Ah mais quelle bonne idée de lancer, alors que la mondialisation bat son plein et que l’Europe n’en peut plus de s’élargir, un “grand débat sur l’identité nationale” ! Je dirais même qu’il était sacrément temps, bordel de merde ! C’est vrai quoi, il a raison Monsieur Besson quand, innocemment, il nous demande, à quelques mois des régionales :
Pour vous, qu’est-ce qu’être français ?
Si j’étais taquin, je répondrais à Monsieur Besson, qu’un dessin vaut toujours mieux qu’un long discours. Mais ce serait pousser la taquinerie dans de bien sales et peu ragoutantes orties : proposer que pour mieux l’identifier l’on dessinât le “français” de face et/ou de profil .. Et qu’à ceusses qui ne lui ressembleraient pas, on leur fasse – par exemple - l’offrande d’un brassard ! .. Non, vraiment non, ça n’est point raisonnable, encore moins une solution.
Nonobstant, on aurait bien envie de la lui retourner, cette question, à Monsieur Besson, pour vous qu’est-ce qu’être français, mais comme l’homme est occupé (il doit raccompagner dignement et en 365 jours, 26 000 pauvres gens dans leur pays - en guerre, parfois – d’origine ou approchant) nous nous abstiendrons, par simple compassion, de le faire, et lui souhaitons de concert “bon courage !” et aux autres, “bon vol !”.
Cela dit, en bon citoyen fêtant le cinquantième anniversaire des aventures de nos amis gaulois, les autrefois bidonnants Astérix & Obélix, c’est avec joie (mesurée, certes, mais avec joie tout de même) que je me ruai tout de go sur cette interrogation taraudant – et comme on le comprend ! – notre ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, notant au passage, et sans aucune perfidie, que donc, l’identité nationale semble étroitement liée, comme inscrit sur la notice de son ministère, à “immigration” et “intégration”.
Quant au “développement solidaire” – qui rime avec charter – nous nous y pencherons plus tard ! Ne mettons pas la charrue (de la nation) avant les bœufs (de l’identité nationale) comme l’on dit chez moi dans ce si beau Limousin que les parisiens et autres néerlandais colonisent à grands coups de résidences qui n’ont de secondaires que le nom.
Enfin-bon-bref, impatient de m’enquérir de l’avis des uns, des autres, évitant – principe de précaution – celui de mes amis chers, je partais à la rencontre de mon prochain et lui proposais donc de débattre de l’identité nationale, du qu’est-ce qu’être français, étant convenu que nous éluderons le principe de fierté (“fier d’être français !”) pour diverses raisons : la première étant que, ce que l’on a coutume de désigner comme étant le père de la nation - quand bien même fut-il ex - un récent président de la République est renvoyé en correctionnelle, ce qui – et toute présomption d’innocence comprise – chagrine notre fierté ; la seconde est qu’il peut être pour certains, indécent ou problématique (temporairement) d’être "fier de son pays" quand celui-ci réexpédie manu militari trois êtres humains vers un territoire plus que largement en proie à la guerre, et pas des moins sanguinaires.
Or donc, j’établissais le contact, et devisais d’identité nationale.
J’entendis, et très vite, parler de musulmans, d’islamisation rampante de la France, que si ça continuait comme ça, y’aurait des mosquées partout et qu’on serait plus chez nous, et d’ailleurs, est-ce qu’on est encore chez nous ? Hein ? … Qu’on n’est pas racistes, mais bon, ça commence à bien faire, qu’on ne peut tout de même pas accueillir toute la misère du monde, n’ont qu’à rester chez eux ! Et pis, oh, qu’on viennent pas nous raconter d’histoires, c’est quand même pas nous qui l’avons inventée, la France - et encore une fois, j’suis pas raciste ! - mais à la base, c’est plutôt un pays à peau blanche et catholique ! Non ? … Que si on en était là, c’était la faute de la gauche, de Mitterrand, des bobos, et de toutes ces associations à la con, les SOS Racisme, la Halde et compagnie, que le racisme anti-blanc, pour ne pas dire anti-français, ça existait aussi ! Tiens, ben va donc en Guadeloupe et tu comprendras c’que j'dis ! … Que l’intégration c’était du pipeau, la vérité c’est qu’ils veulent pas s’intégrer et pis c’est tout ! Y’a qu’à voir comment ça s’passe en banlieue, des zones de non-droit, voilà c’que c’est ! Ça brûle, ça casse, ça deale, et ça se plaint, alors que ça roule en Mercedes ! ... Et pis t’as vu comment elles sont habillées, leurs femmes ? Je dis leurs femmes, parce qu’ils en ont plusieurs ! Tu le sais ça ? Eh ben j’te l’dis ! … Non mais t’as vu comment elles sont fringuées, la burqa, tout ça ? C’est pas de la provocation ça ? ... Tu veux que j’te dise ? Ils nous pissent à la raie, voilà ! Ils viennent ici, profitent de la CMU, des allocs, du chômage, et qui-c’est-qui-paye ? … hein ? Eh ben c’est nous ! Les français ! De souche. Voilà, la vérité ! … Ah elle est belle, La France, tiens ! Elle est belle … Tu prends autre chose ?
- Non Pedro. Je vais rentrer chez moi. J’ai besoin de faire le point. De réfléchir.
Plus vraiment certain qu’il faille confier cet épineux débat aux citoyens, mais plutôt aux historiens, je rentrai donc chez moi, fredonnant, je ne sais pourquoi, du Ferré :
“Dans une France socialiste
Je mettrais ces fumiers debout
A fumer le scrutin de liste
Jusqu'au mégot de mon dégoût
Et puis assis sur une chaise
Un ordinateur dans le gosier
Ils chanteraient la Marseillaise
Avec des cartes perforées
Le jour de gloire est arrivé ! ” [*]
Tout en pensant que, le jour de gloire, l’avait, pour le coup, une bien sale gueule.
Oh j’en conviens, si l’on se (et nous) pose aujourd’hui cette question - qu’est-ce qu’être français ? - que nous considérons qu’elle puisse être légitime (ce qui reste à démontrer) la prétendue gauche, celle présumée socialiste de Mitterrand, Lang et consorts, doit (en) prendre sa part.
De responsabilités.
Mais que la droite, dite républicaine, ne se présente pas comme l’oie blanche, non plus ! Car en vérité, la question ne se poserait pas s’il n’y avait eu faillite, ces trente dernières années, de nos élites intellectuelles et politiques (de tout bord). Une faillite ponctuée par la présence du Front National au second tour de la présidentielle 2002.
Et, malheureusement, c’est bien sur cette faillite-là que capitalise, encore et toujours, Nicolas Sarkozy.
Sur ce sujet, délicat, sensible, d’identité nationale, il pourrait, Sarkozy, agir différemment. Je veux dire, qu’il pourrait, père de la nation, rassembler, apaiser, mais non : il exacerbe. Il divise. Avec présentement, ce ministère dont l’énoncé fausse, d’emblée, le débat.
Car lorsque l’on mêle “immigration”, “intégration” et “identité nationale”, faut pas s’étonner du résultat, de la rance teneur qu’il prend, ici ou là, “ton” débat ; et que dans son “développement” on s’éloigne considérablement du mot : “solidaire”. Un mot pourtant essentiel, tant il me semble que sans lui, il n’y a pas de nation possible.
[*] Extraits de “Ils Ont Voté” de Léo Ferré
”Les hommes naissent libres et égaux en droit. Après, ils se démerdent !” [Jean Yanne]