Fierté d’être français : l’illusion des symboles du passé !

Publié le 03 novembre 2009 par Nicolas007bis



Grosse agitation dans la blogoboulle, dans les médias et bientôt certainement dans les cafés voire dans les crèches, Eric Besson lance un « grand débat sur l'identité nationale » !

Comme chiffon rouge on ne fait pas mieux !

S’il avait voulu provoquer des réactions multiples, enflammées, excessives, énervées, naïves, atterrées, inquiètes, agressives, épidermiques et surtout contradictoires, il ne s’y serait pas pris autrement !....d’ailleurs certains soupçonnent que son objectif soit surtout de faire du bruit autour d’un sujet particulièrement clivant afin de ramener derrière Sarkozy les brebis nationalistes égarées dans le champs du FN.

Personnellement, je ne me prononcerai pas sur ses intentions cachées mais sur l’idée même d’un tel débat !

Eric Besson justifie son initiative de la manière suivante : «le grand débat sur l'identité nationale doit favoriser la construction d'une vision mieux partagée de ce qu'est l'identité nationale aujourd'hui» et encore «Il doit aussi faire émerger, à partir des premières propositions mises en débat et des contributions des participants, des actions permettant de conforter notre identité nationale, et de réaffirmer les valeurs républicaines et la fierté d'être Français».

Conforter notre identité nationale !!!! ….mais qu’est-ce que cela peut bien vouloir signifier ?

Réaffirmer la fierté d’être français !!!...mais pourquoi donc ?

Personnellement je suis né français, content de l’être, surtout quand je me dis que j’aurais pu naître Irakien, Pakistanais, Palestinien, Ethiopien ou Coréen du Nord, mais pour autant quelle fierté devrais-je en ressentir ?

Je n’y suis pour rien, j’ai de la chance d’être né dans un pays riche au système social très avancé, dans une démocratie dont j’apprécie les paysages, la langue et la culture ...et voilà !

Par la force des choses et par la grâce de mes parents, j’appartiens à une communauté d’environ 70 millions d’individus avec lesquels je partage des valeurs républicaines, une langue, une organisation politique et législative, un système éducatif, des gardes républicains, un déficit public, la Tour Eiffel et un tas de choses encore !

Je n’ai pas besoin que l’on conforte ce sentiment d’appartenance à travers des artifices symboliques comme la Marseillaise, le drapeau ou la lettre de Guy Moquet !

Je n’ai pas besoin non plus que l’on me ressasse les grands principes fondateurs comme la laïcité, l’égalité, la fraternité ou la liberté en me disant : « tu vois comme c’est beau la France, hein que tu en es fier, hein, dis le que tu en es fier !!!! »

Mettre en avant les symboles de la Nation est certainement très utile pour affirmer son unité face à d’autres nations ou plus précisément pour affirmer sa supériorité face à d’autres nations : « quel coq splendide nous avons là ! Qu’il est beau notre drapeau avec tout ce bleu, tout ce blanc et tout ce rouge ! Qu’elle est unique notre sanglante révolution de 1789 ! Et notre Marseillaise, quel beau chant martial plein de rythme, de mélodie et tellement chargé d’histoire !
Quand à notre Déclaration des Droits de l’homme, un must, tout le monde (ou presque) s’y réfère ! Et notre devise, hein notre devise, liberté, d’égalité et fraternité !... on en pleurerait presque tellement c’est beau ! ...Ah, on est vraiment les plus fort !!!!»

Or, il me semble qu’à l’heure de l’Europe, nous devrions avoir dépassé ce stade et, plutôt que de chercher frénétiquement ce qui nous différencie des autres pays, nous devrions chercher à identifier et à comprendre ce qui peut nous en rapprocher !

Oui, on peut être fier de ce qu’ont fait nos ancêtres, de notre langue, de notre modèle social ou de notre équipe de foot (quand elle gagne), mais ce n’est pas avec cette fierté à peu de frais que l’on va faire adhérer aux valeurs républicaines et rendre les français, tous les français, fier de leur pays.

Il ne s’agit pas de renier ce qui fait ce que la France est ce qu’elle, ni de dénigrer ce que représentent tous ces symboles mais s’en gargariser est une façon de nous enfermer derrière les frontières nécessairement étroites sinon mesquines de notre identité nationale !

Comment peut-on penser que c’est en usant et abusant des symboles de la république que sont la Marseillaise, le drapeau et autres 14 juillet que l’on va réussir à fédérer les français derrière une même idée de la France.

Comment penser que c’est en déclamant les vieux principes de la République que l’on va empêcher la Marseillaise d’être sifflée dans les stades ou que l’on va réunir dans un même élan patriotique le beur de banlieue, le banquier de La Défense, le médecin, l’artisan, le cultivateur, l’infirmière ou l’ouvrier de chez Michelin !

Il faut arriver à comprendre que pour être fier d'être français, il ne suffit plus d'être fier de son passé, aussi glorieux soit il !

L’important pour une collectivité c’est que ses membres aient envie de vivre ensemble, de construire ensemble, d’avancer dans la même direction, pas nécessairement qu’ils soient d’accord sur tout mais au moins sur ce que doit-être la collectivité à laquelle ils appartiennent !

Ce n’est pas parce que les textes constitutionnels énoncent des droits fondamentaux auxquels j’adhère que je suis fier d’être français ! Ce n’est pas parce qu’ils me parlent de liberté de conscience, de laïcité, de droits de la défense ou d’égalité devant la loi que je suis fier d’être français ! Ce n’est pas parce que je vois Liberté, Egalité et Fraternité sur tous les frontons de Mairies que je suis fier d’être français ! Et ce n’est pas non plus parce que j’entends la Marseillaise avant chaque intervention du Président de la République ou à l’occasion de la remise de médailles aux championnats du Monde de lancé de casquette que je suis fier d’être français !

Non, par contre, je serai fier d’être français dans une France ou l’indépendance de la Justice sera réelle, je serai fier d’être français dans une France ou les privilèges de la naissance seront bien abolis, je serai fier d’être français dans une France ou la Déclaration des Droits de l’Homme ne sera pas mise au placard à chaque contrat potentiel, je serai fier d’être français dans une France ou la liberté de conscience sera pleinement respectée, je serai fier d’être français dans une France ou le principe énoncé dans l’article 2 de la Constitution « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » apparaitra comme une évidence, je serai fier d’être français dans une France ou la Fraternité ne sera pas le parent pauvre du triptyque... !

Plus généralement, je serai vraiment fier d’être français lorsque nous aurons réussi à construire un modèle de société efficace, humaniste et solidaire, au sein duquel tout le monde aura sa place. A ce moment, nous pourrons, enfin, nous enorgueillir de ce que nous, français d’aujourd’hui, aurons fait de la France, plutôt que de nous contenter de fanfaronner pour ce que nos prédécesseurs en ont fait !

Mais ça, c’est évidemment plus difficile que d'apprendre la Marseillaise !