Note sur les « vrais et faux besoins » from Creuse-Citron

Publié le 06 novembre 2009 par Adadala
Je l'ai découverte pendant mes vacances en Creuse, cette petite feuille de choux citronnée, panachée de bio avec un fort arrière-goût d'anarchisme. Elle est en vente libre, pour un prix libre (ce que vous voulez, ou pouvez) dans les meilleures échoppes, bars, sandouicheries, ateliers ou locaux associatifs du département.
Militant sans prosélytisme, grande gueule mais pas pimbêche, Creuse-Citron m'a beaucoup plu. Façon fanzine : publication faites entre amis, de briques et de brocs ; façon activiste : publication à trouver dans les réseaux parallèles voire sous le manteau, Creuse-Citron avait vraiment tout pour me plaire. La copie et la diffusion des textes publiés dans ce journal étant vivement encouragées, je n'hésite pas à faire de l'anonyme qui a écrit ce texte mon fabulateur de la semaine et je le remercie.
Pour en savoir plus, visitez leur blog.
http://www.flickr.com/photos/c-reel/ / CC BY-NC-SA 2.0


CRITIQUER LA CONSOMMATION de masse et la société qu’elle induit, c’est s’interroger sur les « besoins » ; mais la question sera mal posée si l’on se contente de définir ces derniers comme « le minimum objectif qui est nécessaire à la survie », par opposition au « superflu ».
Ce qu’illustre au contraire la variété des sociétés et cultures dans l’histoire humaine, c’est que besoins et désirs, nécessaire et superflu, ont toujours été mélangés et inséparables.
Qu’est-ce par exemple que la cuisine, si ce n’est confondre indissociablement la nécessité de se nourrir et la recherche de plaisirs, le prétendu « superflu » (on pourrait en dire autant pour le logement, les vêtements, etc.).
En réalité cette notion de besoins vitaux isolables du reste de l’existence, des désirs et des plaisirs, mais aussi des symboles, du « sens » ou de la beauté, est spécifique du monde moderne et de l’utilitarisme économiste dont il est imprégné : toute les sociétés humaines, même les plus « pauvres » matériellement, ont eu une cuisine (ou un sens de la beauté architecturale, etc.) ; notre époque est la première à avoir imaginé de manger exclusivement pour se nourrir, et à avoir fait pratiquement disparaître la cuisine pour une portion notable de la population.
Une chose en tout cas semble indéniable : à la question universelle de la définition des besoins légitimes, la société contemporaine a répondu, d’une manière absolument inédite dans l’histoire, par l’invention continue et sans fin de nouveaux besoins et désirs à satisfaire, et par la promotion massive, planifiée, et en définitive très impérieuse, de ces continuelles nouveautés.
L’explication en est simple, bien sûr : il faut faire tourner la machine.
Il est sans doute impossible de donner une définition ou une liste des désirs et des besoins authentiquement humains, et donc de dresser une séparation étanche entre « vrais et faux besoins ». Ceci étant, il semble légitime de se demander dans quelle mesure les aspirations continuellement renouvelées d’aujourd’hui ont encore « les hommes » pour origine, ou bien sont plutôt de simples nécessités fonctionnelles de la « machine sociale infernale » qui s’est progressivement édifiée depuis un siècle.
On pourrait même préciser la question : dans la mesure où ils sont encore proprement humains, quels besoins profonds, en réalité, cherchent à être satisfaits par cette recherche incessante de consommation de marchandises nouvelles ?
Voici déjà une partie de la réponse : si ces nouveaux besoins deviennent rapidement impérieux, et leur satisfaction quasi-vitale, c’est que leur renouvellement incessant s’appuie largement sur la constitution d’un milieu de plus en plus hostile pour les êtres humains, par la transformation continue et rapide de la société.
Personne n’avait jamais eu besoin ou envie du téléphone portable, jusqu’à il y a quinze ans de cela. Et (presque) personne maintenant ne semble plus pouvoir s’en passer. Mais personne non plus n’avait jamais eu à vivre dans une société où l’isolement et la désocialisation, la destruction des occasions de rencontre, sont poussés si loin.
Et ces nouvelles marchandises, qui nous sont chaque fois vendues comme solutions aux problèmes de l’époque, se transforment à leur tour en un nouveau problème ; de conséquences, elles deviennent causes, et rajoutent un maillon de plus à la chaîne.
Mes Petites Fables