The Cholesterol Myths par le Dr Uffe Ravnskov
(cliquer sur les titres pour avoir les textes originaux )
Le taux de cholestérol n'a rien à voir avec l'athérosclérose
Le plus surprenant avec le cholestérol, c'est qu'il n'y a aucun lien entre le taux de cholestérol sanguin et le degré d'athérosclérose dans les vaisseaux.
Si le cholestérol était responsable de l'athérosclérose, les personnes qui ont trop de cholestérol devraient avoir plus d'athérosclérose que les personnes qui en ont peu. Mais ce n'est pas le cas.
Le Dr Kurt Landé (anatomopathologiste) et le Dr Warren Sperry (biochimiste) du service de Médecine Légale de l'Université de New-York sont les premiers à avoir étudié la question (25). C'était en 1936.
A leur grand étonnement, il n'ont trouvé aucune corrélation entre le taux de cholestérol sanguin et le degré d'athérosclérose dans les artères de nombreux individus décédés de mort violente.
Quelle que soit la tranche d'âge, leurs diagrames ressemblaient à un ciel étoilé [NDLT : c'est-à-dire que les points du diagramme étaient éparpillés ; lorsqu'il existe une corrélation, les points sur le diagrame sont regroupés le long d'une ligne]. L'étude des Drs Landé et Sperry n'est jamais citée par les tenants de l'idée régime/cœur, ou bien elle est cité de façon erronée en disant qu'ils avaient trouvé une corrélation (26), ou encore ils ignorent leurs résultats en arguant que les taux de cholestérol ne sont pas les mêmes chez les personnes mortes et vivantes.
Le problème fut résolu par le Dr J. C. Paterson de London (au Canada) et son équipe (27). Ils étudièrent 800 vétérans de guerre pendant de nombreuses années, et firent des analyses sanguines à intervalles réguliers. Leur étude ne concernait que les vétérans qui étaient décédés entre l'âge de 60 et 70 ans ; ils avaient donc récolté les taux de cholestérol sur la période où l'athérosclérose se développe majoritairement.
Le Dr Paterson et ses collègues ne trouvèrent pas de corrélation non plus entre le degré d'athérosclérose et les taux de cholestérol sanguin ; les individus qui avaient un cholestérol bas avaient autant d'athérosclérose à leur décès que ceux qui avaient un cholestérol élevé.
Des études similaires ont été conduites en Inde (28), en Pologne (29), au Guatemala (30), et aux États-Unis (31), avec toujours le même résultat : aucune corrélation entre les taux de cholestérol sanguins et le degré d'athérosclérose des vaisseaux.
Cette corrélation a malgré tout été constatée dans quelques études. Une de ces études est la fameuse étude de Framingham (ville du Massachusetts, aux États-Unis) (32). Toutefois, la corrélation trouvée par les investigateurs de l'étude était minime : en termes statistiques, le coefficient de corrélation n'était que de 0,36. Un coefficient aussi bas indique une corrélation singulièrement faible entre les variables, c'est-à-dire entre le cholestérol et l'athérosclérose.
En général, les scientifiques exigent des coefficients de corrélation beaucoup plus élevés avant de conclure qu'il y a une association biologiquement importante entre deux variables. Ce coefficient de corrélation bas fut obtenu après une longue analyse. D'abord, on a dosé le cholestérol sanguin d'un grand nombre des habitants de Framingham à plusieurs reprises sur plusieurs années.
Ensuite, le Dr Manning Feinleib de la National Heart, Lung, and Blood Institute a mené une équipe qui a étudié les vaisseaux coronaires des habitants qui étaient décédés. Les chercheurs avaient hâte de savoir lequel parmi les nombreux facteurs qu'ils étudiaient était le plus important dans l'évolution de l'athérosclérose chez ces personnes de Framingham décédées. Était-ce le cholestérol, les cigarettes, ou encore autre chose ?
Après avoir décrit avec minutie l'athérosclérose des vaisseaux coronaires des personnes décédées, le Dr Feinleib et ses collègues ont conclu que le taux de cholestérol sanguin était le meilleur facteur prédictif pour le degré d'athérosclérose. Ni l'âge, ni le poids, ni la pression artérielle, ni aucun autre facteur n'était aussi prédictif que le cholestérol sanguin. Mais rappelons-nous que le coefficient de corrélation entre le cholestérol et l'athérosclérose n'était que de 0,36.
Le rapport de l'étude n'offre ni diagramme, ni d'autre information concernant le cholestérol et l'athérosclérose de chaque individu dont le corps avait été examiné. Il n'y avait aucune discussion critique sur le fait que le coefficient de corrélation était très bas ; il n'y avait même aucun commentaire à ce sujet. Lorsque des scientifiques obtiennent un résultat qui est contraire à toutes les études précédentes, il est systématique de fournir un rapport détaillé des résultats, ainsi que de discuter de toutes les façons dont l'étude aurait pu être biaisée —et je dis bien « systématique », et pas seulement « habituel ».
Dans le cas de l'étude de Framingham, le besoin en était particulièrement criant. Non seulement le coefficient de corrélation était très faible, mais cette étude, qui était financée à l'aide de millions de dollars des contribuables par la National Institute of Health (Institut national de la santé), pouvait avoir des conséquences majeures pour l'assurance maladie et l'economie américaine.
S'il n'y avait aucun lien entre le cholestérol et l'athérosclérose, ainsi que l'avaient montré les précédentes études, il n'y avait alors aucune raison de s'intéresser ni au cholestérol, ni au régime hypocholestérolémiant.
Et des milliards de dollars des contribuables araient pu être mieux utilisés que pour abaisser le cholestérol de personnes en bonne santé. Mais les scientifiques qui menaient l'étude de Framingham étaient sans réserves. Ils avaient envie de montrer à quel point ils excellaient et voulaient souligner les faiblesses de l'étude du Dr Paterson sur les vétérans de guerre canadiens. Ils ne firent aucune mention des études des Drs Landé et Sperry, ni des études indienne, polonaise, guatémaltaise ou américaine. Lorsque les auteurs de l'étude de Framingham citaient leurs opposants, c'était seulement pour les critiquer, et sans mettre cartes sur table. On peut tenter d'imaginer ce que seraient ces cartes cachées.
Parmi les habitants de Framingham décédés, comment a-t-on choisi ceux que l'on allait autopsier ? 914 individus sont morts, et seuls 281 ont été autopsiés. De ces 281, seuls 127 (soit 14% du total des personnes décédées) ont fait l'objet d'un programme spécial d'autopsie spécifiquement mis au point pour examiner le cœur et ses vaisseaux. Les corps qui ont été autopsiés dans l'étude de Framingham n'étaient pas pris au hasard dans la population comme cela avait été le cas dans les études précédentes. Le rapport de Framingham ne dit rien des critères de sélection, alors que les études scientifiques se doivent de le faire.
En général, le facteur déterminant est l'âge. On pratique rarement une autopsie chez une personne qui est décédée tranquillement à un âge avancé, ce qui sera le cas de la majorité d'entre nous. Les autopsie sont d'abord réservées à des personnes jeunes ou d'âge moyen, qui sont décédées avant leur heure. Il en était ainsi dans l'étude de Framingham : presque la moitié des autopsies ont été pratiquées sur des personnes de moins de 65 ans. Les sujets autopsiés ont donc dû inclure un nombre relativement élevé de personnes ayant une hypercholestérolémie familiale, cette maladie rare du métabolisme du cholestérol.
De plus, les personnes avec ce type de maladies présentent un intérêt particulier pour les scientifiques qui étudient les problèmes liés au cholestérol, et ils auront été choisis préférentiellement pour être autopsié dans le cadre d'une étude conçue pour analyser la maladie coronarienne. On peut considérer que le risque de biais était important, car seuls 14% des morts de l'étude de Framingham ont été autopsiés, et les patients qui présentent cette maladie rare qu'est l'hypercholestérolémie familiale ont beaucoup d'athérosclérose et des taux de cholestérol sanguins très élevés. Si une proportion importante de tels patients sont inclus dans une étude sur le cholestérol et l'athérosclérose, on trouvera forcément une corrélation.
On a également étudié la question du cholestérol sanguin et de l'athérosclérose par le moyen de l'angiographie coronarienne. Il semblerait même que chaque spécialiste américain de l'angiographie coronarienne ait conduit sa propre étude, financée par les impôts fédéraux offerts par le National Heart, Lung, and Blood Institute. Dans ces articles, publiés dans divers journaux médicaux et utilisant des phrases quasiment identiques, ces spécialistes mettent l'accent sur l'importance des taux de cholestérol dans l'évolution de l'athérosclérose (33).
Mais ces papiers ne donnent jamais de chiffres individuels. Ils indiquent les résultats en terme de coefficient de corrélation, qui ne franchissent jamais la barre pourtant très basse des 0,36. Ces articles ne mentionnent jamais les études précédentes qui n'avaient pas trouvé d'association entre le degré d'athérosclérose et le taux sanguin de cholestérol. Les études qui se basent sur l'angiographie coronarienne peuvent s'avérer trompeuses si les résultats doivent s'appliquer à la population générale. On pratique les angiographies coronariennes surtout chez des patients jeunes ou d'âge moyen qui ont des symptômes de maladies cardiaques.
On peut donc supposer que les patients atteints d'hypercholestérolémie familiale ont été sur-représentés dans ce type d'étude. Il existe donc un biais similaire à celui dont nous avons discuté plus haut. Une étude suédoise du Dr Kim Cramér à Goteborg (34) justifie cette mise en garde. Comme dans la plupart des études angiographiques, les patients de cette étude qui avaient les taux de cholestérol les plus élevés avaient les vaisseaux coronariens les plus athéroscléreux. Mais si l'on excluait les patients qui étaient traités par hypocholestérolémiants, et ce groupe devait certainement inclure tous les patients atteints d'hypercholestérolémie familiale, la corrélation entre le cholestérol sanguin et l'athérosclérose disparaissait.
Au Japon, la nourriture est pauvre en graisse, le cholestérol sanguin est bas, et le risque d'avoir une crise cardiaque est beaucoup plus faible que dans d'autres pays. On pourrait logiquement se dire que l'athérosclérose est rare au Japon. L'état des artères chez les Américains et les Japonais a été étudié dans les années cinquante par les Pr Ira Gore et A. E. Hirst à la faculté de médecine de Harvard (35) et par le Pr Yahei Koseki de Sapporo, au Japon. A cette époque, les Américains avaient un taux de cholestérol sanguin moyen de 2,20 g/l, et les Japonais de 1,70 g/l. On fit une étude post-mortem de l'aorte (l'artère principale du corps) de 659 Américains et de 260 Japonais.
Tout signe d'athérosclérose fut méticuleusement noté et classé. Comme on pouvait s'y attendre, l'athérosclérose devenait plus fréquente à partir de l'âge de 40 ans, tant chez les Américains que chez les Japonais. Examinons maintenant le fait marquant. Le degré d'athérosclérose était pratiquement identique entre les Américains et les Japonais dans les mêmes tranches d'âge. Entre 40 et 60 ans, les Américains avaient un peu plus d'athérosclérose que les Japonais. Entre 60 et 80 ans, il n'y avait pratiquement plus de différence. Au-delà de 80 ans, les Japonais étaient avaient un peu plus d'athérosclérose que les Américains.
Une étude similaire a été conduite par le Dr J. A. Resch de Minneapolis (États-Unis) et les Drs N. Okabe et K. Kimoto de Kyushu (Japon) (36). Ils étudièrent les artères du cerveau de 1408 Japonais et plus de 5000 Américains, et trouvèrent que les Japonais avaient plus d'athérosclérose que les Américains, et ce quelque soit la tranche d'âge.
La conclusion que l'on peut tirer de ces études, c'est que le taux de cholestérol sanguin a très peu, voire aucune influence sur l'évolution de l'athérosclérose.
Vous pouvez lire aussi :
- Ravnskov U. Is atherosclerosis caused by high cholesterol ? (Le cholestérol est-il responsable de l'athérosclérose ?) Quarterly Journal of Medicine 2002; 95: 397–403
- Ravnskov U. High cholesterol may protect against infections and atherosclerosis (Un taux de cholestérol élevé pourrait protéger des infections et de l'athérosclérose).
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Le Dr Ravnskov est un chercheur indépendant. Aucunes de ses recherches, y compris ce site web et son livre, n'ont été financés ou influencés par une organisation gouvertementale ou non, ni par l'industrie pharmaceutique.
© Uffe Ravnskov
Publié pour la première fois en 1997.
Dernière modification le 30 janvier 2005.