Entre Malek Boutih estimant qu’une victoire du PS en 2012 “n’apporterait pas une espérance nouvelle”, François Hollande se disant “sceptique” quant aux chances du PS de remporter la présidentielle-de-dans-moins-de-trois-ans et Pierre Moscovici sortant un livre brillamment intitulé “Mission Impossible ?” on hésite à penser quoi que ce soit. A vrai dire, on est bien embêtés.
Mais en même temps, on a tout de même envie …
1 – De féliciter ces trois lascars, ne serait-ce que pour la lucidité émanant de leurs propos (même affublée d’un point d’interrogation, ce qui dans le cas de Moscovici est somme toute logique, vu qu’il est député du Doubs, et que dans le Doubs à défaut de t’abstenir, tu t’interroges …) la lucidité, une qualité fort peu courante chez nos présumés socialistes. A ce point, que régulièrement on (la droite) leur reprochait un certain “angélisme”.
2 – De les féliciter une seconde fois et tambour battant (genre en invitant des amis, même Facebook) tant cette soudaine lucidité nous en bouche un sacré coin !
3 – De leur dire, nonobstant et passé notre étonnement qui n’était, bien évidemment, que cynisme et ironie au carré, que si c’est une tactique pour faire croire à Nicolas Sarkozy que la voie est libre, qu’il a déjà gagné haut la main et les doigts dans le nez (ce qui, physiquement, n’est pas banal et, à la fois, fort malpoli) la présidentielle 2012 faute d’opposition, faute de PS, avec l’espoir - ou plutôt l’arrière-pensée - que, jaugeant l’affaire pliée d’avance, il baisserait la garde ou s’endormirait sur ses lauriers, voire se laisserait aller à quelques fanfaronnades de mauvais aloi (du genre plus gratinées que : “Cette élection, j’commence à pas trop mal la sentir !”) fanfaronnades qui lui feraient perdre des tas de points S’miles auprès de l’électorat au profit, bien entendu, du candidat PS, qui, du coup, et contre toute attente, viendrait le coiffer sur le poteau, c’est d’un foireux rarement égalé !
Faudrait quand même pas prendre le locataire de l’Élysée pour une burne de compétition !
Non mais franchement, quel serait l’intérêt, autre que celui – et donc foireux - développé dans le point "3”, pour un parti comme le PS (le deuxième de France après l’UMP, faut-il le rappeler, soit celui qui, théoriquement, a le plus de chance de représenter ce que, poliment, nous nommons : l’alternance) de se déclarer perdant à une élection qui, de surcroît, n’aura pas lieu la semaine prochaine, mais dans deux ans et demi ? Deux ans et demi !!! C’est qu’il peut s’en passer des évènements, et des fâcheux, durant ce laps de temps, d’autant plus que la crise n’a pas dit son dernier mot - pas plus que ses derniers maux. Pire, elle vient, pour nous autres les salariés (ou pas) d’en bas, à peine de commencer.
Et quand bien même, cette abdication (grotesque) ne relèverait pas d’une éventuelle tactique, que faudrait-il comprendre alors des défaitistes déclarations de messieurs Boutih et Hollande et de l’interrogation Moscovicienne ? Sinon, ceci :
Nous ne voyons pas qui, au sein du PS, peut battre Sarkozy en 2012.
Car c’est bien cela, malheureusement, qui est sous-entendu : le “qui”. Rien d’autre. Et surtout pas, et c'est à déplorer, un quelconque projet. Ce qui est pourtant, le projet, essentiel, vital, incontournable pour mener un combat, espérer la victoire. C’est le projet qui peut apporter “une espérance nouvelle”. C’est un projet qui peut dissiper les éventuels scepticismes, notamment ceux des électeurs. C’est un projet qui pourrait rendre une "mission" possible. Or, en annonçant (buzzant, comme on dit) ou prévoyant à haute voix leur défaite (ou leur souhait de ne pas remporter la présidentielle de 2012 – Boutih) près de trois ans avant l’échéance, les socialistes nous font ce terrible aveu :
Nous n’avons, aujourd’hui, aucune autre politique crédible à vous proposer, aucune alternative, et nous n’en aurons pas plus une dans les 130 semaines qui nous séparent de la présidentielle 2012 !
C’est à se flinguer.
Mais il est vrai, c’est un fait, que le PS, depuis Jospin en 1995, croit plus en l’homme providentiel (qui finit par décliner forfait, comme Delors) qu’à un projet (d’où le forfait de Delors). Et pourquoi ? Parce qu’il ne sait plus ce que c’est, concrètement, qu’un projet socialiste (témoin de ce désarroi, Lionel Jospin en 2002 : “Mon programme pour la France n’est pas socialiste !”). Il ne voit pas comment il pourrait porter un tel projet dans un monde clairement libéral. Il n’y croit pas. Oh certes, ce n’est pas un scoop, chacun sait ou se doute (ou se "Doubs", à l’image du ravi de la crèche, Moscovici) se doute bien, disais-je, que cela fait belle lurette que le PS ne croit plus au socialisme (il n’a de “socialiste” que le nom, pour être clair).
Prisonnier de son étiquette, puisqu’entêté qu’il est à ne pas la changer (par exemple en rebaptisant le parti, soit en le délestant du terme : socialiste) il compte sur un homme. Une personnalité. Un nouveau Mitterrand. Un homme peu ou prou de droite, quoi (du coup, DSK semble être la meilleure option pour le PS en 2012) ! Celui qui mettrait tout le monde d’accord. Un pragmatique de droite (pure) avec un charisme de gauche (molle).
Avec un tel homme, le providentiel, le projet, celui qui se voit trop quand tu n’en as pas – ce qui est le cas, aujourd’hui - oublié ! Pas besoin ! Avec un tel homme, un projet, ça devient aléatoire, du folklore, du décoratif. Une guirlande de Noël. Un attrape-couillons, pour parler cru.
Cela dit, il y a tout de même un progrès (et nous en revenons aux deux premiers points identiques de cynisme dérisoire) : le PS sort – péniblement, mais sort - de cette soit-disant tare que lui reprochait la droite : l’angélisme. A mots couverts, il convient que le socialisme n’a aucune chance de l’emporter lors d’une élection majeure. Ce n’est plus, pour le PS, le socialisme (au sens Jaurès du terme) un facteur d’espérance.
Et c’est très bien.
Car le peuple de gauche sait désormais, et cette fois définitivement, que ce n’est plus vers le PS qu’il faut se tourner. Plus jamais.
Et donc, finalement oui, félicitons et bruyamment nos trois lascars, car, mine de rien, ils viennent de nous faire gagner un temps précieux. En gros : 130 semaines. C’est plus qu’il n’en faut pour que les vraies forces de gauche travaillent sans tarder sur et à un projet.
Si tant est, qu’elles se mettent d’accord. Ce qui, là non plus, n’est pas gagné ...