L’idée de débattre de l’identité de la France n’est en rien scandaleuse. Que les citoyens d’un pays s’interrogent leur façon d’aborder la politique, leur conception du vote et du respect de la loi, leurs rapports à leur histoire à leur culture et à celle d’autres peuples proches ou lointains, leur idée de la solidarité, en bref ce qui fait qu’habitants d’un espace géographique donné, ils réussissent tant bien que mal à vivre ensemble ne me choque nullement.
Une nation ne peut subsister qu’au prix d’une perpétuelle confrontation avec elle-même. Depuis, au moins la fin du Moyen-Âge, l’interrogation lancinante pour savoir à quels rites, à quels signes, à quels mots de passe, à quels symboles, des hommes et des femmes peuvent se reconnaître Français, n’a jamais cessé. Il n’y a aucune raison pour qu’elle s’arrête aujourd’hui. Ce n’est d’ailleurs pas le cas. Il suffit, pour s’en convaincre, d’ouvrir un journal ou de tenter de dénombrer, dans les rayons des librairies, la somme d’ouvrages anciens ou nouveaux consacrés à ces questions. C’est pourquoi, limiter le vaste questionnement toujours renouvelé, sur ce qui fait de notre nation ce qu’elle est à une opération administrative est un non-sens.
Vérifier l’identité de la France est une opération un peu plus compliquée qu’un contrôle au faciés dans le RER. C’est pourtant ce défi ,qui dépasse nettement ses compétences et ses moyens, que prétend relever Eric Besson . La misérable raison pour laquelle ce ministre a lancé cette opération est suffisamment cousue de fil blanc pour qu’il soit inutile de s’y appesantir. Elle tient en une phrase : « Pour éviter d’avoir à traiter des questions auxquelles un peu de courage politique permettrait de trouver des réponses, parlons plutôt de celles qui n’en ont pas ou qui en ont tellement que cela revient au même.. » Rien d’original dans cette méthode déjà en usage la Byzance du XV° siècle où, plutôt que de se demander comment résister à l’avance ottomane, on se déchirait à propos d’un mot en plus ou moins dans le Credo. Aussi n’irai-je pas plus loin me contentant d’une question et d’une citation.
La question d’abord: Comment se fait-il qu’aujourd’hui, on parle tant de la France et jamais du peuple français (sauf, peut-être, dans les tribunaux, au moment du prononcé du verdict). Qu’est ce qui fait peur le nom, l’adjectif ou l’idée et le foisonnement qu’elle suppose ? Pourtant, parler d’une nation en oubliant son peuple c’est comme vouloir étudier un ADN en ignorant les gènes.
La citation ensuite. Elle est de Fernand Braudel. Je l’offre à M Besson et à tous les amateurs de simplification abusive. «Il est certainement vain de ramener la France à un discours, à une équation, à une formule, à une image, à un mythe. C’est justement dans leur diversité qu’elle trouve le fondement et je dirai la justification de son identité.»
Chambolle