Je vous ai déjà parlé de mon esprit de contradiction. V a tellement buzzé au cours des derniers jours qu'il a été impossible d'échapper au phénomène. Alors, certes, je suis une amatrice de science-fiction. J'ai adoré la série originale, elle qui fut la première "grande" série de SF que je suivis, en ces temps téléphagiques reculés où je m'efforçais d'assimiler l'ensemble des programmes tv. J'attends ce remake avec une certaine impatience, mêlée de crainte. Et oui, aussi, les posters promos en plus de décliner de sympathiques destinations touristiques sont très beaux. Oui, les premières minutes offertes par ABC en avant-première piquaient la curiosité juste comme il fallait. Mais, de mon côté, lorsque vous me proposez un épisode cumulant à l'écran les présences de Morena Baccarin (qui fait partie du casting principal, incarnant Anna, la nouvelle Diana) et Alan Tudyk, quelle réaction cela suscite chez moi ? Non pas celle de foncer en rédiger une belle review (mitigée, soit dit en passant). Mais une brusque envie de me replonger dans Firefly !
Et comme je suis incapable de résister à ce type de tentation soudaine... Hier soir, j'ai logiquement cédé à l'appel de ma DVDthèque, redécouvrant quelques épisodes avec le même plaisir qu'au premier visionnage. (Et c'est comme ça que vous vous retrouvez avec un billet consacré à Firefly, et non à V... Never mind.)
Firefly, c'est une de ces séries à la durée de vie inversement proportionnelle au culte qu'elle peut susciter sur la toile. Elle restera pour une grande part dans l'irréalisé, victime martyre sacrifiée par la Fox sur l'autel de l'audience. En dépit des mausolées d'adoration qu'on lui consacre sur le web, je ne peux me départir de l'idée qu'il demeure aisé de vénérer quelque chose qui aurait pu être, bien plus qu'elle n'a été. Car, avec seulement 14 épisodes et un film en forme de conclusion, le téléspectateur reste forcément quelque peu sur sa faim. Si j'ai l'habitude de me contenter de peu (avec toutes les séries british que je regarde), il reste que la série a besoin de quelques épisodes pour bien s'installer. Au final, l'univers créé est seulement esquissé. L'équilibre entre les personnages et dans leurs relations a tout juste le temps d'être trouvé de façon précaire. Et ce fameux "rythme de croisière", idéal du téléphage, n'a pas encore pu se confirmer. Comme la série n'avait pas vocation à avoir une durée de vie si éphémère, il manque quelque chose pour qu'elle puisse prétendre au statut auquel on l'a élevé (film de conclusion ou non).
Pour autant, n'allez pas croire que je n'aime pas Firefly. Au contraire. Avant même de parler des intrigues, c'est d'abord l'univers créé par JossWhedon qui m'a séduite. Ce concept fascinant qui mêle les codes du space-opéra classique et ceux du western a quelque chose de particulièrement attrayant, surtout pour une téléphage qui apprécie les deux genres comme moi.
Nous sommes en 2517. L'humanité s'est étendue. Elle a colonisé de nouvelles planètes. Logiquement, des tensions sont apparues pour garder le contrôle politique de ces vastes nouveaux horizons. Il y eut une guerre d'indépendance : les rebelles perdirent et l'unité des planètes fut imposée par l'Alliance, le gouvernement central. Au début de la série, nous nous trouvons quelques années après la fin de la guerre. Les cicatrices sont toujours vivaces, et les divisions au sein de la population provoquent facilement des rixes. Nous sommes introduits sur un vaisseau spatial, le Serenity (qui suit la règle posée par le Faucon Millenium de Star Wars dans les années 70 : ne pas juger la puissance d'un appareil uniquement par son apparence, même si vous vous demandez comment il parvient à voler !), commandé par un ancien combattant pour l'indépendance, Malcolm Reynolds. Très rapidement, le téléspectateur s'installe à ses côtés, entre efforts pour faire profil bas et ne pas s'attirer d'ennuis avec les autorités, et une fière indépendance se manifestant sous la forme d'une attraction constante pour la liberté. L'équipage du Serenity vivotte gràce à de petites missions, entre contrebande et transport de marchandises ou de passagers. Ces voyages, qui se transforment bientôt en fuite par la force des circonstances, sont l'occasion de visiter des planètes très diverses. Ce mélange de science-fiction et de western permet, au gré des épisodes, de nous entraîner tant dans la bordure du monde civilisé, au milieu de hors-la-loi, qu'au coeur de l'Alliance. Beaucoup de dépaysements, plaisants pour le téléspectateur, par lesquels Firefly exploite pleinement son concept initial.
Du côté des intrigues, la vie semi-aventureuse, mais finalement relativement calme du Serenity, prend un tour bien plus dangereux lorsque le vaisseau accueille à son bord plusieurs passagers, dont Simon Tam. Recherché par les forces de l'Alliance, Simon a laissé derrière lui sa vie de médecin pour secourir sa soeur, River, petite surdouée envoyée dans une institution très particulière gérée par le gouvernement et qui l'a considérablement changée. Déconnectée et traumatisée, la jeune femme alterne les phases de déphasage et quelques moments de lucidité où ses interventions, notamment dans le feu de l'action, se révèlent décisives. Pris entre deux feux, l'équipage du Serenity se retrouve contraint d'échapper aux autorités et Malcolm finit par accepter, temporairement, d'héberger à son bord les deux fugitifs. La mythologie est ainsi posée à travers une trame globale, le destin de River, qui va donc constituer l'enjeu global de la série.
Cependant, si le mystère de River et les ennuis provoqués par sa recherche ont toujours constitué un fil rouge intéressant, suffisant pour la durée de vie de la série, c'est ailleurs que se trouve le charme de Firefly. En effet, si les diverses péripéties dont doivent se sortir nos héros sont dans l'ensemble divertissantes, menées de façon rythmée et s'approfondissant au fil des épisodes (Ariel étant pour moi un des épisodes du genre les plus aboutis), elles utilisent des thématiques relativement classiques. La valeur ajoutée de la série se situe ailleurs : sa force est de s'appuyer sur un concept intriguant, parfois grisant, sans se réduire à son synopsis de départ (Ce qui est le reproche que l'on peut adresser à la plupart des séries actuelles des networks US : l'incapacité à voir au-delà de l'idée initiale). Dans Firefly, on s'attache aux interactions entre les personnages ; à leurs relations et à la façon dont elles évoluent. On est happé par cet équilibre précaire qui se crée au sein de l'équipage du Serenity, entre des protagonistes si différents, qui n'ont a priori quasiment rien en commun. C'est ce frisson pour l'aventure, une vie de risque, par choix ou nécessité, qui passe à l'écran. Cette étrange solidarité, qui peu à peu se développe en dépit des hésitations,voire des trahisons, intrigue. Au final, c'est une impression que tout téléphage chérit que l'on ressent : celle de se dire que cette série a une âme, une identité propre. Et pour cela, c'est un petit joyau qu'il est très facile d'apprécier.
La force de Firefly réside donc, d'une part, dans l'ambiance créée grâce aux personnages, une atmosphère nerveuse, dans laquelle les intrigues ne priment pas sur l'intérêt porté aux différents protagonistes qui mûrissent au fil des péripéties, sous l'oeil de la caméra. Firefly est une série très humaine, ce qui la rend particulièrement attachante. D'autre part, elle réussit à construire et exploiter les codes d'un univers cohérent, parvenant à insuffler un réel souffle au récit en très peu d'épisodes. Au fond, c'est du Joss Whedon dans ce qu'il sait faire de mieux, c'est-à-dire créer une dynamique de groupe et se réapproprier de nouveaux codes pour régir un milieu inventé.
Côté casting, on retrouve des acteurs bénéficiant d'un joli capital de sympathie, à commencer par le sémillant Nathan Fillion (actuellement dans Castle) qui incarne Malcolm Reynolds, le capitaine du Serenity, un vétéran de la guerre d'indépendance, vaguement contrebandier à ses heures et surtout amoureux de la liberté... Mais ressentant également une irrésistible attirance pour la belle Inara (Morena Baccarin), "dame de compagnie" de luxe accueillie à bord du vaisseau pour pouvoir traiter ses affaires en voyageant. L'équipage du vaisseau se compose également de Zoé (jouée par Gina Torres, bien connue du petit écran), qui a combattu aux côtés de Malcolm lors de la guerre et qui lui fait office de second. Cette dernière est l'épouse de Wash (Alan Tudyk), le pilote attitré du vaisseau. Ils ont également engagé un mercenaire à la loyauté ambigüe, Jayne (l'imposant Adam Baldwin). Jewel Staite incarne une mécanicienne spontanée et délurée, à laquelle on s'attache instantanément. Enfin, les passagers par qui une bonne part des ennuis du vaisseau est arrivée : Summer Glau (The Sarah Connor Chronicles) est parfaite en une River troublante, désarticulée et déconnectée, sur laquelle on interroge ; tandis que l'on ne parvient pas toujours à décider si on doit supporter ou non son frère Simon (Sean Maher), médecin qui a tout sacrifié pour la sauver, mais qui navigue entre arrogance et une certaine naïveté.
Bilan : Firefly est une série de science-fiction attachante, transcendant les genres en créant le "space-western". Plus que l'intrigue principale, c'est le dynamisme d'ensemble, porté par des personnages hauts en couleurs, qui confère à Firefly ses lettres de noblesse, en dépit d'une durée de vie éphémère. Tout amateur de science-fiction devrait y trouver son compte. Personnellement, je la revois toujours avec beaucoup de plaisir !
NOTE : 7,5/10
Un autre atout de la série, son superbe générique absolument magnifique :
Take my love, take my land
Take me where I cannot stand
I don't care, I'm still free
You can't take the sky from me
Take me out to the black
Tell them I ain't comin' back
Burn the land and boil the sea
You can't take the sky from me
There's no place I can be
Since I found Serenity
But you can't take the sky from me...