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Livre: Une Fille comme les Autres de Jack Ketchum

Par Geouf

Livre: Une Fille comme les Autres de Jack Ketchum

Il existe un vieux débat dans une partie de la communauté cinéphile pour savoir s’il vaut mieux lire un livre avant de découvrir son adaptation cinématographique, ou bien le contraire. Personnellement, je préfère souvent voir le film avant de lire le livre, pour ne pas risquer d’être déçu par la vision du réalisateur, si celle-ci est différente de la mienne. Bien entendu, il arrive (assez peu souvent heureusement) que la lecture après coup du livre se révèle redondante et ennuyeuse, surtout lorsque le film est très fidele à son modèle. Mais il arrive aussi parfois que les deux supports se complètent parfaitement, ce qui est le cas du roman Une Fille comme les Autres et de son adaptation ciné, le tétanisant The Girl next Door, que j’ai déjà évoqué à plusieurs reprises sur ce blog.

La lecture d’Une Fille comme les Autres a constitué pour moi un véritable chemin de croix, et ce malgré le fait que je connaissais déjà l’histoire racontée dans le livre. C’est en effet la première fois de ma vie que j’ai entre les mains un livre provoquant autant de sentiments extrêmes et contradictoires. Un livre qu’on a envie de refermer à chaque page devant les horreurs décrites, mais qu’en même temps on a besoin de dévorer jusqu’à la dernière page. Un livre qui révulse mais en même temps procure une certaine addiction. En clair, une œuvre forte, vénéneuse, courageuse, intense et essentielle.

Ketchum n’a décidément pas son pareil pour sonder les recoins les plus obscurs de l’âme humaine, que ce soit ceux de ses personnages, mais aussi ceux du lecteur. Le véritable génie de ce livre, c’est cette écriture à la première personne qui fait entrer le lecteur dans la tête du jeune narrateur, David et nous fait comprendre (ou pas d’ailleurs) la raison de ses actions. Car même si le film de Gregory Wilson est extrêmement fidèle au livre (le lecteur ayant vu le film n’aura que peu de surprises), il attenue tout de même grandement l’ambivalence de ce personnage central. Dans le roman de Ketchum, David est beaucoup moins “pur” que dans le film, et est très souvent sur la corde raide, hésitant à participer à ce qui se déroule sous ses yeux (du moins jusqu’à ce que certaines limites soient clairement dépassées). Une des scènes les plus troublantes du livre est celle où la famille Chandler humilie la pauvre Meg pour la première fois en lui attachant les poignets à une poutre et en la déshabillant intégralement. Cette scène est à la fois horrible (l’humiliation subie par la jeune fille est révoltante), mais aussi il faut l’avouer assez excitante, Ketchum arrivant sans peine à décrire le trouble que ressenti par le jeune ado devant la vision d’un corps féminin dénudé. Du coup, le lecteur se retrouve placé face à sa propre conscience et en vient souvent à se demander ce qu’il aurait réellement fait dans une telle situation. D’autant que dans le roman comme dans le film, la responsabilité des personnages est souvent assez floue. Certes, ils commettent des actes ignobles et clairement répréhensibles, mais finalement, la seule véritable coupable est Ruth, cette mère démente qui les autorise à dépasser les limites, voire les encourage à le faire. Les autres tortionnaires ne sont après tout que des enfants et laissent libre court à leur sadisme “parce que maman a dit qu’ils pouvaient”. Le lecteur est là encore constamment sollicité, indirectement pointé du doigt et interrogé sur sa propre moralité, ce qui le place dans une position plus qu’inconfortable.

Mais même si le livre est extrêmement bien écrit, je pense que pour moi son impact a été décuplé par le fait d’avoir vu le film avant. En effet, lorsque l’on découvre cette histoire pour la première fois, on ne se doute pas de l’étendue des horreurs que la jeune Meg va subir, et il subsiste toujours une lueur d’espoir pour elle à travers le personnage de David. Mais lire le livre en sachant exactement comment il va se terminer, en sachant qu’il n’y a pas de lueur au bout du tunnel, demande un effort conséquent. Et au final, ce qui donne envie de continuer, c’est peut-être l’attachement à cette jeune fille, et l’envie de lui rendre hommage d’une certaine façon en endurant avec elle son calvaire. Et c’est là tout le génie d’une œuvre terriblement dure mais essentielle.

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