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Confessions en pleine nuit

Par Deathpoe

La nuit, c'est la solitude qui marque le coup. Le silence de la pièce est seulement troublé par la respiration du réfrigérateur, et je tente de glisser silencieusement mes doigts sur le clavier pour ne pas la réveiller. Même le chat s'est décidé à dormir, et ne joue plus avec n'importe quel bout de papier froissé. Ça, c'est précisément le genre de vacarme étouffé qui peut vous empêcher de dormir, celui du chat confronté à un boule de papier inerte. Et cela lui donne l'air d'être un incroyable chasseur.


Personne n'est disponible pour discuter. Voilà ce que m'indique Facebook, la plus grande invention depuis celle de la bombe A. Au siècle dernier on se contentait de détruire des populations entières, et voilà que maintenant on se targue d'un rassemblement général. Au demeurant, on reste prostré sur soi-même, chacun pour soi, Dieu et argent pour ceux qui ont un peu de veine. Et l'insomnie pour ceux qui ont oublié de se racheter une conscience pendant les derniers soldes, ou qui souhaiteraient des journées toujours plus longues. Notons que si cela était considéré comme une maladie, on aurait certainement droit à de nouveaux spots publicitaires, des campagnes de prévention subventionnés par l'état-roi qui veut votre bien, et seulement votre bien. A moins qu'il ne veuille que des soldats, des ouvriers et des fonctionnaires prêts à obéir au doigt et à l'oeil, à générer de la richesse, comme on dit. La question n'est même pas à trancher, ce serait une perte de temps.

Impossible de trouver le sommeil, et ce malgré le cachet avalé il y a deux heures et qui, sur le moment, m'avait assommé en l'espace de quelques minutes. Ce n'est pas faute d'essayer: à un moment, il faut aller pisser; à un autre, il faut bien boire un truc pour ne pas avoir l'impression de se dessécher complètement. Enfin, après une bonne demie-heure à se retourner dans la couette, voilà que j'ai envie de fumer. Je me recouche, et il y a ces phrases qui se forment derrière les paupières, entités chimériques qui me brûlent les doigts, et dont je sais qu'elles disparaîtront sans préavis si je ne leurs donne pas satisfaction.

J'attrape mon portable et regarde l'heure: 3h et des brouettes. Alors je me lève, attrape une clope et allume le macbook, l'étouffant sans un cri pour qu'il ne la réveille pas. A cette seule clarté, le carré de lune qui se dessinait à travers le velux sur le mur ayant disparu, je peux la voir dormir, plongée dans un sommeil que j'espère plein de rêves doux et prometteurs, emmitouflée jusqu'au menton sous les deux couettes. Toutes les femmes ne doivent pas être belles lorsqu'elles dorment, du moins je l'espère. Seule celle que vous aimez le sera à vos yeux. Mon dos refait des siennes et il ne me reste plus qu'à jeter deux Efferalgans dans un peu d'eau. Le pétillement produit ne réveille même pas le chat, qui d'habitude se précipite à la source du désordre, piqué à vif par la curiosité. Le temps que l'alchimie s'opère, j'allume une autre clope et prépare un autre cacheton, dont je ne parviens à me souvenir du nom. Quelques secondes plus tard, je gobe le tout et sens presque instantanément mes muscles se décontracter, et les idées s'éclaircir encore plus. Alors je commence à écrire les lignes, la led rouge de la télévision pour seule spectatrice. Justine se retourne et soupire, sans se réveiller. Alors, à ce moment précis, j'imagine quantité d'autres nuits identiques à celle-ci.

Pour ce que ça vaut, je n'ai jamais été autant productif que depuis que j'ai arrêté de m'enfiler mes quatre ou cinq verres de whisky dans la soirée. Les idées sont plus claires et s'organisent plus facilement, et je ne remets plus au lendemain les choses qui me semblent importantes. Bien entendu, je n'ai pas plus de solutions miracles en ce qui concerne l'avenir, et ces foutus choix à faire pour gagner mon pain et rejoindre les rangs de cette société pro-cannibalisme. Alors je m'accroche et provoque peu à peu les choses. Ou plutôt, je pourrais dire que j'aurai essayé.

Mes jambes s'engourdissent et mes yeux se brouillent, le deuxième anxiolytique a peu à peu raison de moi. Demain je pataugerai certainement dans un état de conscience imparfaite. Alors je l'aime, et m'enthousiasme des changements, de ce que je fais. L'alcool n'est précisément pas le meilleur des carburants.
Une dernière clope pour la route et il est temps de se coucher, la prendre dans mes bras sans un mot, attendre que le monde se réveille.


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