Il faut aller voir Rachel.
Simone Bitton interroge, elle écoute. Les Israéliens, les Palestiniens. Et aussi les compagnons de Rachel, ces militants pacifistes occidentaux assez téméraires pour faire barrière de leur corps devant les énormes machines (65 tonnes!) chargées d'araser les maisons, les champs proches des frontières.
Pourquoi voir Rachel?
Parce que le film n'est pas manichéen, ne prend pas de parti-pris et laisse à chacun le soin de confronter, de réfléchir à ce qu'il a vu. Pas de parti-pris ne veut pas dire pas de point de vue de la réalisatrice. Mais une distanciation salvatrice, nécessaire sur un tel sujet, et qui étonnamment remue aux tripes plus que tous les violons d'Hollywood.
Pour la qualité des témoignages. Simone Bitton trouve la juste position, pose la bonne question au bon moment - elle maîtrise admirablement l'art de l'interview. Elle ne cherche pas à piéger par des contrepoints faciles ceux qui acceptent de parler devant sa caméra. La parole, dans Rachel, paraît toujours de bonne foi, quel que soit le locuteur.
Parce qu'à aucun moment Simone Bitton ne cède à la mode d'un suspense de mauvais goût (j'imagine assez bien ce que donnerait un tel sujet sur M6: "mais qui a bien pu tuer Rachel?"). Il n'y a pas de vérité établie sur la mort de Rachel. Les chars israëliens lui sont-ils passés dessus volontairement ou ne l'ont-ils pas vue? L'intérêt du film n'est pas de connaître la vérité, mais d'écouter ceux qui ont, de près ou de loin, croisé la route de Rachel et ont forgé leurs convictions. Il en ressort une impression d'objectivité pas la multitude des subjectivités. Le film aide à comprendre plus qu'à juger.
Il faut voir Rachel pour entendre les mots du journal et des lettres de Rachel Corrie. Ils racontent la formation du militant. Mais aussi, et
Enfin, pour les nombreuses questions qui vous hantent longtemps après. Sur le militantisme. Sur l'engagement. Sur la responsabilité. Pourquoi s'engager? Par quelles voies de jeunes occidentaux arrivent-ils à s'impliquer si loin de chez eux? Est-ce utile de prendre de tels risques? Je crois que je me souviendrai longtemps de ce militant israëlien pro-palestinien de Tel Aviv qui dit lutter par nécessité, sans espoir et sans désespoir, parce que la lutte est un besoin humain. Il fait un parallèle avec les Juifs qui se sont soulevés dans le ghetto de Varsovie. Espéraient-ils voir leur sort s'améliorer? Sans doute pas. Alors, pourquoi résister si ce n'est être suprêmement humain?
Rachel est du grand, du très grand cinéma documentaire.
Ma plus belle surprise cinématographique de cet automne.