Nicolas
Sarkozy drague Le Pen. Enfin, non, pas Le Pen, mais ses électeurs. Eh oui,
Nicolas Sarkozy est au plus bas dans les sondages, et les régionales
approchent. Alors, étant donné qu'à l'UMP, ils prennent toujours autant leurs
électeurs, et ceux des autres, pour des lapereaux de 6 semaines, ils se sont
dit, benoîtement, qu'ils allaient faire jouer la classique corde sensible de
l'identité nationale, de la tolérance zéro, du tout sécuritaire, bref, tous ces
arguments employés par un Nicolas Sarkozy décomplexé et sûr de lui, lors de la
campagne de 2007 (et déjà bien avant), et destinés à capter les voix du
Front National. Captation qui fut, reconnaissons-le, couronnée de succès.
Et allons-y ! A l'UMP, quant il s'agit de draguer à l'extrême droite, on ne
fait pas dans la demi-mesure.
C'est Nicolas Sarkozy qui (re)prononce un discours aux vieux relents
pétainistes, sur fond de "terre" et d'identité nationale, c'est Eric
Besson qui lance un "débat national" sur l'identité nationale, et
"qu'est-ce que c'est d'être Français", sur fond de marseillaise et de
drapeau tricolore, c'est Brice Hortefeux qui lance une idée inapplicable de
"couvre-feu" pour les mineurs déjà condamnés (mineurs pour qui la
carte d'identité n'est pas obligatoire, ce qui sera très pratique pour savoir
s'ils ont déjà été condamnés ou non), juste pour que le français moyen ait bien
peur...
Rien de bien nouveau dans ces grosses ficelles électorales. En fait, ce qui
m'agace tout de même un peu, c'est la propension qu'ont les médias à traiter
l'écume des vagues de l'actualité, au lieu de s'attacher au fond. Hortefeux
lance son idée de couvre-feu, tout le monde se jette sur le nonos pour bien le
ronger jusqu'au bout, hop un édito, vite, hey venez voir les gars, y a une
information qui va faire la une là ! Mais peu de journalistes poussent l'honnêteté
et l'étique jusqu'à souffler à leurs lecteurs que, non, rassurez-vous, ce n'est
qu'une basse manœuvre électorale, tout ceci est inapplicable et relève d'une
stratégie maintenant bien rodée, mais aussi bien érodée, mise au point bien
avant Nicolas Sarkozy, la stratégie du "contre-feu" et du ballon
d'essai. Couplé avec une œillade langoureuse aux électeurs d'extrême droite, le
coup aurait encore porté, il y a un an. Aujourd'hui, c'est un pétard mouillé, un plouf dans les toilettes.
C'est évident, ça tombe sous le sens, cela va sans dire ? Pas pour tout le monde. L'électeur du
Front National est très "1er degré", en général. Et ça, nos
"journalistes politiques" (je mets des guillemets, hein) ne
l'ignorent pas. Pour autant, ils publient, sur papier, sur internet, à la
radio, à la télévision, des commentaires sur cette idée loufoque et
inapplicable, ils s'interrogent sur la faisabilité de la chose, sur l'aspect légal, moral, au lieu de
souligner la vraie information importante, cachée derrière cet écran de fumée :
Nicolas Sarkozy est en mauvaise posture pour les élections régionales, les
électeurs du FN ne lui font plus confiance (-10%) et les électeurs de l'UMP, de
moins en moins (-9%). Il s'agite, Nicolas Sarkozy, il s'évertue, il se défend,
contre l'opposition, mais surtout en ce moment, contre sa propre majorité. Fillon qui tacle Guaino, Raffarin qui mène la fronde au Sénat, père, gardez-vous à gauche, père, gardez-vous à droite ! Il a perdu la
confiance de ses électeurs, il a perdu la confiance de son parti, il est le
capitaine d'un bateau qui prend inexorablement l'eau, sous les coups de hache
répétés qu'il a lui-même assenés à la coque, à grands coups de décisions
unilatérales prises un matin dans sa salle de bain (la suppression de la
publicité sur les télévisions du service public), et d'obstination confinant à
l'autisme (la taxe professionnelle, Jean Sarkozy, le paquet fiscal, le refus
d'admettre que oui, les impôts vont exploser dans les années à venir, parce
qu'il faudra bien que quelqu'un la paye, la crise).
Nous entendons les craquements d'un mode de gouvernance qui s'émiette et s'étiole, qui a atteint ses limites et risque à tout moment l'implosion, et à la veille de fêter les 20 ans de la chute du mur de Berlin, ma foi, c'est plutôt une bonne nouvelle.