’abrogation de cette loi pénaliserait-elle les clubs français face à ses concurrents européens ?
Je serai tenté de dire oui et non. Cet aménagement n’a pas empêché de voir partir les meilleurs joueurs de L1 vers des contrées plus vertes en euros. Cela n’a pas permis de voir les clubs français avoir une meilleure compétitivité dans les différentes coupes de l’UEFA. Bien sûr les récentes et brillantes qualifications de Bordeaux et de Lyon demandent confirmation dans le futur.
Maintenant cette loi, associée à une DNCG Européenne – beaucoup plus efficace et égalitaire- permettrait aux clubs français de pouvoir rivaliser avec les grands clubs européens sur le long terme. La crise venant rappeler aux mastodontes européens que vivre au dessus des ses moyens peut être périlleux sur le long terme.
Nouveau rebondissement
Alors que le premier ministre François Fillon a confirmé la suppression du droit collectif à l’image, non pas en janvier 2010 comme l’avait voté l’Assemblée mais le 1er juillet 2010, le Sénat a déposé un avis afin de supprimer cette loi mais de façon dégressive afin de laisser du temps aux clubs de trouver une solution. Le DIC passerait alors de 30% comme actuellement à 20% en 2011 et à 10% en 2012. Une solution qui ressemble fort à un compromis mais qui ne satisfait toujours pas les différentes familles du sport français. Le président Pierre Louvel envisage même des actions de retard voir de grèves sur certains matchs.
Voilà en tout cas une affaire qui risque encore de faire parler d’elle. Mais une question se pose, que feront les clubs en 2012 date expiratoire de cette loi ??