La fête des paumés d'aujourd'hui. Cette fête nous le révèle : la sainteté n'est pas synonyme de perfection morale. On peut être naturellement privilégié par l’hérédité, l'atavisme, le milieu familial, l'éducation, être doté de qualités humaines multiples et de vertus naturelles au point de passer pour un saint et en être très loin ! Alors que les êtres déshérités par la nature, au psychisme abîmé et fragile, peuvent offrir à l'Esprit Saint un terreau de choix. Tel alcoolique qui, par pur amour, se prive d'un seul verre, peut faire un acte plus héroïque qu'un moine faisant des prouesses ascétiques.
« À supposer une égale fidélité foncière à la grâce et donc une égale sanctification dans le mystère, il y a deux espèces de saints : il y a les saints aux psychismes disgraciés et difficiles, la troupe des angoissés, des agressifs et des charnels, tous ceux qui portent le poids des déterminismes. Il y a ceux qui ne charmeront jamais les oiseaux et ne caresseront jamais le loup de Goubio ; ceux qui tombent et tombent encore ; ceux qui pleureront jusqu'à la fin, non parce qu'ils auront claqué une porte un peu vivement, mais parce qu'ils commettent encore cette faute sordide, inavouable. Il y a l'immense foule de ceux dont la sainteté ne reluira jamais ici-bas dans leur psychisme, et ne se lèvera qu'au dernier jour pour resplendir enfin in perpetuas aeternitates. Ce sont les saints sans le nom.
Et à côté d’eux, il y a les saints au psychisme heureux, les saints chastes et forts et doux, les saints modèles, canonisés ou canonisables ; ceux dont le cœur délivré est large comme les sables qui bordent la mer, ceux dont le psychisme chante déjà comme une harpe harmonieuse la gloire de Dieu ; les saints admirables qui soulèvent l'action de grâces et en qui nous touchons l'humanité transformée par la grâce. Les saints reconnus, fêtés, les grands saints qui font leur trace éclatante dans l'histoire » (Père Bernaert, Etudes carmélitaines, 1951 ».
Immense espérance de notre temps ! La Toussaint est la fête des jeunes d'aujourd'hui !
(Dans Missel Kephas 3, Fayard, 2000, p. 1304)