Parfois il convient d’être parfaitement clair. Avec soi. Avec les autres. Où en est donc l’écriture, dans son rapport à l’insuccès ou au succès, au dithyrambe ou à l’indifférence ? Oui, en cette période de « prix littéraires », je voudrais regarder en moi-même et interroger cette drôle de chose : cinq essais (dont deux de commande), un roman chez un bon éditeur (mais en faillite puis racheté durant la courte vie du livre), soit un parcours pour le moins erratique qui ne m’a jamais permis ni ventes bien remarquables ni papiers laudateurs. « Rappelons le contexte », comme écrivait ici même un commentateur du blog : « vous êtes un écrivain raté ». Je ne remercierai jamais assez tous ceux qui me permettent ainsi de rompre mon attachement toujours possible à mes pauvres activités scribouillardines. Il y faut ce tranchant, ce net de jugement dernier. Allons, tout ça est très bien. Cela me rappelle mon admiration sans borne pour ces pilotes de Formule 1 abandonnant leur bolide arrêté au bord du circuit et regagnant leur stand après une panne, une sortie de route : casque à la main où ils ont jeté gans et cagoule, une étrange expression sur le visage, faite de hauteur, d’éloignement, mais jamais de tristesse ni de résignation. Ils ne finiraient pas la course en tête : du moins y avaient-ils pris leur part, fait de leur mieux. Ils n’avaient rien à regretter. Adolescent j’adorais leurs pas lents le long des asphaltes brûlants, tandis que les autres monoplaces poursuivaient en hurlant leur ronde insensée. Qu’avaient-ils donc conquis en plus, que les autres n’auraient pas ? Il y avait dans leur abandon quelque chose qui dépassait la notion de victoire ou d’échec. Les plaçaient dans un dehors dont eux seuls pouvaient connaître la sensation. Ce sont de tels dehors qui appellent mon écriture et la rendent, ratage après ratage, à une vie plus haute.